21 Une famille bosniaque

Josy Ann Dufour

Arrivée au Québec depuis 22 ans, la famille Alibegovic vit présentement une vie paisible. Bons parents, vaillants et bons individus, ils sont maintenant résidents permanents du Québec. D’origine bosniaque, les parents forment un couple depuis de nombreuses années. Malgré leur amour réciproque, ils passèrent par plusieurs épreuves difficiles. Pendant quelques années, ils vécurent dans la terreur et durent quitter leur pays d’origine afin de sauver leur vie. Malgré leur dépaysement initial, la famille Alibegovic compte bien rester au Québec encore longtemps.

Avec le temps, on a appris à aimer le Québec. Au départ, on croyait revenir après deux ou trois ans. Nous sommes finalement installés depuis 22 ans et on ne pense pas repartir.

Aujourd’hui, la famille considère faire partie intégrante de la société québécoise. Monsieur et madame Alibegovic ont de bons emplois et leurs enfants sont encore aux études. Leur réseau social est très développé, mais ils gardent tout de même contact avec leurs amis bosniaques. Ils voyagent souvent vers leur pays d’origine afin de conserver leur lien d’appartenance. Leur histoire, parsemée d’embûches, est un bon exemple de persévérance et de dépassement de soi.

De la Bosnie-Herzégovine jusqu’au Québec

En 1991, l’une des guerres les plus meurtrières de l’histoire européenne éclata. La Bosnie-Herzégovine, leur pays d’origine, entra en guerre contre les peuples serbes et croates. Après quelque temps à vivre dans la crainte, ils décidèrent d’abandonner leurs racines pour une période indéterminée. Le couple avait choisi la Suède comme pays d’accueil puisque des membres de leur famille y habitaient. Dû à certaines circonstances, ils furent néanmoins contraints de choisir entre le Canada et les États-Unis. Leur choix se porta sur le Canada et plus précisément sur le Québec puisque madame Alibegovic était professeure de français. Comme elle connaissait la langue, cela faciliterait l’adaptation. C’est donc en 1994 qu’ils se réfugièrent au Québec. Dans ces années-là, la présence de réfugiés était encore peu commune. À leur arrivée, ils furent accueillis et guidés par un centre d’immigration. Le personnel de ce centre inscrivit monsieur et madame Alibegovic au bien-être social, et leurs enfants à l’école. Faire partie d’un programme d’aide social n’était pas très réjouissant pour eux puisqu’ils aimaient être autonomes. En effet, les deux possédaient un bon emploi et gagnaient un bon revenu en Bosnie. Malheureusement, leurs diplômes n’étaient pas valides au Québec et ils ne pouvaient donc pas pratiquer leurs métiers. Deux options se présentaient à eux : « Refaire nos études universitaires ou se trouver un emploi au salaire minimum. Comme le taux de chômage était très élevé durant ces années-là, la tâche s’est avérée ardue ». Ils durent être patients et attendre que les opportunités d’emplois se présentent.

Intégration à la société québécoise

Les premières semaines au Québec furent plutôt angoissantes. Non seulement ils venaient d’abandonner, contre leur gré, leur pays d’origine, mais ils furent ébranlés par la difficulté d’adaptation dans leur ville d’accueil. Sans emploi et sans bien matériel, la famille devait tout recommencer à zéro. Le centre de l’immigration permit aux réfugiés de trouver un logement et de s’installer paisiblement en attendant la suite des procédures. Heureusement, la famille fut installée dans un quartier où logeaient d’autres Bosniaques.

Le fait de vivre près de plusieurs autres Bosniaques a permis de rendre l’adaptation plus facile et c’était beaucoup moins dépaysant.

Cette proximité diminua pourtant leur capacité d’interagir avec les Québécois et d’apprendre d’eux. Les enfants furent les premiers à tisser des liens sociaux avec les Québécois puisqu’ils les côtoyaient fréquemment à l’école. Les parents, quant à eux, s’intégrèrent doucement, mais plus difficilement. Ils trouvaient l’adaptation à la culture québécoise complexe à cause de certaines valeurs qui ne rejoignaient pas les leurs. La relation avec les enfants, par exemple, étonna les Alibegovic.

Dans notre pays, les enfants ne partent pas de la maison à un jeune âge. Chez nous, les enfants peuvent rester à la maison aussi longtemps qu’ils le veulent. Et ils n’ont surtout pas à payer de pensions.

Selon eux, les jeunes au Québec sont beaucoup trop laissés à eux-mêmes, et ce, rapidement dans leur vie. Malgré cet aspect plus négatif, les Alibegovic admirent l’ouverture d’esprit des Québécois. Ils ont été surpris puisqu’ils avaient « peur de la façon dont les gens allaient les recevoir. Il y avait beaucoup moins d’immigrants dans ces années-là ». Après de nombreuses années au Québec, la famille se sent à la maison. Ils se considèrent maintenant comme de vrais Québécois sans pour autant oublier d’où ils viennent.

L’inconnu fait peur

Ils affirment qu’il est possible de se plaire dans un nouvel endroit. Ils comprennent la peur de certaines personnes qui doivent quitter leur pays natal pour se réfugier dans un pays inconnu, mais affirment que celle-ci s’estompe après plusieurs années. Le meilleur moyen de s’adapter le plus rapidement à un nouvel environnement est de mettre cette peur de côté et de foncer vers l’inconnu. Selon eux, il est important de « s’intégrer au plus vite, de côtoyer des Québécois, de trouver un emploi et d’avoir ainsi une certaine indépendance. C’est important de se sentir à la maison, parce qu’au final, c’est ce que ça devient avec le temps ».

Arrivée d’autres réfugiés

La famille demeure au Québec depuis 22 ans. Ils ont vu la société québécoise évoluer avec le temps. Lorsqu’ils sont arrivés en terre canadienne, il n’y avait pas beaucoup de réfugiés et les Québécois se sont rapidement habitués à leur présence sans craindre pour la survie de leur culture. Avec l’annonce de l’arrivée de milliers de réfugiés syriens, beaucoup de Québécois sont au contraire sur la défensive et refusent qu’ils viennent aussi nombreux dans la province. Selon la famille Alibegovic, cette réaction est compréhensible. Par contre, il ne faut pas oublier pourquoi ces gens se réfugient dans un autre pays.

Peu importe les peurs que vous croyez ressentir, nulle n’est plus grande que la peur ressentie par ces gens. Ils fuient la guerre, les bombes, ils fuient la mort. Ils sont comme vous et moi, ils souhaitent un meilleur avenir pour leur famille, pour leurs enfants. Ils souhaitent vivre en paix, après avoir vu trop des leurs mourir. Croyez-nous, ils auraient préféré rester à la maison, mais ils n’ont plus nulle part où aller.

Aider son prochain

L’adaptation de la famille aurait été différente et sûrement plus difficile sans la présence des centres d’immigration. Cette aide leur a permis de trouver un logement adéquat et de bons emplois. De plus, un couple de Québécois a pris soin de la famille en les intégrant le plus tôt possible à la société québécoise.

Ils nous amenaient à la cabane à sucre, ils nous apprenaient les particularités de la culture; ils nous intégraient. Toutes ces petites choses nous ont aidé à apprécier ce pays et nous redonnaient le sourire aux lèvres.

Ils croient que la présence des centres d’immigration est primordiale dans la vie des nouveaux réfugiés. Sans leur aide, ceux-ci se retrouvent sans aucun repère et éprouvent de nombreuses difficultés. Des millions de réfugiés à l’étranger attendent avec courage de trouver un nouveau chez-soi pour refaire leur vie dans la sécurité et la dignité. Le rôle du personnel des centres d’immigration est de s’assurer de combler ces besoins.

Fuite. Image fournie par l’auteure.

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