37 Ginette X., bénévole au Centre multiethnique de Québec

Karolann Picard

Ginette est une femme de 27 ans possédant un baccalauréat multidisciplinaire basé sur trois certificats en toxicomanie, en criminologie et en service social. Originaire du Québec, elle est bénévole pour le Centre multiethnique de Québec depuis maintenant six mois, après avoir été bénévole pour d’autres organismes dans le passé. Son ami et conjoint est d’ailleurs une personne réfugiée d’origine afghane. Ils sont partenaires de vie depuis maintenant six ans.

Une femme de cœur

Ginette trouve important de donner un coup de main à des gens venus d’ailleurs qui ne connaissent aucunement la culture d’ici ni même la langue. Elle mentionne être une femme qui se met constamment à la place de l’autre. Elle trouve horrible que des gens doivent tout laisser tomber pour s’installer dans un pays complètement inconnu et ressent le besoin d’amoindrir le choc ainsi vécu, au meilleur de ses capacités. Son plus grand souhait est que l’entièreté de la population québécoise ouvre son esprit et son cœur à ces gens qui ont, pour la plupart, vécu des horreurs. Elle aimerait que les Québécois et Québécoises cessent d’avoir peur de la différence. Lors de l’entrevue, Ginette a d’ailleurs mentionné :

La qualité de vie des gens réfugiés ne vaut pas moins que celle des Québécois. Nous avons de la chance d’être nés ici, au Québec. Puisque notre province est immense et que nous avons assez de place pour les accueillir, pourquoi ne pas en faire bénéficier les gens qui n’ont malheureusement pas eu cette chance? Ils ont, eux aussi, le droit à une bonne qualité de vie.

Qui plus est, Ginette a décidé de se faire tatouer un mot arabe à la base du cou pour montrer son ouverture et son appréciation de la différence. Elle a également dans sa voiture un bijou qu’elle a reçu en cadeau, une chaîne qui représente la main de Fatima. D’origine arabe, ce symbole est utilisé comme amulette protectrice et désigne la main de Dieu. Ce bijou de souche religieuse renvoie à des traditions musulmanes. Certains croient que les cinq doigts de cette main représentent en fait les cinq piliers de l’islam. Pour Ginette, ce cadeau reçu est un signe de reconnaissance et de bonté. Cela l’a touchée particulièrement.

Une femme engagée

Selon Ginette, l’engagement des bénévoles au quotidien aide à favoriser la création d’un premier lien positif entre une personne réfugiée et un membre de la communauté québécoise. L’engagement de Ginette au Centre multiethnique de Québec consiste en plusieurs gestes. D’abord, il lui arrive d’être assignée au service de repas du Centre. Elle cuisine des plats pour les personnes réfugiées ou va simplement leur porter des plats déjà préparés. Ginette fait également de l’aide au transport. Cela exige qu’elle se présente directement chez les personnes réfugiées aux heures dont elles ont besoin et qu’elle les amène à leurs différents rendez-vous, par exemple au CLSC. Aussi, elle vient en aide aux personnes réfugiées lors de leur déménagement. Ginette va alors chercher les familles au Centre multiethnique et les conduit dans leur nouveau chez-soi. Par la suite, elle va chercher des boîtes d’articles ménagers de toutes sortes fournies gratuitement par la boutique Rossy et elle les apporte au logement de la famille. Elle aide ensuite à faire le ménage de l’endroit, à défaire les bagages, à prendre des mesures pour l’achat de rideaux, etc. Ginette fait environ dix heures de bénévolat par mois, un nombre qui peut varier selon les besoins. Il arrive que certains mois soient plus chargés que d’autres.

Une femme d’opinion

Ginette croit que la principale difficulté des personnes réfugiées est la barrière linguistique. En effet, elle mentionne que plusieurs d’entre elles, notamment issues de Syrie, n’ont, à leur arrivée, aucune connaissance en français et très peu en anglais, ce qui crée une énorme difficulté dans leurs efforts pour communiquer avec d’autres gens. Elle ajoute que les personnes ayant un certain âge ont plus de difficulté que les plus jeunes à apprendre une nouvelle langue. À son avis, les différences culturelles constituent également une difficulté.

Ces gens quittent un pays presque entièrement musulman pour un pays majoritairement catholique non pratiquant, ce qui entraîne des conflits de valeurs considérables. Le port du voile en est juste un exemple. Il existe plusieurs différences entre leur religion et la nôtre. En plus, nous ne sommes pas très pratiquants ici. Il peut être difficile de comprendre leurs valeurs.

Ginette sait à quel point il est ardu pour les réfugié-e-s de Syrie de quitter leur pays en laissant tout derrière. Ces personnes arrivent ici avec seulement une valise et parfois même avec rien du tout. Elles doivent abandonner tous leurs effets personnels, ce qui, selon elle, rend l’exil encore plus dur à vivre. La majorité de ces personnes proviennent des camps de réfugiés du Liban où elles ont vécu dans des tentes. Elle affirme avec conviction que la période de transition entre la Syrie et le Canada s’avère être extrêmement pénible pour les nouveaux arrivants. Elle termine sur ce sujet en soulignant que la non-reconnaissance des études est un autre problème à ne pas négliger lorsqu’on parle des personnes réfugiées :

La plupart des nouveaux arrivants syriens se retrouvent souvent à travailler dans des cuisines de restaurant ou à faire du ménage dans des hôtels, alors que plusieurs d’entre eux ont des formations dans des métiers précis ou encore un diplôme d’études universitaires. Ce n’est pas facile pour eux de faire ce compromis alors qu’ils sont conscients des compétences qu’ils ont dans leur propre domaine d’étude.

Malgré ces difficultés, Ginette dénote la générosité de l’État envers ces gens. Somme toute, à son avis, la ville de Québec a bien réussi son accueil des personnes réfugiées. Par contre, une des lacunes toujours présentes est la panoplie de papiers que ces personnes doivent remplir dès leur entrée au pays alors qu’elles ne comprennent pas un mot de notre langue. Selon Ginette, une des grandes forces déployées par la ville de Québec est le personnel et les bénévoles engagés pour l’accueil des nouveaux arrivants, ainsi que les services d’aide à l’intégration.

Pour avoir côtoyé le personnel et les bénévoles de ces milieux, il s’agit toujours de personnes au grand cœur toujours prêtes à se dévouer pour le bien-être de l’autre. Je suis moi-même fière de faire partie de ces personnes qui peuvent contribuer un petit pas à la fois à l’épanouissement de ces gens réfugiés. Je l’ai mentionné et je le répète, ces gens sont des êtres humains gentils et honnêtes ayant droit à une qualité de vie aussi bonne que la nôtre. Je suis donc fière de voir que nous sommes plusieurs à essayer de contribuer positivement à leur qualité de vie.

Main de Fatima. Photo fournie par l’auteure.

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