48 Géopolitique de la connaissance
Claudia Bourguignon Rougier
« Il faut souligner la relation entre les lieux — constitués par l’histoire et la géographie — et la pensée, ce qu’on appelle la géopolitique de la connaissance », voilà ce que dit Walter Mignolo de ce concept, exposé par Dussel dans sa philosophie de la libération.
La connaissance repose sur un déséquilibre : les sciences et connaissances produites dans le monde occidental ont une valeur dite universelle et les autres sciences et connaissances africaines, américaines ou asiatiques, elles, sont ramenées à leur particularité. Pour Catherine Walsh, qui reprend l’analyse de Walter Mignolo :
La plus grande conséquence de la géopolitique du savoir est peut-être qu’elle nous permet de comprendre que le fonctionnement du savoir : c’est celui de l’économie, il est organisé à travers des centres de pouvoir et des régions subordonnées, les centres du capital économique étant aussi ceux du capital intellectuel. Par conséquent, la production intellectuelle d’Amérique latine en général (et c’est encore pire pour les cas particuliers, comme l’Équateur) a peu de poids dans le monde. Mais il y a un autre problème. Le discours de la modernité a créé l’illusion que la connaissance est abstraite, non incorporée, non localisée. Cela nous pousse à croire que la connaissance est quelque chose d’universel, qu’elle n’a ni maison ni corps, ni genre ni couleur. Ce même discours de la modernité crée le besoin, dans toutes les régions de la planète, de « s’élever » à l’épistémologie de la modernité (…). Parler de géopolitique du savoir, c’est donc reconnaître le caractère hégémonique de la (re)production, de la diffusion et de l’utilisation du savoir, pas seulement en tant qu’exercice académique, mais comme partie fondamentale du système capitaliste et moderne du monde, qui est à la fois et encore colonial. (Walsh, 2004)
La géopolitique de la connaissance, comme la corpopolitique, permet une réappropriation. Elle redonne une place aux connaissances et aux savoirs qui furent dévalorisés et permet d’historiciser, de relativiser la place des savoirs et connaissances produits dans le premier monde.
Références
Mignolo, Walter. 2001. « Géopolitique de la connaissance, colonialité du pouvoir et différence coloniale ». Multitudes 3 (6) : 56-71.
https://www.cairn.info/revue-multitudes-2001-3-page-56.htm?contenu=resume
Walsh, Catherine. 2004. « Geopolíticas del conocimiento, interculturalidad y descolonialización ». Boletín ICCI-ARY Rimay 6 (60). Conférence d’inauguration du ICCI, présentée sous le titre « Geopolíticas del Conocimiento y la Descolonización de las Ciencias ».
http://icci.nativeweb.org/boletin/60/walsh.html