43 Jean X., bénévole au Centre multiethnique de Québec
Dominique Jobin
Le pourquoi
Grand voyageur, Jean a toujours eu un intérêt marqué pour les autres cultures en général. À ses yeux, les différentes cultures font la beauté des différents peuples. Il dit que chaque culture devrait être une source d’enrichissement pour chacun-e d’entre nous. Selon lui, si tout le monde prenait le temps d’apprendre et de comprendre les autres, notre monde se porterait beaucoup mieux. Il explique que « oui, les musulmans ont une culture particulière, tout comme d’autres peuples, mais ce sont d’abord et avant tout des humains ». Il mentionne que les gens oublient que les personnes réfugiées ne choisissent pas d’être réfugiées et d’avoir une vie difficile. Elles ont été obligées de laisser tout derrière elles dans l’espoir d’avoir une vie meilleure. À son avis, si ce n’était pas de la guerre civile, des gouvernements qui bombardent leur propre peuple, de l’organisation DAECH qui tue enfants, femmes et hommes sans remord, les personnes réfugiées resteraient dans leur pays. Les personnes réfugiées fuient la terreur. Jean se demande souvent ce qui arriverait si c’était notre belle province qui était bombardée, si c’était des Québécois qui voulaient fuir la guerre : comment réagirions-nous si les autres pays fermaient leurs frontières et nous laissaient mourir? Il croit que la peur, notamment de la religion musulmane, est au centre du débat entourant les personnes réfugiées. Il aimerait que tout le monde fasse un effort pour surmonter cette crainte et aider un peuple qui en a grandement besoin. Selon lui, le bénévolat permettrait de vaincre cette peur. C’est pour toutes ces raisons qu’il a décidé de s’engager dans l’accueil des personnes réfugiées, car cette implication est en lien avec ses valeurs. Pour lui, être bénévole signifie le partage, l’ouverture d’esprit, l’entraide et le respect.
Le début d’une aventure
Pour Jean, tout a commencé en novembre 2015 lorsque le Centre multiethnique de Québec était en période de recrutement de bénévoles. En effet, le Centre avait besoin de renforts pour aider à l’accueil des réfugié-es originaires de Syrie. Le Canada avait alors comme objectif d’en accueillir 25 000 avant la fin du mois de février, ce qui fut atteint. En effet, en mars 2016, « plus de 26 000 réfugiés syriens sont arrivés au Canada » (Gouvernement du Canada, 2016 : en ligne, 2e pararagraphe). Cela fut possible, entre autres, grâce aux gouvernements, aux dons de la population, aux entreprises privées qui ont parrainé l’arrivée de réfugiés, aux organismes communautaires et à tous les bénévoles qui ont offert leur soutien à cette cause.
Jean nous a dit qu’en septembre 2015, il se demandait comment il pouvait réellement aider et faire une différence dans cette cause qui lui tient à cœur. La guerre en Syrie ne le laissait pas indifférent et il voulait faire sa part. C’est lorsqu’il a appris que le Centre multiethnique de Québec était à la recherche de bénévoles qu’il a su que c’était sa chance de pouvoir aider. De plus, il nous a dit qu’il se sentait choyé comme personne et qu’il avait envie de « donner au suivant ».
Étant à la retraite et guide touristique à temps partiel pour le plaisir, il s’est dit qu’il n’avait aucune excuse pour ne pas contribuer à l’accueil des personnes réfugiées. Il s’est alors rendu à une séance d’information pour connaître tous les détails et savoir tout ce que cela pouvait impliquer. Lors de cette séance d’information, les responsables du Centre ont expliqué qu’il y avait plusieurs postes de bénévoles. Le Centre avait besoin d’interprètes, de chauffeurs, de personnes pour le secrétariat, pour le soutien scolaire, pour le conseil d’administration, pour le soutien informatique, etc. Bref, selon les connaissances, l’expérience et les aptitudes de chacun, les gens pouvaient choisir le poste idéal pour eux. Jean avait été chauffeur d’autobus pour le Réseau de Transport de la Capitale pendant 16 ans et il aimait toujours autant être sur la route. Il savait que le poste de chauffeur pour les réfugiés lui conviendrait parfaitement. C’est ainsi que son expérience de bénévolat a débuté.
Son engagement
Son engagement au quotidien se passe très bien. Sa tâche consiste à transporter les familles pour leurs rendez-vous médicaux et autres rendez-vous importants. Selon la demande, il peut être chauffeur deux à trois fois par semaine. Chaque transport demande quatre à cinq heures de bénévolat. Comme il le dit lui-même, ça se glisse bien dans un horaire, mais ce n’est pas tout le monde qui pourrait se le permettre, surtout en semaine.
Jean nous a expliqué qu’il recevait un courriel en début de semaine pour lui donner l’adresse de la famille et la destination. Il transporte rarement les mêmes familles, mais il a eu l’occasion, une fois, de transporter la même famille à deux reprises. Il nous a avoué que lorsqu’il a su qu’il allait transporter la même famille, il n’a pu s’empêcher d’acheter un toutou pour chacune des jeunes filles (quatre et sept ans).
Il dit qu’être bénévole est très stimulant et enrichissant. Il nous a expliqué qu’il est merveilleux de pouvoir aider les familles. Elles sont plus que reconnaissantes de l’aide et du soutien qu’elles reçoivent. Il nous a raconté plusieurs anecdotes qui ont eu lieu lors de ses transports. Une jeune famille en particulier l’a beaucoup marqué : une mère, un père, deux jeunes garçons et une jeune fille, ne parlant pas français. La mère et le père devait aller à un rendez-vous avec l’interprète et Jean devait garder les enfants. Ne pouvant échanger verbalement en raison de la barrière linguistique, ils se sont tout de même compris par des mimiques, des signes et des regards. Il a fallu qu’il use de sa créativité pour trouver des activités simples et amusantes pour les enfants. Il leur a fait faire des bonshommes de neige et des anges dans la neige. Ils ont joué à la cachette et ils se sont amusés à glisser dans la neige. Jean était heureux de leur faire découvrir les plaisirs de l’hiver. Il a trouvé cela cocasse et touchant à la fois.
Ses observations
Sans hésiter, Jean croit que la principale difficulté pour les réfugiés est la barrière de la langue. Cette barrière ne facilite pas les échanges entre personnes réfugiées et natives. Ça peut devenir lourd et fatigant de ne pas pouvoir parler sa langue maternelle et de ne pas être capable de toujours bien se faire comprendre. Selon lui, une deuxième difficulté importante est le climat, surtout pour ceux et celles qui arrivent en hiver. En effet, il a constaté que certaines familles trouvaient difficile de s’adapter à la froide température. Une autre grande difficulté est de retrouver les aliments qu’ils avaient l’habitude de consommer. Ce n’est pas facile pour les familles de changer leurs habitudes alimentaires du jour au lendemain. Il mentionne qu’il y a aussi d’autres difficultés, en lien avec les appartements, par exemple : les familles ne sont pas habituées à nos logement, leurs accessoires et leurs équipements, mais au moins elles s’y sentent en sécurité.
Jean croit qu’on complique la vie aux personnes réfugiées en ne reconnaissant pas leur expérience professionnelle. Certain-e-s ont une formation en menuiserie, chirurgie, médecine, enseignement, coiffure et désirent se trouver du travail dans leur spécialité. Toutefois, ce n’est pas une tâche facile. Il nous a dit que plusieurs adultes réfugié-es qu’il a transportés lui avaient confié vouloir se trouver un travail le plus rapidement possible, mais que c’était difficile vu qu’ils et elles ne parlaient pas français. D’ailleurs, Jean croit que la meilleure façon pour qu’ils apprennent le français rapidement serait de les intégrer. S’ils travaillaient, ils seraient obligés de parler et de se débrouiller en français. Selon lui, ça faciliterait beaucoup plus leur intégration dans notre société.
Selon Jean, les points forts de l’accueil au Québec sont que l’économie va bien, le territoire est vaste et nous avons besoin de personnes réfugiées et immigrantes en raison du vieillissement de la population. Il croit aussi que les personnes réfugiées qui arrivent au Québec sont bien encadrées et que les centres communautaires font un superbe travail.
Sa principale recommandation pour faciliter l’expérience des personnes réfugiées serait qu’elles gardent contact avec le centre communautaire où elles avaient été dirigées à leur arrivée. Cela leur permettrait d’avoir accès à toutes sortes de ressources en tout temps. De plus, être en contact avec un centre communautaire leur permettrait de faire des rencontres et de se créer un cercle d’amis dans leur nouveau pays.
S’il avait un message à faire aux Québécois-es qui s’inquiètent de l’arrivée de personnes réfugiées, il leur dirait qu’il comprend qu’ils peuvent être inquiets lorsqu’ils voient des bombes exploser, mais que cela n’a rien à voir avec les réfugiés. « Les premières victimes de cette guerre sont les musulmans. Les réfugiés ne sont pas des terroristes, mais bien des êtres humains. On se dit un peuple chaleureux et accueillant, soyons-le! C’est notre devoir d’aider un peuple qui en a besoin » (Jean, 2016 : Communication personnelle).
Il aimerait dire aux personnes qui aident et qui s’impliquent dans l’accueil de continuer leur bon travail! « Ça fait du bien de voir qu’il y a autant de gens dévoués et prêts à s’impliquer dans la communauté. Les réfugiés sont immensément reconnaissants de leur travail » (Jean, 2016 : Communication personnelle).