36 Hélène Blouin, bénévole auprès des réfugiés

Marie-Hélène Émond

Hélène possède une formation universitaire en communication et en droit acquise à l’Université Laval. C’est en tant que journaliste pour un hebdomadaire qu’elle a débuté sur le marché du travail, avant de commencer sa carrière comme conseillère spécialisée en communication interne à l’Agence du Revenu du Québec, emploi qu’elle occupe encore aujourd’hui. Elle n’écarte pas un retour à la pratique du journalisme comme projet de retraite.

Ouvrir ses horizons

Même si elle n’a pas vécu d’expérience de séjour dans un des pays d’où provenaient les personnes réfugiées avec qui elle a tissé des liens d’amitié, soit le Laos, le Cambodge et le Vietnam, Hélène possède tout de même un grand intérêt envers les cultures en général et particulièrement les cultures asiatiques. Sa fille, adoptée en 1991, est d’ailleurs d’origine asiatique. Elle a fait un voyage très enrichissant de plusieurs mois en Israël qui lui a ouvert de grands horizons.

Bénévolat auprès des personnes réfugiées

En 1980, des milliers de personnes réfugiées provenant du Laos, du Cambodge et du Vietnam arrivèrent par bateau au Québec. Les conditions de vie difficiles, l’absence de liberté d’expression et le système communiste de leur pays à l’époque les avaient forcées à partir vers la Thaïlande où elles vécurent dans des camps de réfugiés avant de pouvoir être accueillies dans d’autres pays, notamment le Canada. À leur arrivée au Québec, le gouvernement provincial demanda l’aide de bénévoles pour les accueillir.

C’est dans un état d’esprit sensible à cette cause humanitaire qu’Hélène, qui était alors étudiante à l’Université Laval, décida de s’investir activement et bénévolement dans cet accueil. Elle voulait venir en aide à ces personnes fuyant la guerre et l’injustice dans leur pays et rêvant d’un monde meilleur. Selon Hélène, un tel engagement nécessite de posséder des valeurs humanistes puisque le bénévolat auprès de réfugiés demande un don de soi, beaucoup de générosité et de dévouement, un sens du partage et des responsabilités : « Il faut avoir l’âme missionnaire chez soi sans avoir besoin d’aller à l’autre bout du monde! ».

Au moment de son travail bénévole en 1980, Hélène fut responsable d’accueillir un groupe de six personnes réfugiées, formé de deux Laotiens, deux Cambodgiens et deux Vietnamiens. Son travail de bénévole consistait principalement à bien les accueillir et à les aider à mieux s’intégrer. Elle a dû faire preuve d’énormément de compassion et d’écoute étant donné leur situation précaire : ils étaient démunis, ne parlaient pas français et ne connaissaient rien de notre culture, de nos façons de faire, de notre type de nourriture. Tout était différent pour eux, ce qui pouvait entraîner des chocs culturels et psychologiques. Hélène raconte d’ailleurs qu’un des réfugiés cambodgiens a vécu un grand choc post-traumatique en arrivant au Québec. Il s’était fait attaquer par des soldats du régime communiste à la frontière de son pays avec sa femme et ses enfants qu’il avait vu mourir sous ses yeux. Pour un grand nombre de personnes réfugiées, la transition peut être traumatisante psychologiquement, car elles ont dû quitter leur famille, leurs amis, leur patrie. Pour Hélène, accueillir des gens avec un tel bagage émotif représentait un défi de taille

Aide concrète

Aussitôt que les personnes réfugiées arrivent en sol québécois, les bénévoles doivent avant tout s’occuper de trouver pour ces familles un logement, des vêtements et des denrées alimentaires. Les besoins sont énormes, tout comme l’apprentissage à faire. Une dame qui n’avait pas d’électricité là où elle habitait était émerveillée par le simple fait d’entrer dans un magasin à grande surface tout éclairé!

Il faut vraiment leur apprendre comment fonctionner partout. Même faire l’épicerie devient compliqué, car ils ne savent pas lire le français!

En plus de leur montrer comment s’approvisionner, Hélène devait leur expliquer comment fonctionner dans le système de santé et le système scolaire. Elle devait aussi accompagner chacun-e d’entre eux à l’hôpital pour des soins de santé et des vaccins, s’occuper de leurs papiers relatifs à l’emploi et des démarches administratives pour les inscrire dans le système d’assurance maladie et d’assurance sociale, en plus de mener avec eux des activités sociales et de les familiariser avec nos mœurs et coutumes : « Il faut vraiment les assister dans toutes les démarches afin de faciliter leur intégration ». Au tout début, l’engagement d’une personne bénévole implique d’être présente presque 24 heures sur 24 afin de l’encadrer les personnes réfugiées du mieux possible et de ne pas les laisser seules à elles-mêmes. Hélène leur a également donné, de son propre gré, des cours particuliers supplémentaires en français pour que les personnes dont elle s’occupait apprennent la langue plus rapidement et puissent travailler.

Les bénévoles doivent également penser à l’habillement des personnes réfugiés, leur expliquer le fonctionnement des transports, de la caisse, des pharmacies, les aider à répondre à tous les besoins quotidiens, par exemple comment se procurer des médicaments. Les rapports d’impôts, les comptes de téléphone, d’électricité, de chauffage, le paiement de factures, tous ces détails ne doivent pas être oubliés. Les bénévoles doivent les accompagner dans cet apprentissage afin que les personnes réfugiées comprennent le fonctionnement de la société et puissent devenir rapidement autonomes au quotidien. Bref, le travail des bénévoles est très enrichissant, tout en demandant énormément de temps. Hélène a réalisé qu’en aidant les personnes réfugiées, elle a développé le goût de poursuivre des actions d’entraide au quotidien avec des gens proches d’elle.

D’ailleurs, Hélène a  apporté son aide à une famille syrienne arrivée dans sa région en ce qui concerne la recherche de vêtements et l’achat de nourriture. Elle leur a notamment offert leur premier panier d’épicerie. Elle veut aussi s’engager davantage pour donner des cours de francisation. Même si le niveau de difficulté sera plus important étant donné qu’ils ne parlent pas le français et que leur langue maternelle est l’arabe, elle est prête à relever le défi.

Bien que son expérience bénévole auprès des personnes réfugiées remonte à plusieurs années, Hélène n’a pas cessé d’aider les autres, notamment en parrainant plusieurs enfants via l’organisme Secours Tiers-Monde, en donnant à des organismes de coopération internationale et en aidant des jeunes de son entourage.

Principales difficultés des personnes réfugiées

En ce qui concerne les principales difficultés des personnes réfugiées qui arrivent à Québec, Hélène estime que la différence de langue représente une barrière majeure. Elle mentionne également la difficulté d’intégration à notre mode de vie et à notre culture, ainsi que l’acclimatation à nos quatre saisons, puisque certain-e-s ne connaissaient pas le froid et la neige avant d’arriver. Tout ce qui concerne les démarches administratives comme la signature d’un bail ou de papiers bancaires et l’obtention d’assurances ou d’une hypothèque sont des difficultés auxquelles les personnes réfugiées doivent faire face en arrivant ici puisqu’elles ne connaissent rien de la règlementation en vigueur et du fonctionnement de la société québécoise.

De plus, par manque de connaissance du système, ces personnes risquent de se faire exploiter par d’autres qui tirent avantage de leur situation de réfugiés. Hélène déplore l’exploitation de certaines femmes réfugiées, notamment pour des travaux de couture et d’entretien ménager dans certaines entreprises. D’autres peuvent  être victimes de racisme et de commentaires déplacés de la part de certains individus.

L’expérience de l’exil est une grande  difficulté à laquelle les personnes réfugiées sont confrontés en arrivant en sol québécois : l’inquiétude envers les membres de leur famille qui sont restés dans leur pays d’origine peut être vive. Certaines personnes réfugiées souffrent du« sentiment du survivant » en se demandant pourquoi elles avaient réussi à quitter leur pays et pas les autres.

Mobilisation et accueil

Le point fort du Québec en lien avec l’arrivée des personnes réfugiées est la grande solidarité des bénévoles, car l’accueil implique une ouverture et une mobilisation de la communauté. Hélène se rappelle d’une grande entraide entre les groupes et les communautés qui accueillaient des personnes réfugiées à Lévis. Elle a pu compter sur la contribution des autres bénévoles, par exemple pour l’organisation  d’un mariage laotien qui avait été célébré entre deux personnes réfugiées avec qui elle entretient encore aujourd’hui des liens d’amitié très forts.

Selon elle, pour aider le Québec et faciliter les expériences des personnes réfugiées,

Il faut parler des belles histoires et mettre de l’avant les témoignages de gens qui ont vécu des histoires positives afin d’amoindrir les différences entre le « nous » et le « eux », qui devient le « nous » et le « ils », et qui, dans les faits, est le « nous » incluant tous les citoyens du Québec.

Ces histoires sont chargées d’émotions souvent douloureuses. C’est important que des gens comme les bénévoles s’y intéressent et soient présents dès leur arrivée pour aider.

Comme recommandation concrète, Hélène mentionne la création d’un réseau de professionnel-le-s tels que  médecins, dentistes, avocats, qui seraient prêts à donner des services gratuitement ou à très faible coût pour aider les personnes réfugiées. Cela aiderait grandement les bénévoles à trouver des dispensateurs de soins et les personnes réfugiées à obtenir des soins et des services de base dès leur arrivée.

Aux Québécois et Québécoises qui s’inquiètent de l’arrivée de personnes réfugiées, elle tient à dire qu’« on y gagne plus qu’on donne et on reçoit beaucoup plus qu’on donne ». Se porter bénévole dans l’accueil des personnes réfugiées est une expérience très enrichissante qui l’a faite grandir et comprendre davantage les problématiques de la diversité des différentes nationalités.

Baie de Ha Long, Vietnam. Source : https://pixabay.com/fr/baie-d-ha-long-vietnam-voyage-2404434. Crédit : vietnam-It

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