24 Wilbur X., Birmanie

Alicia Bedrossian

Wilbur X. est un jeune réfugié birman de 21 ans. Rencontré dans sa classe de francisation au Centre du Phénix de Sainte-Foy, il a accepté de nous raconter son histoire.

Fuir la Birmanie

Wilbur est arrivé à Québec au mois de décembre 2014 avec ses parents et ses deux sœurs cadettes, âgées de 16 et 5 ans. Originaires de Rangoun, capitale de la Birmanie, ils durent quitter le pays pour des raisons religieuses. En effet, en Birmanie, près de 95 % de la population est bouddhistes alors que la famille de Wilbur est musulmane. Les menaces psychologiques et physiques n’étaient pas rares et l’armée menaçait le père de la famille de l’enrôler obligatoirement afin d’être en première ligne aux champs de bataille. En d’autres mots, l’armée le menaçait de le faire devenir détecteur de bombes ou de mines en se sacrifiant en premier. Wilbur explique d’ailleurs que la situation est aujourd’hui toujours la même, que les musulmans en Birmanie souffrent de violences psychologique et physique, et plusieurs doivent fuir le pays.

Sous la menace de l’armée, son père dut fuir en Thaïlande pendant deux ans. C’est par la suite qu’il déménagea en Malaisie où sa famille put le rejoindre. Ils vendirent auparavant leur maison et le commerce familial en Birmanie. Dans ce nouveau pays, seul le père pouvait travailler puisque les autres membres n’avaient pas de statut de résident permanent. Pendant cinq ans, son père travailla afin de subvenir aux besoins de sa famille. Malheureusement, en Malaisie, la situation était la même qu’en Birmanie, c’est-à-dire que les musulmans y étaient mal vus. De plus, pendant ce temps, Wilbur et sa sœur ne pouvaient pas étudier ni travailler légalement. Il travaillait donc dans une usine près de 12 à 13 heures par jour, et ce, sept jours par semaine. Même s’il travaillait énormément, il ne gagnait que 35 ringgit, soit l’équivalent d’un peu plus de 11 $ par journée de travail. Les enfants pouvaient tout de même étudier dans une école mise en place par UNICEF afin d’avoir accès à une formation scolaire. Par contre, l’éducation qui y était offerte différait beaucoup de celle dont bénéficiaient les enfants malaisiens.

Après la Malaisie, le Canada

Après cinq ans de vie en Malaisie, sa famille fit une demande à UNICEF afin d’avoir un avenir meilleur. UNICEF est un organisme mondial qui a pour principale mission l’aide à l’enfance. Dans un cas comme celui de la famille de Wilbur, dans laquelle des jeunes sont considérés en danger, UNICEF peut agir afin de trouver un lieu sécuritaire pour cette dernière.

C’est donc dans la première semaine de décembre 2014 que sa famille reçut un appel de l’organisme. On leur annonça alors que moins de sept jours les séparaient d’une nouvelle vie au Québec. À ce moment-là, personne ne savait à quoi ressemblait le Canada et encore moins la ville de Québec. D’ailleurs, Wilbur affirme qu’il ne savait pas que le français en était la langue officielle.

Dans les premiers mois suivants son arrivée, il admet que le froid ne fut pas le plus grand obstacle. Il s’attendait à ce que ce soit encore plus froid, étant donnée la nature nordique du pays. Par contre, il fut frappé par l’écart de température entre la Malaisie, où il faisait en moyenne 35 degrés Celsius, et les -35 degrés à Québec. Pour Wilbur, c’est plutôt la barrière de la langue qui fut le plus grand défi. Encore aujourd’hui, même si chacun des membres de la famille a suivi des cours de français, il doit régulièrement faire la traduction pour ses parents ou sa sœur. Son père est de retour sur le marché du travail où il œuvre dans une usine depuis mars 2016. Sa mère reste à la maison pour des raisons médicales et n’a donc pas l’occasion de pratiquer la langue régulièrement.

Difficultés

Il admet trouver difficile de ne pas avoir d’amis avec qui échanger. Même s’il habite un bloc appartements où plusieurs autres immigrants ou réfugiés vivent, il n’échange pas avec eux souvent. Ainsi, les seules fois où il peut parler en français aux gens, c’est dans le cadre de ses cours de francisation au Phénix ou lorsqu’il va dans un magasin et a besoin d’une information auprès d’un vendeur. Ses échanges sont donc plutôt limités. Aujourd’hui, il affirme parler cinq langues, soit le birman, le français, l’anglais, l’hindi ainsi que le malaisien.

La recherche d’emploi est également très difficile dans le cas de Wilbur. Il a déjà travaillé dans des restaurants, mais le contact avec la viande porcine, contraire à sa religion et à ses valeurs personnelles, rendait son expérience éprouvante. Il aimerait travailler dans la même usine que son père afin d’amasser des sous et payer sa scolarité. En fait, Wilbur souhaite devenir un jour pilote d’avion. Il sait néanmoins que ses études seront coûteuses et qu’il devra travailler fort. De plus, il devra rattraper le retard scolaire qu’il a accumulé en Malaisie.

Appréciation et conseils

En ce qui a trait aux valeurs québécoises, Wilbur apprécie particulièrement l’ouverture d’esprit. Il dit s’être senti chez lui à Québec et plus accepté que dans ses pays précédents. Il a été témoin de quelques attitudes négatives à son égard, mais très peu de fois.

S’il devait donner un conseil aux nouveaux réfugiés à Québec, il leur conseillerait de parler avec les Québécois, d’échanger avec eux. Il leur dirait aussi de comprendre la culture québécoise. De plus, il met de l’avant la notion de respect des différences et des lois et règlements de la ville. Il conseille également d’oser poser des questions, même si cela peut être difficile par moment, car il est nécessaire de bien comprendre ce qu’on se fait dire.

Finalement, Wilbur est un jeune homme avec un parcours rocambolesque. Malgré tout, sa famille et lui n’ont jamais baissé les bras et on toujours cru en un monde meilleur. Le Québec représente beaucoup pour eux et ils apprécient la chance qu’ils ont. Wilbur est plein d’espoir en l’avenir et souhaite réaliser ses rêves dans les prochaines années.

Birmanie. Source : https://pixabay.com/fr/bagan-myanmar-temple-briques-701006. Crédit : jpeter2

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