37 Escobar, Arturo

Claudia Bourguignon Rougier

Arturo Escobar est un anthropologue colombien qui a enseigné jusqu’en 2019 à l’Université de Chapell Hill, en Caroline du Nord. Cet intellectuel, natif de Cali, qui a une formation en sciences « dures ». Il a été ingénieur chimiste.[/footnote], assez rare dans le milieu décolonial, et a travaillé longtemps sur la question de l’alimentation et de la faim dans le monde, est surtout connu en Europe pour sa critique du développement, ou plutôt du « développementisme ». Il a participé aux rencontres du projet Modernité/Colonialité des années 1990 et des années 2000, et poursuit aujourd’hui une démarche originale qui s’appuie toujours sur l’idée de colonialité, sur la critique de la modernité et du capitalisme.

Dans des ouvrages comme El final del salvaje, Territorios de diferencia ou La invención del tercer Mundo, il a posé ou prolongé sa réflexion sur le développement. À la différence des théoriciens et théoriciennes de la dépendance, il ne s’est pas seulement intéressé à l’échec inévitable du projet de développement; ses succès mêmes lui semblent problématiques, dans la mesure où ils constituent l’imposition durable d’un modèle de pensée aux pays pauvres. Il réfléchit donc à l’articulation du dispositif de savoir/pouvoir, ou, pour employer la terminologie décoloniale, à la relation colonialité du pouvoir/colonialité du savoir manifeste dans l’idéologie et la pratique du développement. Et il applique, pour cette visée, la méthode de la généalogie[1], abordant le développement comme un discours. Pour lui, celui que tint Harry Truman en 1949 inaugurait une construction discursive des pays pauvres comme tiers-monde et passait par la mise en place d’un appareil qui, de fait, permettait d’imposer l’hégémonie américaine dans ces régions du monde. Cette idée, qu’il développera dans de nombreux ouvrages, s’appuie sur l’expérience particulière de la Colombie et en particulier de la côte pacifique.

Il était logique que sa critique du développement amène Escobar à aborder la question du déplacement. Sa critique, moins connue que celle du développement, est particulièrement intéressante car menée dans le cadre d’une réflexion radicale.

Pour dire les choses brièvement, ce que l’on soutient ici c’est que le déplacement fait partie intégrante de la modernité eurocentrique et de la manifestation qu’elle a prise après la Seconde Guerre mondiale en Asie, en Afrique, en Amérique latine, à savoir : le développement. La modernité comme le développement sont l’un et l’autre des projets spatio-culturels qui exigent une conquête incessante de territoires et de populations ainsi que leur soumission écologique et culturelle aux impératifs d’un ordre rationnel et logocentrique. (Escobar, 2011)

Observant que l’écart entre les effets négatifs du déplacement et les moyens censés les contrecarrer ne cesse d’augmenter, il insiste sur la nécessité pour les populations concernées de pouvoir rester sur leur territoire et l’indispensable appui des instances internationales à cette nécessité. Dans le Pacifique colombien, les populations afrodescendantes, pour la plupart, avaient obtenu des droits sur les territoires reconnus par la Constitution de 1991. Mais, depuis la fin du siècle dernier, ces peuples ont été menacés par les paramilitaires, les narcotrafiquant-e-s et les guérilleros qui se sont introduit-e-s sur ces territoires. Les populations noires se sont donc heurtées à une violence brutale qui se traduit toujours par la suppression de leurs différences ethniques et culturelles, de leurs droits à la différence qui, pourtant, avaient été reconnus. Cette violence est indissociable des grands projets de développement ou d’agriculture qui se font aux dépens de la forêt et des exploitations agricoles locales. Signe du pouvoir limité des solutions légales, les déplacements de populations se sont accrus quand les territoires collectifs ont commencé à être délimités et à faire l’objet de titres. Pour l’auteur, ces déplacements dans la région 

ont lieu dans le contexte d’une riposte aux avancées culturelles et territoriales des communautés ethniques à l’échelle de l’ensemble du continent, depuis le mouvement zapatiste jusqu’à la résistance des Mapuches (Escobar, 2010 : 87)

 

Sa critique du déplacement l’a amené à s’intéresser aux alternatives imaginées par les populations qui n’ont pas accepté de rentrer dans ce cadre et ont réalisé une critique en acte du développement, à partir de solutions locales. Avec Territoires de différence, la question écologique prend place dans le cadre d’une réflexion située, car le territoire relie entre elles la problématique environnementale, la question des droits des populations racisées et celle de l’extractivisme dans lequel s’incarnent l’idéologie et la pratique du développement. Arturo Escobar arrive à penser la question écologique dans une approche qui échappe à l’atomisation et à la séparation caractéristiques des sciences sociales modernes. L’écologie, ce concept symptomatique du dualisme nature/culture ou sujet/objet propre à la modernité y prend d’autres contours et se combine à d’autres perspectives. Elle perd ce caractère a-politique qui, aujourd’hui, permet son instrumentalisation par des États, des institutions ou encore des firmes extractivistes.

Mais qu’est-ce qu’un territoire? Notre vision est marquée par celle de l’État-nation dans laquelle le territoire est l’espace sur lequel existe l’État. C’est une notion qui nous renvoie à la cartographie, à la géographie, à la frontière, notions ou pratiques qui doivent toutes beaucoup à la colonisation. En Occident, le territoire comme la nation, dont nous parlait Benedict Anderson, est une « communauté imaginée ». La nation est impensable en dehors de ce phénomène imaginaire dans lequel les citoyen-ne-s s’approprient mentalement un territoire que, pendant longtemps, la plupart d’entre eux et elles ne connaîtront jamais. Ce n’est pas le territoire vécu mais plutôt une représentation et un rapport de nature assez religieuse, qui consiste à se reconnaître à l’intérieur d’une communauté abstraite, vivant sur un sol donné, posé comme commun mais ne l’étant que dans l’esprit.

La vision développée par les peuples autochtones au cours de leur combat pour le territoire est bien différente. Le territoire, au centre des luttes qui ont commencé il y a plus de trois décennies en « Amérique Latine », est une notion qui s’est forgée dans une pratique. Je crois que c’est là le point majeur : la notion n’a pas été pensée dans un bureau ni dans une classe, dans une agence ou un organisme spécialisé. Elle a pris corps dans le cadre de luttes, elle a émergé en même temps que se produisaient ces luttes, qualifiées d’environnementales par ceux et celles qui n’y participaient pas. Escobar, dans Territoires de différence et dans Sentir-penser avec la Terre, se réfère régulièrement aux conflits vécus par les populations afrodescendantes du Pacifique colombien et aussi par les Nasa du Cauca. Le territoire dont il nous parle est un monde vécu. Il renvoie à des notions fondamentales : celles de lieu, de Terre re et de vie. Escobar part de cas particuliers : le Pacifique colombien ou le Cauca des Nasa – mais nous aurions pu parler aussi bien de la vision des Collas argentin-e-s, des Zapatistes mexicain-e-s, des Mapuches chilien-ne-s ou des Shuars équatorien-ne-s. Tous ces peuples pensent le territoire.

En Colombie, au milieu des années 1990, les autochtones et les activistes noir-e-s ont élaboré conjointement une conceptualisation du Pacifique comme « territoire-région des groupes ethniques ». C’est devenu l’axe des stratégies politiques et des politiques de conservation. Le lieu y demeure une source importante de culture et d’identité, malgré la délocalisation dominante de la vie sociale. Nous retrouvons-là une critique en acte de cet hors sol de la vie moderne/coloniale.

Un autre aspect important du territoire est qu’il s’organise autour de la lutte pour la récupération de ce qui a été volé, dans le cas des Indien-ne-s, ou pour la reconnaissance des mondes qui ont été établis dans les marges du système esclavagiste, dans le cas des Noir-e-s marrons. Le territoire est organisé autour de l’autoconsommation et de l’autoproduction sur une petite surface. Cette petite taille est déjà en soi une réponse à l’habitat colonial et à la grande propriété foncière qui le rend possible. Il se constitue comme lutte contre cet habitat, et ce, depuis la colonisation du continent. Mais les mouvements pour le territoire ne sont pas ancrés dans le passé comme on le leur reproche parfois. Ils sont au contraire dramatiquement modernes, nous dit le Brésilien Carlos Porto Gonçalves. Ces utopies réalistes mettent en avant une stratégie politique d’avant garde.

C’est dans les années 1980 que s’est affirmée cette tendance avec le slogan : « Nous ne voulons pas une terre, nous voulons un territoire ». Des mouvements comme ceux des seringueiros, avec Chico Mendes, nous permettent de comprendre ce slogan. Ils disent, par exemple, qu’il n’y a pas de forêt sans les gens qui la peuplent. Ils recadrent la problématique environnementale à leur façon, en revisitant la notion de biodiversité. Pour eux, biodiversité = territoire-culture.

Contrairement au territoire national, le territoire-région, ce « territoire de différences », comme le nomme Escobar, n’a pas une forme fixe. Ses limites sont poreuses car elles dépendent de ce qui est énacté tous les jours. Il constitue également une innovation juridique et politique exceptionnelle dans un univers où le cadre est l’État-nation, car le territoire, pour se réaliser comme tel, a besoin de l’autonomie et il correspond donc à l’émergence d’une autre logique juridique politique et régionale. Le territoire redéfinit l’environnement en vue de construire un monde durable, les luttes devenant des mouvements pour la ré-existence, un terme dont l’emploi n’est pas hasardeux. Les territoires, à travers leurs membres, se définissent eux-mêmes comme renacientes, renaissants. Il s’agit donc d’une démarche politique qui s’enracine dans une critique de l’histoire coloniale, de son habitat colonial et qui met en avant une certaine ontologie.

Dans Sentir-penser avec la Terre, Escobar a exposé à nouveau cette question du territoire mais il l’a articulée à d’autres approches. Il s’est intéressé aux ontologies des peuples qui proposent des alternatives au développement. Sa collaboration avec des anthropologues comme Marisol de la Cadena ou Mario Blaser l’a amené à réfléchir à cette notion. Il associe la notion d’ontologies relationnelles et politiques à la défense des modes de vie des populations autochtones ou afrodescendantes, en lutte contre les États nationaux. Cette notion est articulée à sa critique des ontologies dualistes atomisées de la modernité. Pour qu’une écologie décoloniale puisse advenir, pour décoloniser le concept, il faut sortir des cadres de luttes et des cadres de pensée dans lesquels l’écologie a été énactée, diraient les biologistes Varela et Manturana. Il faut sortir de l’ontologie dualiste de la modernité que l’anthropologue colombien s’acharne à démonter depuis qu’il a commencé sa critique du développement dans les années 1980. En fait, cela l’a amené, finalement, à construire une anthropologie du développement et à dénoncer le dualisme sujet/objet, civilisation/barbarie, rationalité/pensée magique, développement/tradition, progrès/archaïsme, —  j’en passe —, qui est à la base de notre façon de penser et d’agir. Pour Escobar, notre ontologie repose sur quatre piliers : économie; science; individu; réalité. Ces fondements expliquent notre incapacité ầ affronter le « défi climatique », métaphore dans laquelle s’exprime le mythe prométhéen de l’individu et celui de l’entreprise, ces ornières dont nous ne sommes pas encore sorti-e-s

Escobar a abordé dans plusieurs textes ce socle ontologique de la modernité. Pour lui, notre rapport à ces fondements peut être qualifié de croyances. Il les voit comme des inventions de l’ontologie moderne qui se présentent soit comme naturelles soit comme supérieures. 

La croyance en l’individu, c’est l’idée que nous existons en tant qu’entités séparées, autonomes, dotées de droits et de libre arbitre. Pourtant cette croyance est locale, de nombreux groupes humains ne voyant pas les personnes comme des individus séparés mais comme des entités relationnelles ou voyant dans le « je » un principe de souffrance plus que de liberté, comme c’est le cas par exemple pour les boudhistes.

La deuxième grande structure, c’est le « réel »; l’idée d’un monde externe qui préexiste aux relations à travers lesquelles il existe. Cette croyance va à l’encontre du fait que la vie est un flux et que le monde, s’il a une apparence solide, est le produit d’activités incessantes, variées et interconnectées. Pour Escobar, il faut donc montrer comment se crée un certain réel, expliquer qu’il résulte de l’abandon de certaines options au profit d’autres et que le comprendre suppose cette sociologie des émergences et des absences dont parle Bonaventura de Sousa Santos.

La science, seule forme de connaissance que nous reconnaissions, valide ce rapport à la nature. Cette hégémonie du discours scientifique est un des aspects de ce que les décoloniaux et décoloniales désignent sous le nom de colonialité du savoir. C’est le fait que les savoirs pré-modernes sont dévalorisés et détruits. L’avènement de la science comme celui du marché n’est pas un phénomène naturel lié à une implacable progression de l’histoire. Il a été possible grâce à des épistémicides comme celui que j’évoquais plus haut. La science organisée est la religion du monde moderne, écrit Escobar, et elle n’accepte pas le dialogue avec les autres formes de connaissance. La conséquence, très grave, est qu’elle devient la complice des processus de domination dans le monde. Le piratage scientifique de la biodiversité ou l’imposition de semences transgéniques aux pays du Sud sont des exemples de cette alliance entre les anciennes puissances coloniales et les biosciences.

Quant à la croyance en l’économie, nous ne pouvons la critiquer qu’à partir de sa généalogie : l’avènement d’une sphère séparée de l’existence, qui existe sous la forme du marché autorégulé. Dans La grande transformation, partant de l’exemple de l’Angleterre après le mouvement des enclosures, Karl Polanyi a montré quelle violence il a fallu mettre en place dans la société pour que le marché « apparaisse ». L’économie existe à travers des pratiques qui l’énactent, à travers des narrations dont les États et les médias sont de puissants relais. Sa dénaturalisation nous permettra peut-être de cesser de nous voir comme des individus condamnés à agir sur des marchés régulés par des prix.

Aujourd’hui, la force des mouvements hâtivement classés comme « environnementaux » en « Amérique latine » tient à ce qu’ils reposent sur une ontologie qui n’est pas dualiste mais relationnelle. Dans Sentir-penser avec la Terre et dans Autonomie et design, Escobar décrit des ontologies relationnelles, celles des Afrodescendant-e-s du Pacifique et des Nasa Colombien-ne-s, et celle qui s’organise autour de l’ayllu, qui n’est pas seulement un mode andin de propriété de la terre ou d’organisation sociale ,mais aussi une cosmovision. Il explique que l’Afrodescendant qui apprend à sa fille à naviguer sur son potrillo, une sorte de pirogue, vit dans un monde connecté; il s’y déplace d’une façon qui ne met pas en danger le milieu, il peut profiter de son trajet pour pêcher, se rendre au village où il vendra ce qu’il a cultivé. Il transmet à sa fille les éléments qui lui permettront de continuer à exister dans un monde qui est à la fois respecté et vécu : ce n’est pas une réserve, un parc dans lequel on doit se déplacer comme dans un musée mais un véritable lieu de vie.

Ce qui unit ces ontologies, c’est qu’elles supposent toutes la pratique de la communalité et de l’autonomie. Le lien territoire-autonomie-communalité est une constante dans les derniers ouvrages d’Escobar. Il s’agit clairement d’un appel à une autre logique que celle de l’État. Mais, dira-t-on, les Nasa peuvent se baser sur leur histoire, mais nous qui avons coupé le cordon avec notre passé, qui ne pouvons plus nous référer à une tradition, quelle solution avons-nous?

C’est là qu’intervient l’idée de « design ». Le design est la façon que nous avons de donner une forme au monde. C’est bien plus que le design d’objet, apparu avec la phase industrielle du capitalisme. Le design désigne notre monde autant qu’il nous désigne, nous. Dans Autonomie et design, Escobar fait sur le design un retour inattendu. Ce livre représente la tentative de penser ensemble design, autonomie et communalité, résistance et changement dans le Sud global et dans le Nord global. Il contribue à faire connaître, en France, la notion de communalité et d’autonomie. On ne peut pas penser la civilisation capitaliste sans le design, qui est finalement l’interface visible, tactile et concrète dans laquelle s’exprime notre ontologie. Ce design, la plupart des grand-e-s designers actuel-le-s l’ont dit, est mortifère car insoutenable. Pour Tony Fry par exemple, le design du XXe siècle a été une arme de destruction massive. Aujourd’hui, le monde du design est donc partagé entre celui des petites mains du système et celui des critiques, qu’il s’agisse du mouvement du design social ou de ce que Escobar nomme « le design ontologique ». Changer de monde, c’est changer d’ontologie et changer d’ontologie suppose une politique ontologique. Changer notre monde ne se fera pas dans notre tête, mais passera par une autre façon d’entrer en contact avec lui.

Son dernier ouvrage, Otro posible es posible : caminando hacia las transiciones desde Abya Yala Afro-latino-América, revient sur la critique du dualisme, sur les ontologies relationnelles, le post-développement et le design de transition. Il est également l’occasion de dresser un bilan des contradictions de la théorie sociale latino-américaine et de l’état de la notion de post-développement.

Pour lui, la pensée critique latino-américaine est en pleine effervescence et l’apport des peuples indiens ou afrodescendants en résistance joue un rôle essentiel dans ce renouveau. Cet apport vient de ce qu’il appelle la pensée autonome et la pensée de la terre, qui s’enracinent dans une tradition de résistance depuis la Conquête. Pendant longtemps, ces connaissances « autres » ont été inaudibles et, malgré leurs indéniables avancées, même des savoirs récents comme les théories post-marxistes, post-structuralistes, culturelles n’échappaient pas à cet eurocentrisme. Ces connaissances « autres » n’ont commencé à attaquer la forteresse académique et son eurocentrisme que très récemment avec l’ouvrage de Fals Borda, Ciencia propia y colonialismo intelectual, et celui de Freire, Pedagogia dos oprimidos. Aujourd’hui, l’écologie économique, les théories de la complexité, de l’émergence, de l’autopoïese ou de l’organisation nous permettent d’aller plus loin dans la critique du « réel ». Ces nouvelles ontologies matérialistes témoignent d’une rupture avec l’anthropocentrisme de la modernité.

Nous pouvons donc aujourd’hui comprendre l’importance de cette pensée de l’autonomie ou de celle de la Terre Mère. L’autonomisme, nous dit Escobar, c’est le spectre qui hante l’Europe à nouveau. La vague des damné-e-s de la terre qui se révoltent pour défendre leurs territoires. Au niveau théorique, c’est une pensée liée à la décolonisation du savoir, au concept de justice cognitive, à l’interculturalité. Politiquement, c’est une pratique qui renvoie à la communalité et à la territorialité. Qu’entendre par communalité? C’est cet horizon des cultures profondes de « l’Amérique latine » que l’anthropologue Bonfill Batalla a décrit dans Mexique profond. L’autonomisme est l’émergence de mondes relationnels dans lesquels le communal prime sur l’individuel et la connexion avec la terre sur la séparation entre humains et non humains. L’idée est de repenser l’organisation sociale à partir d’autonomies locales et régionales, une économie en autogestion mais articulée au marché et une relation avec l’État visant avant tout à le neutraliser.

Quant à la libération de la Terre Mère, elle lui apparaît comme la figure emblématique capable de se substituer à celle de l’être humain. Il cite à ce sujet Foucault, remarquant que les sciences de l’être humain s’étaient développées en même temps que la dissection et constatant que la médecine avait progressé à partir du savoir produit sur un corps mort.

La particularité de l’approche de cet anthropologue spécialiste des populations noires colombiennes tient à ce qu’il n’a pas seulement étudié ces mouvements mais les soutient dans leur combat contre l’État et les multinationales. Sa volonté d’être à la fois sur le versant théorique et sur celui de l’action militante, de réfléchir au pouvoir libérateur de la tradition et d’inclure certains des apports de la modernité.

Références

Bourguignon Rougier, Claude. 2018. « Décoloniser les savoirs ». Revue d’études décoloniales.
https://www.academia.edu/33117065/Arturo_Escobar_Boaventura_de_Sousa_Santos_D%C3%A9coloniser_les_savoirs

Escobar, Arturo et Eduardo Restrepo. 2009. « Anthropologies hégémoniques et colonialité ». Cahiers des Amériques latines (62) : 83-95.
http://journals.openedition.org/cal/1550

Escobar, Arturo. 2010. Territorios de diferencia. Lugar, movimientos, vida, redes. Popayán : Editorial Envión.

Escobar, Arturo. 2012. « Más allá del desarrollo : postdesarrollo y transiciones hacia el pluriverso ». Revista de Antropología Social 21.
http://dx.doi.org/10.5209/rev_RASO.2012.v21.40049

Escobar, Arturo. 2014Sentipensar con la tierra. Nuevas lecturas sobre desarrollo, territorio y diferenciaMedellín : Ediciones UNAULA.
http://biblioteca.clacso.edu.ar/Colombia/escpos-unaula/20170802050253/pdf_460.pdf

Escobar, Arturo. 2016. « Les dessous de notre culture ». Revue d’études décoloniales (3)https://uneboiteaoutils421009254.files.wordpress.com/2021/11/dessous-culture.pdf

Escobar, Arturo. 2017. Autonomía y diseño. Buenos Aires : Tinta Limón.

Escobar, Arturo. 2018. Designs for the Pluriverse. Radical Interdependence, Autonomy, and the Making of Worlds. Durham et Londres : Duke University Press.
https://www.dukeupress.edu/Assets/PubMaterials/978-0-8223-7105-2_601.pdf

Escobar, Arturo. 2019. « Desde abajo, por la izquierda, y con la Tierra : SUReando desde Abya Yala/Afro/Latino/América ».  Revista interdisciplinar Sulear 2 (2) : 36-48.
http://sulear.com.br/beta3/wp-content/uploads/2020/01/Dossie-Sulear-SURear.pdf?fbclid=IwAR0i2VILIxwYEJS1weZfPegKruF2Mkm7W9E_y6SOKOh-HEMsJz2UYxd-qXA


  1. On peut définir la généalogie de Foucault comme la tentative, non pas de rechercher l’origine d’un phénomène, mais d’étudier les embranchements significatifs dans les systèmes de pouvoir.

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