6 Daniel X, Bosnie-Herzégovine

Annie-Claude Ouellet

Daniel est arrivé au Québec en mai 1989, alors qu’il était âgé d’une trentaine d’années. C’était la première fois qu’il foulait le sol d’un pays autre que le sien. Daniel souligne que s’installer au Québec ne fut pas un choix pour lui, mais qu’une vie stable et organisée n’était plus possible dans son pays natal. Il vivait depuis quelques temps dans un camp de personnes réfugiées où il lui était impossible de trouver quelque satisfaction que ce soit.

La Yougoslavie, avant le départ de Daniel

Daniel affirme que l’ex-Yougoslavie était en plusieurs points semblable au Canada, avec quelques nuances. Comme notre pays, la Yougoslavie était une fédération qui comportait plusieurs nationalités sur son territoire. Dans ce pays, plus précisément dans la province bosniaque, environ 45 % des gens étaient de confession musulmane, 35 % de confession chrétienne orthodoxe (les Serbes) et les autres de confession catholique (les Croates). La Yougoslavie était une république socialiste, gouvernée par un parti unique : le parti communiste.

Quand Daniel affirme que son pays natal ressemblait au Canada, il évoque entre autres la couverture médicale qui était gratuite, de même que l’éducation. Il qualifie son pays d’origine comme étant un bel exemple de vie coopérative. Par exemple, les mines étaient administrées selon le principe coopératif, c’est-à-dire que les personnes employées possédaient des parts de l’entreprise et les principaux cadres dirigeants honoraient les actions des personnes employées en leur offrant des logements, des terres ou encore des bonus financiers. Daniel se dit très fier de cet aspect de « sa Yougoslavie » qui illustrait des valeurs et des principes qui lui sont chers.

Une décision difficile

À la suite de la désagrégation de la Yougoslavie et de la guerre qui suivit, Daniel dut se rendre à l’évidence : il serait mieux pour lui de se rendre dans un autre pays pour y faire sa vie. Daniel fit alors comme plusieurs autres Bosniaques et décida d’obtenir tous les renseignements nécessaires pour quitter son pays et obtenir un statut de réfugié au sein d’un autre pays. Cette décision ne fut pas aisée. Selon Daniel, c’est probablement la plus grande décision qu’il ait dû prendre dans sa vie. Il ne s’agissait pas de choisir entre rester dans la pauvreté et la guerre ou aller habiter dans un pays plus paisible. Il se demandait plutôt s’il allait avoir la force mentale de quitter son pays d’origine et de tenir le coup dans les démarches, les transports, l’adaptation et le possible choc culturel qu’il s’apprêtait à vivre, ignorant comme toute personne demandant l’asile dans quel pays il serait envoyé.

Lorsque Daniel apprit que le pays qui allait l’accueillir était le Canada et qu’il allait habiter dans la province de Québec, il ressentit un petit soulagement. Non, la peine de devoir quitter son pays pour un endroit meilleur n’avait pas disparue, mais le fait de savoir que le pays d’accueil avait une culture assez semblable à la sienne le rassura un peu quant à la question de son intégration.

Arrivée au Canada

Lorsque Daniel arriva au Québec au mois de mai, il était ravi que ce déplacement ne se soit pas effectué au beau milieu de l’hiver. C’est au moment où Daniel descendit de l’avion qu’il réalisa l’impact de sa décision. Il comprit que plus jamais sa vie ne serait la même. Même s’il avait le cœur gros face à ces changements, il savait pertinemment que c’était pour le mieux, pour une meilleure vie et pour une plus grande sécurité. Daniel se sentit beaucoup moins seul lorsque les agents d’immigration du Canada l’accueillirent à l’aéroport. Même si elles ne faisaient que leur travail, il sentit que ces personnes étaient honnêtes et qu’elles souhaitaient réellement mettre les personnes réfugiées à l’aise et leur faire sentir qu’elles étaient les bienvenues. Leur humanité réconforta énormément Daniel. Ils prirent le temps de lui expliquer quel genre de demande il devait faire auprès des autorités gouvernementales pour obtenir le statut de personne réfugiée, l’aide financière, les quelques avantages quant aux vêtements, les modalités pour l’assurance maladie, etc. Cela ne faisait que quelques heures que Daniel était en sol canadien et il se sentait déjà pris en charge par des personnes qui, selon lui, avaient bien compris son besoin d’aide en matière d’intégration.

En contrepartie, tout n’était pas rose. La barrière de la langue fut d’abord un obstacle considérable pour ce nouveau venu. Daniel réussit à obtenir des prestations d’aide sociale, quelques vêtements et un logement à prix modique. Pour ce qui est du travail, un autre obstacle apparut. Les gens de la Yougoslavie sont des personnes très instruites puisque l’éducation est gratuite dans ce pays. Toutefois, les ordres professionnels établis au Québec ne reconnaissent pas ou difficilement les diplômes des pays étrangers. Ce fut le cas de Daniel : la formation reçue pour la profession qu’il exerçait dans son pays n’était pas reconnue par l’ordre professionnel québécois équivalent. Alors, comme de nombreux arrivants, il dut travailler dans des restaurants pour gagner sa vie. Ce fut un coup dur porté à son orgueil, puisque dans son pays il était un travailleur valorisé. Daniel est certain que le fait de ne pas être retourné à l’école pour obtenir une certification d’équivalence l’a toutefois aidé dans son intégration et son apprentissage de la langue. Daniel s’est fait des amis, hommes et femmes, qui venaient du même endroit que lui et il s’est rapidement senti chez lui, au Québec.

L’intégration

Daniel se considère comme un bon vivant. Tout compte fait, son intégration s’est très bien passée. Alternant les hauts et les bas, Daniel ne s’attendait pas à ce que tout se déroule comme dans un film et il y était préparé. La ressemblance entre le Canada et son pays natal a toutefois vraiment facilité son arrivée. Jamais Daniel ne pourra être assez reconnaissant envers les gens qui ont pris le temps de l’aider.

Aujourd’hui, Daniel parle encore sa langue maternelle, mais maîtrise très bien le français. Il se dit chanceux d’être arrivé au Québec à l’âge adulte puisqu’il n’est pas rare que les personnes arrivées en bas âge perdent l’usage de leur langue maternelle au profit du français. Daniel est fier de pouvoir s’exprimer dans sa langue première. Il mentionne également que les gens de son origine ne se sont pas ghettoïsés à leur arrivée, ce qui représente un avantage pour leur intégration. Finalement, Daniel demeure attaché à la Bosnie-Herzégovine, mais la décision de venir au Canada reste le meilleur choix qu’il ait fait. Il peut maintenant se dire « chez lui » dans la grande région de Québec.

Bosnie-Herzégovine. Source : https://pixabay.com/fr/mostar-pont-rivi%C3%A8re-arc-1331058. Crédit : JPataG

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