38 Maude X. et Sun Sarah X., bénévoles à la Croix-Rouge

Laurence Royer

Elles s’appellent Sun Sarah et Maude et sont étudiantes à l’Université Laval. Sun Sarah termine sa maîtrise en physiothérapie avec profil entrepreneurial, alors que Maude complète la dernière année d’un baccalauréat en sciences historiques et études patrimoniales avec profil ethnologique tout en étant guide-interprète au musée du Monastère des augustines de Québec.

Pourquoi faire du bénévolat auprès des personnes réfugiées?

Leur histoire en tant que bénévoles commença alors que Sun Sarah revenait d’une soirée avec sa mère. Celle-ci lui parla de la cause des personnes réfugiées et du fait qu’elle aimerait s’impliquer et donner de son temps. Le soir, Sun Sarah revint à son appartement, qu’elle partage avec Maude, et fit part de cette idée à son amie. Ayant beaucoup discuté de l’actualité et des enjeux de l’accueil des réfugiés syriens au Québec, les deux jeunes femmes décident qu’elles veulent elles aussi s’impliquer.

Les deux amies avaient déjà un intérêt marqué pour les cultures différentes. En effet, Sun Sarah habitait, l’année rpécédentes, dans les résidences de l’Université Laval où elle était régulièrement en contact avec des gens appartenant à différentes cultures. Elle aimait beaucoup en apprendre davantage sur ces gens. D’ailleurs, son copain est originaire du Burkina Faso et ils aiment beaucoup échanger sur leurs cultures respectives. Sun Sarah a également beaucoup voyagé dans les dernières années, entre autres dans plusieurs pays d’Europe, au Pérou, au Mexique et elle prévoit visiter l’Indonésie. Pour sa part, Maude a toujours eu une curiosité naturelle pour tout ce qui était différent. Elle s’intéresse énormément aux autres cultures, d’abord par ses études qui la poussent à comparer et à analyser plusieurs expressions de sa culture telles que la musique, la danse, l’art, le langage, etc. De manière plus personnelle, elle s’intéresse particulièrement aux modes de vie tels que les coutumes, la culture ou encore l’insertion de la vie religieuse dans la vie quotidienne, qui diffère d’un pays à l’autre. Maude ne croit pas qu’il existe « une bonne façon » de faire ou de vivre; elle croit que tout dépend de la culture.

Motivations personnelles

Sun Sarah et Maude sont également animées par des motivations personnelles. Sun Sarah explique que faire du bénévolat est, pour elle, une façon de participer au développement d’un projet ou d’une idée, ce qui augmente son estime d’elle-même. De plus, une session scolaire moins exigeante lui permettait d’offrir du temps à cette cause. Pourquoi donner ce temps au soutien des personnes réfugiées? Pour Sun Sarah, c’est probablement la médiatisation de l’arrivée des réfugiés au Québec qui l’a poussée à s’impliquer. Pour sa part, Maude croit que la race humaine est en train de vivre une crise qui dépasse les frontières d’un pays et ces frontières sont malheureusement perçues comme des barrières à l’entraide et à l’empathie. Elle croit que nous, les Canadiens, devrions nous sentir autant touchés que les habitants d’autres pays, même si nous ressentons moins les remous de cette crise humanitaire dans notre quotidien. Maude pense donc qu’il est de notre devoir de faire notre part et d’aider ceux qui vivent des moments très difficiles, et ce, malgré la distance qui nous sépare de ces gens dans le besoin. Elle souhaite également donner de son temps aux personnes réfugiées en réponse aux messages négatifs qu’elle a pu entendre dans son entourage et dans les médias de masse, qui l’ont beaucoup affectée. Ces messages ont entraîné des images stéréotypées des personnes réfugiées, la peur, la méfiance, le mépris ainsi qu’une connotation négative du mot réfugié. Maude souhaite ainsi s’impliquer afin de contrer cet accueil si peu chaleureux qu’on offre actuellement aux personnes réfugiées de Syrie.

Bénévolat auprès des familles réfugiées de Syrie

Sun Sarah et Maude ont ainsi fait les démarches auprès de la Croix-Rouge pour devenir bénévoles pour l’arrivée des familles syriennes à Québec. Au cours des premières semaines, elles ont suivi un long processus administratif. Elles devaient remplir de nombreux papiers et répondre à de nombreuses questions. Elles ont ensuite été convoquées à une seule journée de formation pour devenir bénévoles ponctuelles pour l’accueil des réfugiés syriens. Au cours de la formation, elles ont appris les valeurs ainsi que l’histoire de la Croix-Rouge. On leur a ensuite décrit la culture et les mœurs syriennes, ainsi que la manière d’entrer en contact avec les personnes réfugiées. Leur mandat comme bénévoles ponctuelles est d’épauler les bénévoles qui ont reçu une formation plus complète. Elles peuvent ainsi accomplir des tâches de natures administrative ou agir sur le terrain en étant directement en contact avec les personnes réfugiées. En tant que premier répondant, il est également de leur devoir d’offrir aux personnes réfugiées un accueil chaleureux, bienveillant et empathique.

Selon elles, les bénévoles peuvent vraiment faire une différence dans le processus d’accueil des personnes réfugiées. Les bénévoles possèdent une très belle qualité qu’on appelle le don de soi et elles-mêmes ont cette volonté de donner sans compter pour les autres. Les bénévoles font vraiment une différence parce qu’ils et elles sont là pour les personnes réfugiées, pas pour faire de l’argent ou améliorer leur réputation. Selon Maude et Sun Sarah, ce qui fait une vraie différence, c’est que les personnes réfugiées voient des personnes ordinaires se déplacer et donner du temps spécialement pour elles, pour les aider et les soutenir dans cette dure épreuve de leur vie.  Selon Sun Sarah, la motivation première des bénévoles, c’est l’empathie. C’est la capacité à se mettre à la place de l’autre et à donner ce qu’on aimerait recevoir si on était dans la même situation.

Au moment de l’entrevue, Sun Sarah et Maude n’avaient pas encore été appelées à donner de leur temps pour les réfugié-e-s de Syrie. En effet, le gouvernement avait prévu leur arrivée massive dans la ville de Québec et avait même prévu les héberger sur la base militaire de Valcartier. Contrairement à ce qui était prévu, les familles syriennes sont majoritairement arrivées à Montréal. Ainsi, les bénévoles formés pour les accueillir n’ont pas pu donner un coup de main à la Croix-Rouge. Elles auraient aimé faire une différence auprès de ces familles. Sun Sarah aurait aimé montrer que nous sommes gentils comme peuple et que nous avons vraiment à cœur leur bien-être. Elle aurait aimé voir leur expression, leur visage heureux et reconnaissant de recevoir de l’aide.

Les difficultés des personnes réfugiées

Selon Sun Sarah, le plus difficile pour les familles syriennes, c’est le stress subi avant et pendant leur arrivée, puis une fois dans le pays d’accueil. Changer complètement de vie sans préavis est très difficile. Cependant, selon ses observations et ses analyses, l’arrivée des familles réfugiées à Montréal a été très bien organisée. Plusieurs organismes étaient et sont encore présents pour elles : elles ont reçu les cartes d’assurance maladie, des coupons pour des repas, ainsi que des vêtements adaptés à la température québécoise. De plus, pour faciliter l’arrivée des familles syriennes, la Croix-Rouge a mis en place un système de parrainage dans lequel certains bénévoles accueillent des familles temporairement à leur domicile. D’autres offrent du soutien et répondent aux questions des personnes réfugiées en recherche de logement ou d’emploi.

Un regard différent

Depuis qu’elles ont vécu cette courte expérience, c’est un regard différent que Sun Sarah et Maude posent sur la cause des personnes réfugiées. Elles réfléchissent entre autres sur les préjugés selon lesquels les personnes réfugiées profiteraient de l’État-providence québécois et auraient toutes des idées extrémistes. Sun Sarah et Maude ne sont pas de cet avis. Elles croient que ces préjugés sont causés par un manque d’éducation populaire sur le sujet et que les gens généralisent des cas extrêmes qui sont davantage médiatisés. Ainsi, selon les deux bénévoles, certaines personnes croient à tort qu’un réfugié est automatiquement un terroriste.

Afin de contrer ces préjugés, Maude propose de retourner à la base du mot réfugié et de réfléchir à ce que le mot veut vraiment dire, puisque les médias ainsi que le manque de temps pour s’informer ont pu nous mettre de fausses idées dans la tête. Elle propose même cette définition personnelle :

Un réfugié est une personne qui a dû quitter son pays de force, qui a dû tout laisser derrière lui, dont parfois et même souvent sa famille. Ce sont des personnes qui souvent, ont vécu énormément de traumatismes et qui en ont souffert. En se questionnant ainsi, on peut constater qu’un réfugié est bien autre chose que les stéréotypes selon lesquels ils seraient paresseux, dangereux et refermés sur eux-mêmes. Ce sont des personnes qui malheureusement ont été prises au piège dans un pays où existent le terrorisme et la guerre, qui ont subi des traumatismes et qui ont souffert. Ce sont des personnes qui souhaitent cesser d’être en mode survie et retrouver une vie de qualité. Ces gens méritent, au même titre que n’importe quel autre individu, de se construire une vie normale dans un pays qui leur offre sécurité et stabilité. Accueillir des réfugiés, c’est leur accorder ce cadeau du calme et d’une nouvelle vie. C’est aussi agir avec empathie, leur tendre la main et leur offrir une nouvelle chance dans la vie.

Maude et Sun Sarah

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Québec ville refuge Droit d'auteur © 2016 par Florence Piron est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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