23 Karim X, Afghanistan

Marie-Hélène Fortin

Karim a 35 ans et vit dans la ville de Québec avec sa femme et ses enfants. Présentement, il apprend le français dans une école et travaille dans un restaurant comme cuisinier. Karim a un parcours bien particulier. Il a grandi à Kabul, la capitale de l’Afghanistan. Cela fait seulement trois ans qu’il habite dans la ville de Québec. À 17 ans, il a dû quitter son pays de naissance à cause de la guerre.

La guerre en Afghanistan

J’ai demandé à Karim de me parler un peu de cette guerre qui l’a éloigné de chez lui. Il débute son récit en racontant que c’est très complexe à expliquer puisqu’il y a eu plusieurs conflits simultanés : d’abord une guerre civile, puis du terrorisme international avec le chef du réseau djihadiste Al-Qaïda, Oussama Ben Laden. C’est une situation très difficile à cerner, puisqu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles le pays est en guerre. Cela fait d’ailleurs plus de 40 ans que l’Afghanistan est pris dans ce conflit avec plusieurs autres pays et ce sont les actions d’Al-Qaïda qui amènent les autres pays à intervenir dans la guerre.

J’ai demandé à Karim de me parler de sa vision de la religion. Selon lui, lorsqu’on parle de la guerre en Afghanistan, les gens pensent tout de suite aux Arabes et au terrorisme. Cependant, tous les habitants ne doivent pas être mis dans le même panier. Par exemple, beaucoup d’Afghans sont persans et non arabes. Il y a aussi une croyance populaire selon laquelle les terroristes sont religieux, alors que c’est souvent la politique qui utilise la religion comme prétexte. Karim trace un parallèle avec l’histoire du Québec, par rapport à la manière dont l’Église a longtemps exploité son pouvoir au-delà de la sphère religieuse. De son côté, il affirme : « La religion, ce n’est pas important pour moi ». Selon lui, elle a trop souvent servi à faire des choses horribles. La religion peut être utilisée à des fins de profit, comme un business, pour contrôler les gens et pour obtenir de l’argent. Karim me dit : « La seule religion que j’ai, c’est l’humanité. C’est tout. »

Et le conflit aujourd’hui?

 Le conflit en Afghanistan est toujours en cours. Cette guerre qui mélange politique et religion est d’une ampleur internationale, impliquant des acteurs comme les États-Unis, la Russie et l’Arabie Saoudite. Karim écoute les nouvelles, mais il ne pense pas que la situation va s’améliorer. Ce n’est pas seulement une guerre entre les Afghans; plusieurs pays y cherchent du profit.

Le périple vers Québec

« Quand j’ai quitté l’Afghanistan, seulement à cause du terrorisme, je suis allé dans plusieurs pays ». Karim ne trouvait pas d’emploi et finit par rester au Pakistan pendant 15 ans. Cependant, il ne voyait pas de futur pour lui et sa famille. Il ne pouvait pas travailler et ses enfants avaient de la difficulté à aller à l’école. De plus, la situation était aussi difficile au Pakistan, il y avait des conflits avec la police et avec les habitants du pays. Il décida un jour de chercher un autre pays qui pourrait offrir un meilleur futur pour sa famille et ses enfants, « pour l’autre génération ». Il m’a expliqué que lorsqu’il était au Pakistan, il ne considérait pas le problème de la langue ou du climat, ce qui comptait c’était « sortir de ce pays qui n’a[vait] pas de futur ». À ce moment, Karim eut une conversation avec sa tante, qui résidait déjà dans la ville de Québec. Il lui demanda s’il lui serait possible de venir au Canada, puisqu’il ne pouvait plus vivre au Pakistan. Sa tante l’aida trouver une manière de sortir du pays. Elle le parraina pour qu’il vienne se réfugier au Canada. Les procédures prirent néanmoins quatre ans. Cela fait maintenant trois ans qu’il est à Québec.

Les premiers moments

Je lui ai demandé de me décrire son arrivée dans la ville de Québec. « Un changement d’un continent à un autre, c’est très difficile ». Lui et sa famille trouvèrent la première année ardue. « J’ai fait un demi-tour du monde. Si on regarde l’horloge du monde, il y a une différence de dix heures ». L’hiver était long, la langue complètement différente, le français étant en plus très complexe. Karim m’a expliqué que, dans sa langue natale, le perse, il n’y a pas beaucoup d’exceptions, que c’est une langue facile. Cependant, pour vivre ici, il était nécessaire d’apprendre le français.

Une autre barrière importante fut l’apparente froideur des Québécois. Cela fait trois ans qu’il habite ici et il ne connait toujours pas son voisin. « Je ne me souviens pas qu’on se soit dit bonjour ou salut ». Dans sa culture, il est normal de bien connaître tous ses voisins. Les relations entre voisins sont en général beaucoup plus personnelles et chaleureuses en Afghanistan. Les gens peuvent presque être plus proches de leurs voisins que de leur famille.

Mais c’est acceptable. Ça vient tranquillement. On s’habitue. Ce n’est pas mal. C’est vraiment magnifique, la ville, la culture, le peuple, toutes les choses ici, mais ce n’est pas facile pour s’adapter.

Je l’ai questionné à savoir si le processus était plus facile pour les enfants. Il m’a dit qu’ils étaient encore trop jeunes pour le savoir, mais que l’intégration serait sans doute plus aisée pour eux. Quand Karim et sa famille arrivèrent, il y avait déjà plusieurs membres de leur famille qui habitaient à Québec. Au total, ils étaient 33 : tantes, cousins et cousines. Il me raconte que « c’était la première belle chose à Québec », la présence de sa famille. Il fut soutenu et guidé par sa famille. À son arrivée, une famille québécoise l’aida également. D’ailleurs, cette famille les aide toujours aujourd’hui. « Si on a une difficulté, je téléphone pour demander, à n’importe quel moment, de l’aide ». En plus, les deux familles avaient des enfants du même âge qui purent ainsi devenir amis.

Impressions sur les valeurs québécoises

Je l’ai questionné sur les aspects qu’il aime et qu’il aime moins au Québec. La grande assistance sur le plan de l’éducation ainsi que la jeunesse qui devient autonome à 18 ans sont des aspects que Karim apprécie du Québec. Il trouve également la police au Canada incroyable. Selon lui, les policiers et policières sont vraiment là pour aider les gens, « ils travaillent pour le peuple », pas comme dans d’autres pays. Dans les points plus négatifs, il trouve que les gens obtiennent trop facilement de la drogue. Dans son pays, il a eu une très mauvaise expérience avec ce type de situation.

Et aujourd’hui?

Karim travaille présentement comme cuisinier. Dans son pays, il n’avait pas pu finir ses études puisque toutes les écoles étaient fermées à cause de la guerre. Il avait étudié comme mécanicien, mais il n’a jamais pu travailler dans ce domaine. Il a toutefois eu une entreprise de tissage de tapis et il a travaillé comme barman pendant sept ans. Ici, selon Karim, c’est difficile de se lancer dans une entreprise quand on est immigrant avec un petit budget. De plus, la langue constitue une difficulté de taille. « On va voir ce qui se passe, mais c’est difficile ».

Recommandations pour faciliter l’arrivée à Québec

J’ai demandé à Karim s’il avait un conseil à donner aux nouveaux réfugiés. Il m’a répondu que les réfugiés qui viennent ici à Québec, peu importe leur nationalité, doivent avant tout respecter les règles et les lois. Il faut qu’ils apprécient la loi, parce que ce sont ces lois et ces règles, notamment sur l’éducation et la santé, qui rendent la ville meilleure et sécuritaire. Il m’a aussi expliqué que s’il « est nécessaire de garder les bonnes choses de notre culture », il est aussi essentiel d’apprendre les bons aspects de la culture du Québec. « Si on habite ici, c’est nécessaire de respecter la culture québécoise. Il faut qu’on marche au même rythme ».

Un message spécial pour les personnes qui aident et s’impliquent dans l’accueil

J’ai toujours apprécié les gens qui aident ceux qui arrivent et qui ont besoin d’aide. Ils ne parlent pas français, ils ne savent pas où ils doivent aller ou ce qu’ils doivent faire. Les gens qui les aident sont vraiment gentils. Merci mille fois, pas juste une fois!

 

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