54 Emilia Inés Deffis, professeure de littérature

Audrey Boissonneault

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec madame Emilia Inés Deffis qui est professeure titulaire au département des littératures de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Laval. Possédant une double nationalité argentino-canadienne, Emilia Deffis a effectué ses études universitaires à Buenos Aires en Argentine avant de poursuivre son cheminement professionnel à l’Université Laval. Elle y enseigne présentement la littérature espagnole et latino-américaine à travers l’étude de romans, de pièces de théâtre et de périodes marquantes telles que le « Siècle d’or » et le vingtième siècle. Elle détient, entre autres, un doctorat en lettres, en plus d’avoir enseigné les langues et la littérature moderne pendant dix ans en Argentine, son pays natal. Avec plus de 30 ans de carrière, Emilia Deffis possède aujourd’hui un riche bagage dans le domaine de l’enseignement de même que dans celui de la recherche.

Parcours professionnel et intérêts de recherche

Lors de son parcours universitaire, la chercheuse a étudié les œuvres de Héctor Tizon, Daniel Moyano, Antonio Di Benedetto, et de plusieurs autres écrivains des générations suivantes. Elle est parvenue à cette importante conclusion : « La création artistique, et littéraire en particulier, a un fort potentiel idéologique vis-à-vis les devoirs de la mémoire historique ». Il faut souligner que le fort intérêt de la chercheuse pour les différentes cultures provient du fait qu’elle a vécu en Argentine et au Canada, ce qui lui a permis de vivre sous deux cultures très différentes.

Travaillant principalement en espagnol, sa langue maternelle, Emilia Deffis a publié de nombreux articles au cours de sa carrière. L’un de ses plus importants projets de recherche porte sur l’exil des écrivains argentins après la dictature militaire de 1976-1983. Ayant vécu elle-même en Argentine au temps de la répression militaire et politique, Emilia Deffis affirme que cette recherche « répond à un besoin personnel et intellectuel de comprendre les mécanismes de la violence dictatoriale et ses conséquences ». Son livre Figuraciones de lo ominoso : memoria histórica y novela posdictatorial a d’ailleurs reçu un prix important de l’Association canadienne des hispanistes.

À travers ses recherches sur l’exil des écrivains argentins, la chercheuse a étudié de quelle manière le déracinement affecte grandement leurs aptitudes créatrices. En effet, la plupart d’entre eux ont cessé d’écrire, par manque d’énergie et d’inspiration. Elle ajoute :

Il y a aussi des questions existentielles profondes qui naissent du fait de se voir coupé de la terre natale, de la langue, de la culture, de la famille… C’est une situation d’aliénation totale. Il est frappant de constater les sentiments de culpabilité des survivants.

Refuge et exil

Emilia Deffis peut ainsi établir un parallèle avec la situation des réfugiés en soulignant la similarité du choc post-traumatique que vivent ces derniers et les individus en exil lors de leur arrivée dans un pays d’accueil, surtout lorsque ceux-ci proviennent d’un environnement de guerre ou de dictature. Les chocs post-traumatiques occasionnés par l’exil et le refuge exigent une thérapie de longue durée. Par contre, Emilia souligne que dans le cas où des réfugiés ou des individus en exil proviennent d’un milieu moins répressif, leur adaptation à une nouvelle langue, une nouvelle culture et une nouvelle société est moins complexe.

Selon son analyse, les principales difficultés des personnes réfugiées sont non seulement l’expérience de l’exil, mais aussi le contact avec une autre société et sa culture. Selon Emilia, un tel déracinement est un problème complexe qui exige des réponses complexes. L’adaptation peut être très exigeante pour les nouveaux arrivants. Elle nous avoue toutefois ne pas être en mesure de faire des recommandations pour faciliter l’expérience des personnes réfugiées qui s’installent à Québec, mais elle dit cependant que le processus exige une approche globale et humanitaire. Lorsqu’on interroge madame Deffis à savoir si elle a un message pour les Québécois qui s’inquiètent de l’arrivée de personnes réfugiées à Québec, elle nous répond que « la culture de la peur est une très mauvaise conseillère, mais elle sert sans doute aux intérêts xénophobes présents dans toutes nos sociétés. Nous avons une responsabilité citoyenne face aux déplacés que nos propres guerres produisent ». Elle souhaite bon courage aux personnes qui aident et qui s’impliquent dans l’accueil des réfugiés, en disant que tout effort est justifié.

Emilia Inés Deffis

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