39 Caroline Boudreau, bénévole à la Ligue des droits et libertés de Québec

Véronique Dallaire

Caroline Boudreau, âgée de 36 ans, travaille comme coordonnatrice de programmes à l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) et œuvre en tant que bénévole au conseil d’administration de la Ligue des droits et libertés de Québec. Elle a obtenu un baccalauréat à l’Université Laval en science politique, fit ensuite sa maîtrise à Toronto dans la même discipline et compléta son cursus scolaire avec un certificat en études sur les personnes réfugiés. À l’automne 2015, elle eut sa première expérience en tant qu’enseignante au cégep Garneau dans le cadre d’un cours de science politique. Cette opportunité lui permit de mieux informer les étudiants et étudiantes et de déconstruire certaines idées préconçues.

Nombreuses expériences auprès des personnes réfugiées

Tout au long de son parcours scolaire, Caroline s’est impliquée auprès des personnes réfugiées et immigrantes. Elle a investi beaucoup de temps dans les dernières années pour divers organismes au Canada et ailleurs sur les questions de migration. Entre 2003 et 2004, Caroline entreprit un voyage d’un an en Inde où elle travailla en tant qu’agente de protection pour le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), aussi connu comme l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. En six mois, elle interviewa plus de 130 demandeurs et demandeuses d’asile de Birmanie afin d’évaluer leur demande de reconnaissance comme réfugiés. Selon ses dires, ce processus de sélection est très arbitraire, puisque d’un intervenant-e à un-e autre, la demande peut être acceptée ou rejetée. À la suite de son contrat auprès de cet organisme, elle traversa une partie de l’Asie en direction du Liban pour bonifier son projet de recherche de maîtrise qui traitait des réfugiés d’Irak et du Soudan. Elle collabora avec Frontiers Ruwad Association, une organisation sans but lucratif qui tente de défendre les droits fondamentaux et les libertés des individus et des groupes sans discrimination.

Caroline fut membre du comité « réfugiés » d’Amnesty International à Toronto (2002-2003), du comité « réfugiés » d’Amnestie Internationale au Québec (2004-2005) et bénévole pour l’organisme Ami.e.s québécois.es de la Birmanie (2004-2006). Plus récemment, elle travailla pour Inter Pares, une organisation de justice sociale active entre autres sur la question des migrations au Canada et dans le monde. L’action d’Inter Pares appuie, avec des stratégies variées, un éventail de groupes sur les questions de migration : tant des groupes offrant des services directs aux personnes migrantes et réfugiées que d’autres groupes plus enclins à revendiquer la défense des droits de ces mêmes personnes. Ce travail l’amena aussi à développer des liens avec des groupes au Soudan, œuvrant auprès de personnes déplacées à l’interne qui fuyaient la guerre dans le sud du Soudan et du Darfour. Elle collabora avec une organisation de femmes qui se déplaçait dans les camps pour impliquer les femmes dans le processus de négociation de paix, pour promouvoir les droits des femmes et dénoncer les diverses formes de violences qu’elles subissent (violence sexuelle, conjugale, systémique, etc.).

Valeurs et intérêts

L’ensemble de ces expériences a un point en commun : aider son prochain. Les affinités que Caroline a développées pour les autres cultures ne datent pas d’hier, mais remontent au secondaire. Des échanges étudiants la conscientisèrent au concept de la différence et de l’Autre : « J’ai toujours recherché la différence et l’envie de comprendre comment ça se passe ailleurs. J’aime cultiver des amitiés avec des gens de différentes cultures et à travers le monde ». Pour elle, il est important de toujours laisser sa porte ouverte et de pouvoir aider quand c’est possible, car la plupart du temps le service nous est rendu en retour.

Le déclic qui la motiva à s’impliquer activement auprès des gens se fit en deuxième secondaire. Caroline participait à la production du journal étudiant de l’école et interviewa une nouvelle étudiante qui venait tout juste d’arriver. Cette jeune fille suscita l’intérêt de Caroline, car elle représentait l’inconnu. Elle était la deuxième élève de couleur dans son école et, de surcroît, d’origine haïtienne. La famille de cette dernière avait dû fuir le pays à la suite du coup d’État de 1991 renversant le président Aristide. Elle rapporte que cette interview fut révélatrice puisqu’elle réalisa l’urgence dans laquelle les personnes réfugiées doivent quitter leur pays. Elle entama par la suite des recherches sur les conflits mondiaux et tenta de saisir les embûches auxquelles les demandeurs et demandeuses d’asile sont confrontés avant qu’on leur accorde le statut de réfugié dans une nouvelle terre d’accueil. Caroline affirme que c’est à ce moment précis qu’elle prit conscience de l’ampleur des dédales administratifs et juridiques des organisations déjà en place. Elle continua à s’intéresser au sujet et fit sa formation en science politique pour mieux saisir le fonctionnement du système, ainsi que les enjeux liés aux relations internationales.

Son rôle auprès des personnes réfugiées

Le travail de Caroline en tant que coordonnatrice de programmes à l’ACELF la rend moins active au quotidien sur les questions des personnes immigrantes et réfugiées, mais reste tout de même en lien avec ses valeurs profondes de « donner au suivant ». Son implication à la Ligue des droits et libertés consiste à se réunir avec un groupe de réflexion pour réfléchir aux enjeux actuels de la question des réfugiés et considérer les actions possibles dans la ville de Québec. Caroline utilise également ses expériences et les connaissances qu’elle en a tirées pour proposer un point de vue différent aux gens de son entourage qui ont un discours plus discriminatoire ou empreint de préjugés à l’égard des personnes immigrantes et réfugiées.

Selon les observations de Caroline, les personnes réfugiées arrivant à Québec rencontreront quelques difficultés, car :

La population de Québec a le défaut de ses qualités. C’est une population très fière de sa ville et qui aime la faire découvrir. Dans ce sens, cela représente un potentiel positif pour de nouveaux arrivants : on veut leur faire aimer la ville de Québec autant qu’on l’aime. Cependant, avec cet attachement fort à Québec, vient aussi une manière d’être plus « tricotée serrée » qui encourage des façons d’être plus conformistes et uniformes. Bref, on connaît moins la différence, on cherche moins à la découvrir, voire elle nous intimide, et on ne sait pas trop comment réagir. De ces craintes et de ces méconnaissances émergent divers types de comportements (préjugés contre les réfugiés et immigrants dans les conversations de cuisine, dans le discours populaire de plusieurs médias à Québec, etc.).

Le changement de milieu de vie peut créer un choc culturel. La manière de vivre et d’interagir avec ses voisins n’est pas la même. Par exemple, au Moyen-Orient et en Afrique, la rue est un lieu de rassemblement, une occasion de socialiser. Les gens vont sortir de leur maison et aller à la rencontre des autres pour simplement discuter sur divers sujets. Il n’est pas rare de voir les rues bondées. Tandis qu’à Québec, nous avons une culture plus individualiste. Tout le monde fait ses petites affaires sans déranger qui que ce soit. Les nouveaux arrivants sont confrontés à cette absence de vie collective; cela peut être décevant pour eux et elles de constater que les gens de Québec sont plutôt difficiles d’approche, même un peu farouches. Dans un autre ordre d’idées, le côté « fier » des Québécois constitue l’un des points forts de la ville. La fierté dont témoignent les citoyens et citoyennes transparaît et donne envie d’y prendre part, de développer un sentiment d’appartenance à la ville et de pouvoir dire fièrement qu’on y vit.

Pour faciliter l’arrivée à Québec, Caroline conseille aux personnes réfugiées d’apprendre le français. La langue est un autre aspect auquel les Québécois et Québécoises sont très attachés. Ainsi, parvenir à la maîtriser peut faciliter l’intégration.

Recommandations

Pour ceux et celles qui n’ont pas encore eu de premier contact avec des personnes réfugiées, Caroline croit que l’écoute du film Africa Paradis peut être utile. Ce film réalisé par Sylvestre Amoussou inverse le contexte actuel. L’Afrique devient la nouvelle terre d’accueil pour l’immigration. Le pays est en paix et prospère, tout le monde souhaite y vivre et y élever sa famille. Un couple de Français tente d’entrer illégalement en Afrique et est confronté aux difficultés classiques, c’est-à-dire les arrestations, la méfiance de la population locale, l’impossibilité de trouver un emploi et, bien sûr, l’inefficacité du « système ».

Un autre moyen de s’ouvrir aux autres est de côtoyer une personne réfugiée qui ne semble pas en être une. Discuter avec quelqu’un qui s’est bien intégré peut aider à faire tomber les préjugés et déconstruire les fausses croyances qu’on entretient à leur égard.

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