15 NK X., République démocratique du Congo
Olivier-Antoine Lapointe
NK est originaire de Lubumbashi, une ville de la République démocratique du Congo. C’est un homme de 31 ans, habitant la province de Québec depuis 12 ans. Il travaille présentement dans un CLSC de la ville et s’implique régulièrement dans l’accueil des migrants et sur des forums en ligne et des groupes de discussion.
État de crise en République Démocratique du Congo
Durant les années 1990, la République Démocratique du Congo (le Zaïre à l’époque) était dans un état de crise, alors que le président Mobutu tentait de diviser la population par des conflits tribaux et ethniques. Dans ce conflit, qui opposait entre autres les habitants de la province du Katanga à ceux du Kasaï, les gens originaires du Kasaï furent obligés de fuir, chassés du pays par les Katangais. Cette période de l’histoire congolaise est d’ailleurs marquée par des massacres connus à l’international et discutés à l’ONU. La famille de NK habitait Lubumbashi (province du Katanga) à l’époque et fut également forcée de fuir. C’est d’ailleurs pendant ce conflit que la famille de NK fut séparée. Son père, qui appuyait l’UPDF (un des groupes armés Kasaïais opposés au régime Mobutu), et sa mère durent quitter pour la Zambie (pays voisin du Katanga) alors que NK, son frère et sa petite sœur restèrent au Katanga chez des membres de l’église néo-apostolique. Cette église était assez populaire à Lubumbashi. Ils partirent ensuite de Lubumbashi pour rejoindre la ville de Kolwezi où plus de gens de leur minorité se trouvaient. Ils y restèrent jusqu’à ce qu’une autre guerre survienne en 1997, en contrecoup du génocide rwandais.
Génocide rwandais et dommages collatéraux
Ce conflit de 1997 était principalement marqué par l’opposition du chef rebelle Kabila au président Mobutu. Ce fut pendant ce conflit que le régime Mobutu fut renversé par Kabila et ses alliés. Une fois le régime renversé, les réfugiés furent retournés dans leur province d’origine, qui n’était pas nécessairement leur province de naissance ou de domicile. NK, son frère et sa sœur furent envoyés dans la famille de leur père au Kasaï. Ce n’est qu’après plusieurs années que NK put reprendre contact avec ses parents. Vers la fin de l’an 2000, il les croyait morts, n’ayant pas eu de leurs nouvelles depuis leur séparation dans les années 93-94. Heureusement, ses parents allaient bien, ils étaient pris en charge par l’ONU comme réfugiés politiques à Lusaka en Zambie, dans le camp de réfugiés Maeba. Pour rejoindre ses parents, NK, son frère et sa sœur durent organiser un voyage en Zambie sans jamais vraiment s’identifier ni dire que leurs parents était des réfugiés politiques, autrement ils risquaient de ne pas pouvoir quitter le Congo. Ils traversèrent donc la frontière à Kasumbalesa pour ensuite se rendre à Lusaka, où ils furent pris en charge par la Croix-Rouge. Celle-ci leur fournit nourriture, vêtements, logement et les aidèrent à se préparer à revoir leur famille, qu’ils n’avaient pas vue depuis longtemps.
Délais de réunification familiale
Les parents de NK avaient déjà obtenu leur statut de résidents permanents au Québec. Toutefois, il fallut attendre deux ans pour que les enfants obtiennent leur visa. Dans le cas de NK, qui était devenu adulte entretemps, son dossier dut être traité séparément de celui de son frère et de sa soeur dans le cadre du projet de réunification familiale. NK arriva donc au Québec en 2003 comme réfugié. Il est important de comprendre que dans le processus de sélection du pays d’accueil, les familles n’ont pas vraiment le choix de leur destination. Comme les pays n’accueillent qu’un certain nombre de réfugiés, ces derniers sont répartis selon le nombre de places disponibles. Une fois le pays attribué, ils peuvent choisir la ville ou la province. La famille de NK avait choisi le Québec, car il s’agissait d’une province francophone et que le français était une langue qu’ils maîtrisaient.
Arrivée à Montréal
NK arriva à Montréal lors d’une belle journée de septembre. Son arrivée en automne facilita son adaptation au climat, car il lui était très difficile de s’imaginer vivre dans un climat froid. Le transport entre l’aéroport de Montréal et la ville de Québec, en autobus, était organisé par le Centre multiethnique. Lors de l’accueil, des agents du centre accompagnèrent les réfugiés dès leur arrivée pour les orienter dans l’aéroport, car tout était vraiment différent de ce qu’ils connaissaient. Ce fut pour NK un double accueil : un accueil dans la société et également un accueil dans sa famille, qu’il n’avait pas vue depuis très longtemps. En effet, le lendemain d’une arrivée, les familles se réunissent souvent pour demander les diverses cartes requises au Canada (par exemple : l’assurance maladie, la carte d’autobus). Le père de NK était déjà bénévole au Centre multiethnique à l’époque et cela a été grandement bénéfique pour leur intégration.
Dans les premiers mois de son arrivée au Québec, NK fut accompagné par le Centre multiethnique. Comme plusieurs autres réfugiés, il était heureux. Cette euphorie était causée par beaucoup de facteurs, notamment les biens matériels reçus afin de faciliter son intégration (manteaux, vêtements chauds). Selon lui, les réfugiés sont toujours heureux d’être en sécurité. Puis, NK dut s’inscrire à l’école pour terminer ses études, ce qui se passa assez difficilement, car tout allait très vite, le débit de parole des gens tout comme la matière enseignée. Il ne baissa cependant pas les bras. NK ne tarda pas à aller vers les gens et à s’impliquer dans son milieu. Il se fit ainsi rapidement des amis et s’impliqua dans l’association étudiante de son école. Comme il aimait l’histoire, NK se mit à lire des livres sur l’histoire du Québec pour connaître davantage notre culture et ses spécificités. Notre histoire le charma d’ailleurs rapidement, charme accentué par les gens autour de lui. D’ailleurs, cela lui permit de mieux comprendre ses amis et sa communauté.
Intégration aisée
Selon NK, la rapidité de son intégration est due au fait de ne pas avoir hésité à aller vers les autres et de ne pas être resté cloitré avec les gens de sa culture. Au Centre multiethnique, il y avait diverses communautés de réfugiés. NK se fit donc des amis de diverses origines, notamment des Bosniaques et des Québécois. Cela lui permit d’embrasser pleinement sa culture d’accueil. Avec les années, il dit avoir réussi à voir des similitudes entre Québec et Lubumbashi, tel que le rapport envers la langue ou encore l’identité comme minorité linguistique et culturelle.
Habitant le Québec depuis 12 ans, NK dit être habitué à notre culture. Il tient cependant à rappeler l’importance de laisser le temps aux nouveaux arrivants de s’intégrer à leur propre rythme, car passer d’une culture à une autre ne se fait pas en un clin d’œil. Dans son pays d’origine, la religion est omniprésente, contrairement au Canada. Pour NK, cette barrière fut relativement facile à franchir. Cependant, il souligne que ce n’est pas le cas pour tous les arrivants. Par exemple, l’homosexualité n’est pas un sujet de discussion dans sa culture d’origine, car elle n’y a pas d’existence propre. L’ouverture d’esprit est d’ailleurs l’une des valeurs que NK perçoit comme la plus importante au Québec. Dans sa culture, cette ouverture envers les minorités ne se fait pas encore. Bref, certaines valeurs progressistes demandent un certain temps d’intégration et de compréhension pour les nouveaux arrivants, car elles peuvent parfois être complètement différentes des leurs. NK note également que l’égalité entre les sexes est une valeur prioritaire au Québec. Il considère sa société d’accueil comme étant très tolérante.
L’important, c’est l’accueil
NK s’est formé un cercle d’amis québécois d’origine avec lesquels il se tient depuis plusieurs années. Il a certes gardé le contact avec certains membres de sa famille éloignés ou certains amis restés en RDC. Cependant, il trouve que le lien est difficile à maintenir à cause de la distance et du décalage horaire. Dans ses temps libres, NK fait beaucoup de bénévolat et participe à des groupes de discussion et des forums. Il mentionne que, lors de l’intégration d’immigrants et de réfugiés, le verbe le plus important n’est pas « aimer », mais bien « accueillir ». En effet, il faut bien accueillir les gens pour leur faire comprendre notre culture. Plusieurs des familles qui arrivent ici fuient la guerre et sont relocalisées dans un pays qu’elles n’ont souvent pas choisi. Il est donc impératif de les accueillir chaleureusement le temps qu’elles s’adaptent, au lieu de les bousculer. Comme le Québec est une société libre, il est important de comprendre que les autres aussi sont libres. Il faut voir au-delà des apparences et aller vers les gens. NK souhaite d’ailleurs rappeler aux Québécois moins à l’aise avec l’arrivée des réfugiés que la peur est humaine et qu’il est normal de se poser des questions (par exemple, avons-nous la capacité de les recevoir?), mais que nous ne devons pas nous opposer à leur arrivée, car plusieurs arrivent ici pour fuir une situation dangereuse.
Une expression de par chez lui : Karibu! (On t’accueille à bras ouverts/tu es la bienvenue!)