56 Stéphane Leman-Langlois, professeur de criminologie

Célina Bédard, Gabriel Bolduc, Jean-Benoît Dubé et Gabriel Théberge

Voici le portrait de Stéphane Leman-Langlois, chercheur à la Chaire de recherche du Canada en surveillance et construction sociale du risque. Il est aussi professeur agrégé à l’École de service social de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. La formation de ce chercheur est très impressionnante. En effet, il a tout d’abord réalisé son baccalauréat et sa maîtrise en criminologie à l’Université de Montréal. Il a ensuite obtenu son doctorat à l’Université de Toronto et a finalement complété son postdoctorat en criminologie au Centre international de criminologie. Durant la réalisation de son postdoctorat au début des années 2000, monsieur Leman-Langlois a développé un intérêt marqué pour le terrorisme. Malgré le fait qu’il n’ait pas d’expérience directe d’un pays d’où proviennent les réfugiés, les événements l’ont amené à faire des liens entre ses recherches et les réfugiés de guerre. C’est donc, en général, l’actualité qui l’a porté à s’intéresser au terrorisme et à la culture musulmane, notamment. Les événements du 11 septembre 2001 ont également accru son intérêt.

Thèmes de recherche

Les principaux thèmes de ses recherches concernent les mégas crimes, les crimes contre l’humanité et le terrorisme. Monsieur Leman-Langlois a réalisé plusieurs enquêtes en lien avec les infrastructures, la sécurité dans les métros, la menace dans les aéroports et l’expansion rapide de l’extrême droite au Canada. En 2003, il a participé à compléter une banque de données sur le terrorisme (l’ensemble des violences politiques au Canada) qui a été financée par le conseil de recherche en sciences humaines. Durant le premier cycle de ses enquêtes, il s’est concentré sur une forme précise de terrorisme, soit le terrorisme politique.

Ce professeur s’est aussi lancé dans un projet de recherche sur l’extrémisme musulman au Canada. Plusieurs résultats très intéressants ressortent de cette analyse. Selon lui, la principale difficulté à laquelle font face les réfugiés à leur arrivée dans la société québécoise est en lien avec le sentiment de xénophobie répandu à Québec. Comme nous le savons, un sentiment de terreur associé à la culture arabe et musulmane est répandu chez une partie de la population occidentale et se traduit par certains actes de racisme ou de violence autant psychologique que physique à l’égard des nouveaux arrivants. Certains citoyens vont même jusqu’à craindre que les réfugiés viennent ici dans le but de nous imposer leur culture.

Néanmoins, comme l’affirme monsieur Leman-Langlois, les individus devraient cesser de s’inquiéter d’une menace terroriste qui n’est aucunement reliée à l’accueil des réfugiés. En effet, « le taux de criminalité est plus faible chez les réfugiés de guerres que chez les canadiens de souche ». Le peuple québécois ne devrait donc pas être effrayé par l’arrivée des réfugiés au Canada, puisque « le terrorisme au Canada est presque inexistant et que nous avons plus de chance de nous faire tuer par un caribou que par des actes terroristes ». Selon lui, les nouveaux arrivants ne représentent aucunement une menace. Par contre, nous faisons tous partie de la race humaine et nous sommes loin d’être parfaits. Le professeur pense donc qu’il est possible que parmi les 25 000 réfugiés syriens, il y ait une infime poignée d’individus potentiellement criminels, mais que nous ne pouvons pas pour cela pénaliser l’ensemble de ce peuple qui a besoin de notre aide. Pour réduire le sentiment de xénophobie, Stéphane Leman-Langlois croit qu’il est nécessaire que le gouvernement du Québec réalise beaucoup de prévention auprès des citoyens afin de leur faire comprendre que ces personnes sont des êtres humains en détresse et qu’il est de notre devoir de les aider.

Difficultés des réfugiés

Une importante difficulté des réfugiés à leur arrivée à Québec concerne la reconnaissance de leurs diplômes. En effet, monsieur Leman-Langlois affirme que même si les réfugiés possèdent des compétences académiques qui pourraient être très bénéfiques à la société québécoise, très souvent, leurs diplômes ne sont pas reconnus et ces individus sont, par conséquent, relayés aux emplois peu gratifiants. On observe ainsi un écart important chez les réfugiés entre la formation suivie dans le pays d’origine et l’emploi obtenu à Québec. Ce phénomène entraîne chez eux un taux de chômage plus élevé et un revenu inférieur comparativement à celui des autres citoyens. Comme le chercheur l’affirme, la xénophobie des Québécois s’oppose de cette façon à une intégration adéquate et éthique des nouveaux réfugiés de guerre.

Selon le professeur, un autre problème qui nuit à la perception qu’ont les Québécois des réfugiés concerne la couverture médiatique qui est faite autour de leur arrivée. Il affirme que « 95 % du message terroriste est fait par les médias ». Effectivement, à la suite d’un acte terroriste, les médias ne font que couvrir cet événement, et ce, durant des semaines. En privilégiant le sensationnalisme, ils transmettent un message au peuple québécois selon lequel les musulmans sont responsables de ces attaques – alors qu’il s’agit d’islamistes radicaux. Cela pousse plusieurs Québécois à penser que les musulmans ne partagent pas leurs valeurs et même qu’ils s’y opposent. Une partie de la population associe alors le terrorisme à la religion musulmane et craint ainsi l’arrivée des nouveaux réfugiés. Le travail discutable des médias, qui font preuve de subjectivité, amplifie les sentiments xénophobes. Une certaine partie de la population se regroupe alors sur les médias sociaux et sur les espaces de discussion virtuelle afin de critiquer et de s’opposer à l’arrivée des réfugiés, ce qui a un impact important sur le processus d’accueil. En effet, quand les nouveaux arrivants, qui viennent d’échapper à la guerre, sont accablés de critiques en raison de leur culture ou de leur religion, leur intégration en est d’autant plus difficile. Certains peuvent se sentir réticents à l’idée d’embrasser une culture québécoise qui les repousse et les exclut.

Accueil convenable

Malgré l’ensemble des lacunes concernant l’accueil des réfugiés, monsieur Leman-Langlois affirme que la ville de Québec offre tout de même un accueil convenable aux réfugiés de guerre. Comparativement à l’accueil fait en Europe, le Québec cherche à intégrer les arrivants à notre société et ne tente pas de les isoler dans des ghettos. En effet, en Europe, les réfugiés sont considérés comme des étrangers même si la famille est arrivée il y a de cela trois générations. À Québec, tous les réfugiés sont reconnus comme faisant désormais partie de la société québécoise, et ce, dès leur arrivée. Il va de soi que le multiculturalisme est un aspect important de la culture canadienne qui permet une meilleure intégration des réfugiés.

Bref, la non-différenciation entre les réfugiés de guerre, les musulmans, les islamistes et les terroristes porte certains Québécois à avoir des préjugés à l’endroit de tous ces groupes, en les amalgamant. Toutefois, lorsque l’on connait véritablement la situation des réfugiés, il devient naturel de vouloir leur venir en aide, sans quoi ils continueront à être opprimés, eux aussi, par ces groupes qu’on craint réellement.

Stéphane Leman-Langlois

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