72 Orishas en déportation

Paul Mvengou Cruz Merino

Le culte des orishas est un phénomène religieux issu de la Traite transatlantique. Il est issu de culte de divinités dans la culture yoruba d’Afrique de l’Ouest, notamment dans l’actuel Nigeria et au Bénin. On retrouve sa pratique à Cuba, sous le nom de Santería et au Brésil, sous le nom du Candomblé. Cette région d’Afrique de l’Ouest a été affectée par la Traite esclavagiste transatlantique et ses reflux. La fin tardive de l’institution esclavagiste à Cuba et au Brésil a entraîné une importante présence démographique des ethnies et populations de cette partie de l’Afrique.

La religion yoruba s’organise autour de divinités intermédiaires entre un être suprême, Olodumare, et les humains. Ces divinités peuvent représenter des domaines spécifiques de la nature (eaux, vents, plantes) ou des activités humaines (justice, guerre). Elles peuvent être perçues comme des ancêtres mythiques dans une société lignagère. Cette religion a été l’objet d’une abondante littérature historique et anthropologique et,  plutôt que de procéder à une interprétation anachronique ou à rebours de la réflexion sur les religions des Afro-descendant-e-s, il nous paraît important d’observer les correspondances et continuités entre culte orishas et pratique yoruba en Afrique. Bastide (1973) l’a fait déjà en signalant que les principales divinités s’étaient maintenues de part et d’autre de l’Atlantique, il a noté aussi l’existence d’une organisation sacerdotale yoruba plus ou moins identique (avec un groupe de prêtres/divins, chefs de confréries et des sociétés secrètes), l’usage de chants et de tambours tant à Cuba qu’au Nigeria et les même séquences lors des rites (sacrifices d’animaux, préparation de la fête, appel premier à Eleggua/Eshu, danses mimant les récits des divinités yoruba). Cette pérennité caractéristique tant de la Santería que du Candomblé, fait que Bastide les désigne comme des « religions en conserve ». Bien évidemment, la dynamique de transnationalisation ou de flux à l’œuvre actuellement a produit des changements dans la pratique de ces religions. Mais cette transnationalisation a lieu parce qu’il y a un minimum de pratiques, de signes et d’objets en commun entre adeptes de cette religion en Afrique et Afro Abya Yala. On ne peut dès lors s’affranchir d’un questionnement sur ces éléments partagés bien qu’ils s’opposent à une lecture créolisante.

Le maintien de cette religion  a une signification sociale et  politique puisqu’elle a permis une sociabilité afro-descendante et une expression culturelle  dans le contexte d’une colonialité exacerbée. Les correspondances transnationales et le regain des mouvements afro-descendants dans le culte des orishas laissent entrevoir la valeur accordée à cette religion comme espace de connaissances et d’identification pour les communautés afro-descendantes.

Références

Bastide, Roger. 1973. Les Amériques Noires. Paris : l’Harmattan

Basilio Nunes, Victor Hugao. 2016. « Orixá, natureza e homem: o candomblé na perspectiva decolonial».  Congreso Internacional Historia.  http://www.congressohistoriajatai.org/2016/resources/anais/6/1470756349_ARQUIVO_artigo_victorhugobasilionunes.pdf

Magalhães Santos, Beatriz. 2019.  « Território e religiosidade no Brasil e em Cuba: expressão de um patrimônio-territorial afro-religoso».  ANPEGE.   https://www.enanpege2019.anpege.ggf.br/resources/anais/8/1562589292_ARQUIVO_TERRITORIOERELIGIOSIDADENOBRASILEEMCUBAEXPRESSAODEUMPATRIMONIO-TERRITORIALAFRO-RELIGOSO.pdf

Voir à ce sujet: https://www.youtube.com/watch?v=LYPs1Y913LA

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