56 Kilombo, Mocambo, Palenques, Cumbes

Paul Mvengou Cruz Merino

Ces quatre termes renvoient à un ensemble de pratiques de résistance utilisées par les esclavagisé-e-s africain-e-s depuis l’Afrique jusque dans les colonies ibériques en Amérique. Désigné au Brésil colonial comme « kilombo », ou « mocambo » (cachette en imbundu), au Mexique comme « palenque », au Vénézuela comme « cumbe », il s’agissait d’une même réalité : la constitution d’espace de liberté pour des esclavagisé-e-s africain-e-s affrontant l’institution esclavagiste espagnole ou portugaise.

Tout d’abord, il convient de préciser l’antécédent africain de la résistance face à la Traite transatlantique. Au XVIe siècle, les Portugais sont présents en Afrique Centrale et entament des relations avec l’ancien Royaume du Kongo (qui s’étendait de l’actuel Gabon jusqu’en Angola) avant 1492. Par la suite, la rapide exploitation économique de l’Amérique par les Espagnols, le besoin de main d’œuvre, l’union des couronnes d’Espagne et du Portugal vont être des circonstances qui vont faire débuter la Traite transatlantique à partir de la région de l’Afrique Centrale. Ainsi, les commerçants et militaires portugais vont fournir aux Espagnol-e-s une main d’œuvre africaine à partir de la région du Kongo de l’époque, principalement entre 1580 et 1640. De là surgissent des premières résistances africaines :  la fuite face aux Portugais et l’affrontement. Ce fut le principal fait des fameux Jaggas, ou Imbangala, des guerriers mobiles, utilisés ou combattus par le royaume du Kongo et qui finirent par imposer leurs efficaces techniques de guerres. Selon l’historien Ngou-Mvé, ces dernières comportaient notamment l’édification de camps retranchés et fortifiés, des techniques d’embuscades et des rites d’intégration transethnique. Le camp et la communauté de guerriers étaient désignés sous le terme « kilombo ». Or, l’observation par les Portugais, qui combattaient donc déjà les Imbagala en Afrique, d’un phénomène similaire au Brésil fit en sorte qu’ils le désignèrent de la même manière : « quilombo ».

Ensuite, concrètement, il s’agissait pour les esclavagisé-e-s africain-e-s d’échapper au joug esclavagiste en s’installant dans des territoires éloignés et généralement très difficiles d’accès, car protégés par le relief. La communauté s’organisait généralement autour d’un chef qui avait eu une expérience et une sociabilité africaine : Yanga au Mexique, Bayano au Panama, Zumbi au Brésil, Benkos Biohó en Colombie. Elle accueillait des esclavagisé-e-s en fuite et pouvait constituer une milice capable de harceler les forces espagnoles ou portugaises. En outre, il s’agissait dans ces territoires de reconstruire des pans de la culture africaine à partir des premières générations d’esclavagisé-e-s grâce aux langues, à la similarité des paysages, à une filiation transafricaine.

Par conséquent, ces quatre termes désignent une organisation spatiale, sociale, culturelle et épistémologique de la résistance des esclavagisé-e-s depuis l’Afrique jusque dans les Amériques. L’organisation de la résistance face à l’esclavage a pris sa forme la plus aboutie dans l’instauration, la continuité de ces communautés et leur capacité à recourir à des savoirs-faire  antérieurs à  leur expérience d’esclavagisé-e-s tout en s’adaptant face aux nouvelles configurations. On peut considérer ces organisations comme des réponses très précoces à l’épistémicide colonial et au processus de domination. Par ailleurs, le recours à cette expérience de résistance par les afrodescendant-e-s contemporain-e-s montre l’importance de cet espace-temps transversal à toutes ces communautés et, par-là même, leur conscience de leur présence au monde.

Références

Landers, Jane. 2005. « Una cruzada americana: expediciones españolas contra los cimarrones del siglo XVII ». Pautas de convivencia étnica en la América Latina colonial (indios, negros, pardos y esclavos),  sous la dir. de Juan Manuel Serna : 73-87. México :  CCyDELUNAM/Universidad de Guanajuato.

Ngou-Mvé, Nicolas. 2008. « Los orígenes de las rebeliones negras en el México colonia l ». Dimensión antropológica. nº16.  https://www.dimensionantropologica.inah.gob.mx/?p=1228

Voir à ce sujet :

https://www.youtube.com/watch?v=zIy8DK7dkoo

https://www.youtube.com/watch?v=CnaA1hLA4Nk

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