20 Une famille syrienne

Noémie Laplante

La famille, composée des parents et de leurs trois enfants, arriva au Québec en 2016, après avoir surmonté de nombreux obstacles pendant plusieurs années de guerre et d’errance, allant de camp en camp de réfugiés. Nouvelle vie, nouveau pays, nouvelle culture : de nombreux changements les attendaient, accompagnés de leur lot de difficultés.

Les origines

En 2011, la guerre civile éclata en Syrie. Des groupes en faveur de la démocratie s’insurgèrent contre le gouvernement syrien baassiste dirigé par Bachar el-Assad. Le pays n’était plus un lieu sécuritaire pour quiconque. La famille vivait dans une petite ville située au sein de l’agglomération de Damas, le père travaillant dans le milieu de la restauration.

Un jour, des bombardements survinrent tout près de chez eux. La famille partit alors vers une autre ville où elle loua un logement. Mais d’autres attaques se produisirent dans cette région. Personne n’était à l’abri de la violence. Rebroussant chemin, la famille retourna vers sa ville d’origine où elle put être hébergée par la belle-famille. Peu d’options s’offraient à elle puisqu’elle n’avait plus assez d’argent pour se permettre la location d’un appartement. En effet, à cause de la situation chaotique, les routes étaient coupées ou devenues très dangereuses, si bien que le père fut obligé de cesser de travailler. Pour remédier à sa situation financière et subvenir aux besoins de sa famille, il quitta seul la Syrie pour aller au Liban, à la recherche d’un emploi. Au bout d’un mois, ayant trouvé un emploi dans le domaine de la restauration, il demanda au reste de la famille de venir le rejoindre. Ce fut dans un logement miteux au prix exorbitant que la petite famille vécut alors, accompagnée de rats et de souris.

Étant considérés comme des étrangers, nous devions payer le loyer en dollars et non en livres syriennes.

Les camps

Le problème financier ressurgit un peu plus tard, lorsque les fonds devinrent insuffisants pour assurer la scolarisation des enfants. La famille prit alors le chemin d’un camp de réfugiés, toujours au Liban. Il s’agissait de la seule « solution ».

Nous nous sommes déplacés de camp en camp pendant quatre ans.

Une fois installés dans un camp organisé de réfugiés, les parents commencèrent à recevoir des informations concernant les pays refuges. Ils découvrirent que certains pays étaient prêts à les accueillir, comme la Suisse, les États-Unis et le Canada. Constamment en mode « survie », les membres de la famille attendirent année après année le signal du départ, entourés de gens qui souhaitaient la même chose qu’eux : la sécurité.

La vie quotidienne dans les camps n’était pas des plus faciles. Absence d’eau courante, génératrice électrique fonctionnant seulement six heures par jour : les conditions de vie des réfugiés étaient rudimentaires. Afin de pallier le manque d’eau, des bouteilles étaient distribuées à la population. Tel un steak offert à un clan de lions, les gens se bousculaient pour réussir à avoir leur dose d’hydratation quotidienne. Une ambiance anarchique régnait. De petits rongeurs venaient même grignoter leurs vêtements, détruisant les quelques biens qui leur restaient.

Le papa travailla au sein de la communauté en tant que cuisinier. Comme les écoles des camps étaient infestées de poux, les parents décidèrent d’envoyer leurs enfants dans des écoles mises en place par des associations en dehors des camps.

Il fallait tout de même payer le transport des enfants en autobus ainsi que l’école, et même si ces sommes n’étaient pas astronomiques, vu notre revenu modeste, cela représentait une énorme somme.

L’appel d’ailleurs

Lorsque le Canada engagea les procédures pour accueillir des réfugiés, la petite famille accepta tout de suite de s’y rendre.

Nous étions ravis que ce soit le Canada et pas un autre pays.

Les bonnes conditions de vie, les vastes possibilités d’emploi, ainsi qu’une réputation apparemment invitante faisaient du Canada un lieu de résidence souhaité. Ce fut donc en janvier 2016 que tous les cinq débarquèrent au Québec. Cette nuit-là, ils dormirent dans un hôtel près de l’aéroport. Le lendemain matin, un autocar les amena à un second hôtel. Une fois en ville, la famille fut accueillie chaleureusement par un comité de responsables et de bénévoles pour les réfugiés. Un interprète était également présent, car aucun membre de la famille ne parlait le français ni même l’anglais.

Une nouvelle vie

La langue fut une grande barrière communicationnelle pour la famille lors des premières semaines. Un médiateur ou interprète était requis en tout temps pour qu’ils puissent échanger avec les gens. Une seconde difficulté majeure fut le climat. Arrivant en plein hiver, la famille trouva la température très froide, ce qui la déboussola.

Dans la suite de leur intégration, il y eut au programme de nombreux rendez-vous médicaux. Une certaine médiatrice fut, entre autres, une personne-ressource importante dans l’adaptation progressive de la famille qui la rencontra à plusieurs reprises pour faire le point et enclencher la recherche d’emplois, d’appartement, d’école, etc. Le père est toutefois toujours à la recherche d’un emploi. Heureusement, les enfants purent aller à l’école quelques semaines seulement après leur arrivée. Leur apprentissage et leur intégration à ce nouveau milieu scolaire se firent à une vitesse impressionnante.

Au moment de notre rencontre, les cours de francisation destinés au couple d’adultes devaient débuter incessamment, constituant un grand coup de pouce pour les aider à acquérir leur autonomie et à faire un premier vrai contact avec la population locale. Leur nouveau cercle social se résume aux autres ménages syriens réfugiés et à la communauté musulmane de la région.

N’ayant pas encore pris connaissance de la culture et de la politique québécoises à cause de leur arrivée très récente, les parents ne peuvent pas se prononcer sur les valeurs québécoises. Par contre, leur perception semblait plutôt positive. Bien qu’ils doivent constamment s’adapter, ils disaient avoir été accueillis d’une façon chaleureuse.

On remercie les personnes qui aident à notre accueil. Sans elles, on se serait sentis perdus. Merci à tous.

Tout au long de l’entrevue, le désir d’avoir tout simplement une vie sans violence et sans guerre transparaissait à travers les propos de cette famille syrienne. Sans vouloir juger des différences entre la Syrie et le Canada, la famille remercie la vie et les gens mis sur son chemin pour cette chance, ce nouveau refuge. Ils n’ont pas de conseils pour les futurs réfugiés à venir, mais ils auraient apprécié en recevoir de la part des précédents! Heureux d’être les cinq ensemble, ils souhaitent que leur présence et celle de futurs réfugiés au Québec ne soulève aucune inquiétude.

Nous sommes là pour l’avenir de nos enfants.

Ils ont après tout fui la guerre afin de retrouver la paix, et non les problèmes.

*L’entrevue a été réalisée grâce à une médiatrice interculturelle, en présence de l’auteure.

Palmyre, Syrie. Source : https://pixabay.com/fr/palmyra-rome-syrie-colonnade-1261114. Crédit : andrelambo

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