51 Laura Sofia Velasco Ferrin, chercheuse en santé communautaire

Mathias Chevalier

Laura Sofia Velasco Ferrin a toujours été sensible aux problématiques sociales. Elle a d’abord exercé la médecine généraliste auprès de populations défavorisées de sa Colombie natale, avant d’immigrer au Québec avec sa famille. C’est alors qu’elle a entrepris une maîtrise en santé communautaire à l’Université Laval, ce qui l’a amenée à travailler auprès des populations réfugiées. Sa motivation? Elle voulait rester en contact avec l’aspect « santé des populations ». Après la remise, en 2012, de son mémoire intitulé « Analyse organisationnelle des services de santé offerts aux populations réfugiées dans la région de la Capitale-Nationale », elle est devenue professionnelle de recherche et collaboratrice dans différents projets.

Dans le cadre de sa maîtrise, en collaboration avec la directrice de la clinique des réfugiés, elle a fait une analyse organisationnelle des services offerts aux réfugiés dans les régions de Québec. À l’issue de ce travail, elle a rédigé un certain nombre de recommandations adressées aux acteurs concernés du réseau de la santé et des services sociaux pour améliorer la prise en charge des réfugiés. L’an dernier, elle a participé à un autre projet de recherche en collaboration avec l’école de psychologie de l’Université Laval. Autant dire que la problématique de la prise en charge des réfugiés au Québec lui tient à cœur.

L’intégration des réfugiés : une question de coopération

Tout au long de sa carrière, Laura Sofia Velasco Ferrin a côtoyé des populations défavorisées. En Colombie, elle est allée à la rencontre de personnes dans des régions en conflit, qui vivent ce que les réfugiés du Canada ont vécu. À la seule différence qu’il n’y a pas de camps de réfugiés en Amérique du Sud et que « les seuls pays qui en font l’accueil sont soumis à la loi humanitaire ».

Au Québec, il existe treize cliniques de réfugiés. Ces établissements regroupent des professionnels du milieu de la santé et des services sociaux, comme des médecins, des infirmiers, des psychologues et divers travailleurs sociaux. Leur rôle est de suivre les nouveaux arrivants durant la première année de leur séjour au Québec, afin de faciliter leur intégration. Ils procèdent notamment à une analyse psychosociale des individus : il s’agit de faire une analyse globale, autant sur le plan de la santé physique que de la santé mentale, ainsi que sur divers autres aspects de l’intégration sociale.

Des difficultés qui résident dans la structure du système d’accueil…

Si le Canada a mis en place un système d’accueil qui a fait ses preuves sur le plan de l’intégration des réfugiés, Laura Sofia Velasco Ferrin soulève plusieurs limites liées à sa structure.

« Il faut encourager la collaboration entre diverses institutions et organismes, incluant les infirmiers, les médecins, les travailleurs sociaux et les psychologues. C’est la base pour aider n’importe quelle personne dans une problématique sociale », dit-elle. Il faudrait notamment préparer davantage les intervenants à la mise en application de l’évaluation psychosociale. En effet, chaque réfugié a suivi son propre parcours et a besoin d’une prise en charge adaptée. Ces personnes réfugiées peuvent être priorisées en fonction de certaines caractéristiques, par exemple la présence de symptômes aigus, pour ensuite être suivies par la clinique pendant un an.

Aussi, elle dénonce la durée de la prise en charge des réfugiés à leur arrivée. Si aujourd’hui la clinique de réfugiés fait son suivi pendant un an, Laura Sofia se souvient d’un temps où cette durée était de six mois. Or, il faudrait suivre ces personnes pendant beaucoup plus longtemps que cela, sachant qu’il n’existe pas de temps d’adaptation unique pour tous les réfugiés et que certaines maladies peuvent se révéler après un an.

Il y a des gens qui arrivent avec des problèmes de stress post-traumatiques. Certains sont nés dans des camps de réfugiés et y ont grandi pendant parfois dix ans. Ce sont les personnes les plus vulnérables. On ne peut pas se contenter de les prendre en charge pendant un an, et ensuite les livrer à eux-mêmes pour le reste du temps.

… et dans la complexité du rapport à l’autre

Son travail de mémoire consistait en une analyse des facteurs facilitants et des variables qui influencent la collaboration entre les cliniques de réfugiés et les organismes qui œuvrent auprès des services de santé et des services sociaux. Elle s’est basée sur un échantillon de vingt personnes travaillant dans ces divers services, comme des gestionnaires, des coordinateurs, des nutritionnistes, des travailleurs sociaux, des psychologues, etc. La partie la plus sensible de son travail était liée à l’interprétariat.

Laura Sofia Velasco Ferrin soutient qu’il faut mettre l’accent sur les actions qui permettent de faciliter la communication entre les réfugiés et les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux. Elle a notamment guidé une initiative de formation auprès d’un groupe de Népalais pour répondre à cette problématique : « C’est intéressant de voir ce que l’on a fait au Québec sur l’interprétariat. On avait formé un groupe de Népalais afin de mesurer l’état de santé de cette population et d’explorer la collaboration entre les acteurs du réseau. » Il s’agit d’une option de première importance, sachant que la variable linguistique est primordiale dans le domaine de la santé.

Outre la variable linguistique, il existe une barrière liée à la variable culturelle qui concerne le rapport à l’autre en général. Il y a également un problème lié à la connaissance de la structure sociale elle-même. En effet, il faut avoir conscience du fait qu’à leur arrivée, les personnes réfugiées mettent du temps à comprendre comment fonctionne le système de santé et à savoir de quelle façon elles peuvent y avoir accès, par exemple. Laura Sofia Velasco Ferrin indique même qu’il peut y avoir une méfiance de la part des réfugiés envers les moyens qui sont mis à leur disposition. Il s’agit d’un argument qui va en faveur d’une prise en charge plus longue et plus approfondie, de façon à ce que les populations réfugiées s’intègrent mieux à long terme.

En 2012, elle terminait son mémoire par une série de recommandations pour améliorer la qualité des services et faire un meilleur suivi des personnes réfugiées au moment de leur intégration. Aujourd’hui, certaines de ses recommandations ont été suivies, notamment en lien avec les outils technologiques. « Mais il y a encore beaucoup de choses à faire », dit-elle avec un petit sourire en coin.

Peut-on être optimiste quant à l’avenir de la prise en charge des réfugiés au Québec?

Aujourd’hui, le Québec a l’avantage de suivre une politique relativement efficace. L’accueil des réfugiés pourrait être amélioré si les initiatives et les modèles étaient consolidés. Laura Sofia Velasco Ferrin avance notamment qu’il serait temps d’adopter un modèle de gestion qui permette une plus grande permanence des ressources humaines ainsi qu’une meilleure stabilité des ressources financières.

D’après elle, le gouvernement va de l’avant en proposant de nouveaux programmes. Seulement, ceux-ci ne sont pas tout à fait adaptés comme ils devraient l’être. Elle maintient que le problème le plus important est lié à la gestion des ressources humaines et financières. Cela a notamment pour conséquence de rendre difficile le dépistage de certaines maladies mentales et, par la suite, la prise en charge des populations réfugiées.

Laura Sofia Velasco Ferrin s’attend à ce que plus de ressources soient développées et à ce que les modèles soient mieux adaptés à la réalité. Le degré coopératif de chaque culture influence considérablement la façon de considérer la gestion de l’accueil des personnes réfugiées.

En complémentarité, la bonne perception du travail est primordiale. « Beaucoup de personnes aiment travailler avec des bénévoles. Il faudrait simplement un cadre plus formel », affirme-t-elle.

En ce qui concerne la perception générale de la problématique de l’accueil des réfugiés, elle maintient que l’opinion publique québécoise est majoritairement favorable. En effet, Laura Sofia Velasco Ferrin n’a jamais entendu de témoignages de personnes réfugiées se plaignant d’agressions de la part de Québécois, ou de toute autre forme de discrimination majeure.

Travailler avec des populations réfugiées, ou des gens qui viennent d’ailleurs quel que soit leur statut, demande une grande ouverture d’esprit. Pour Laura Sofia Velasco Ferrin, il ne s’agit pas d’une attitude que seuls les travailleurs doivent adopter, mais bien d’une attitude citoyenne que l’ensemble des membres de la population québécoise devrait suivre.

Du côté des politiques publiques, elle est en faveur de la pleine confiance envers le mouvement humanitaire enclenché par le gouvernement, car il est favorable au développement de politiques qui vont dans le sens d’un meilleur accueil des réfugiés. Pourquoi? Car ce sont des gens qui ont besoin d’être mis en sécurité, tout simplement.

Des zones de conflit en Colombie aux centres d’accueil du Québec, Laura Sofia Velasco Ferrin a toujours voulu aider les personnes en difficulté. « Il y a encore tellement de choses à faire… », répète-t-elle. La structure et les politiques d’accueil doivent être consolidées de façon à ce que les réfugiés soient mieux suivis à long terme et que leur adaptation se fasse dans les meilleures conditions possible. C’est une initiative humaine qui doit se poursuivre en réformant certaines façons de faire et, surtout, qui part d’une prise de conscience.

Laura Sofia Velasco Ferrin

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