44 SammyBoy
Frédérike Béland
SammyBoy est étudiant à l’Université Laval en génie mécanique. Né à Beyrouth, la capitale du Liban, il est l’aîné d’une famille de trois enfants. Âgé de 23 ans, SammyBoy a toujours adoré vivre près de la mer méditerranée. Son enfance fut remplie de journées à la plage, de parties de basketball, mais également de longues heures en classe au lycée français qu’il a débuté à l’âge de trois ans, au Liban. En plus des heures de cours, SammyBoy commença à jouer au basketball compétitif. Ayant un talent dans ce sport, il fit partie de l’équipe nationale du Liban, tout en continuant ses études au lycée français.
C’était une période difficile, puisqu’il fallait que j’obtienne de bons résultats pour pouvoir un jour partir étudier ailleurs. Avec le basketball et l’étude pour les examens, il fallait que je sois organisé et extrêmement performant.
Une adolescence dans un climat de guerre
Alors qu’il n’avait que 14 ans, le Liban entra en guerre contre Israël et cela eut des répercussions sur le jeune homme. Des avions israéliens bombardaient sans arrêt la capitale, et la famille de SammyBoy dut quitter le pays.
Je me souviens encore que lorsqu’on est partis de la maison et qu’on était en Turquie, on a annoncé à la télévision qu’un centre commercial avait été détruit par les bombardements, juste à côté de l’appartement où on habitait. J’avais tellement peur de revenir au Liban et que ma maison soit disparue. Nous n’aurions plus eu d’endroit où aller et tout ce que j’avais connu n’aurait été que poussière. Heureusement, l’appartement était toujours là à notre retour au pays.
Par la suite, les événements de la guerre semblèrent s’estomper et le calme revint au pays. Au fil des années, SammyBoy combina études et parties de basketball jusqu’à ce que se présente une opportunité pour la suite de ses études : un recruteur de l’équipe de l’Université d’Alberta approcha SammyBoy. Nanti d’une bourse d’études et d’une place dans l’équipe de basketball de son université, il quitta, seul, son pays natal et sa famille pour le Canada.
L’arrivée en Alberta
À son arrivée au Canada, tout avait été planifié pour le jeune Libanais de 17 ans. Le responsable des résidences de l’Université d’Alberta l’attendait à l’aéroport pour l’accueillir et le conduire à son nouveau milieu de vie. Une fois installé, SammyBoy se joignit aux diverses activités d’intégration et commença à se faire des amis. « Ce que j’aimais en Alberta, c’est que c’était facile de s’intégrer. J’étais partie avec l’idée que j’allais me faire juger et que certaines personnes penseraient que je suis une menace puisque je suis immigrant. D’ailleurs, le terrorisme était associé énormément aux Arabes en ce temps-là. Puisque tout le monde vient d’ailleurs, en Alberta, je me suis senti facilement intégré et jamais à part ». SammyBoy s’attendait toujours au pire tant au niveau de l’intégration que du climat. C’est pourquoi il ne fut pas surpris du froid qu’il faisait à l’hiver au Canada. Étudiant en administration des affaires, il vint un temps, lors de sa deuxième année, où il n’aimait plus ce dans quoi il étudiait. De plus, il subit une grave blessure lors d’une rencontre de basketball qui le mit au banc de touche. Devant ces deux problèmes, il décida de quitter l’Alberta pour la ville de Québec. « J’avais besoin de changement. Comme je parlais également français, je me suis dit que cela pouvait être intéressant de vivre dans une ville francophone au Canada ».
La ville de Québec : Une nouvelle étape
Une fois arrivée à l’aéroport Jean-Lesage à Québec, SammyBoy n’eut pas l’aide d’un responsable comme en Alberta. Plongé dans un univers inconnu, il dut prendre un taxi pour se rendre en résidence. Une fois arrivé, aucune aide ne lui fut offerte et il passa sa première nuit sans couverture ni oreiller. Une fois cette dure journée passée, il essaya de faire connaissance avec des étudiants de son programme, mais cela ne fut pas aussi facile que prévu. Après plusieurs semaines passées à Québec, il avait l’impression que les gens étaient moins chaleureux et plus craintifs vis-à-vis de ses origines.
Disons qu’en Alberta, c’était beaucoup plus facile. Les gens n’avaient pas cette peur d’être envahis et adoraient la diversité. À Québec, je me suis rendu compte que c’était différent. Oui, j’ai fini par me faire des amis, mais disons que je me suis fait regarder de travers à plusieurs reprises avant de trouver des gens qui acceptaient d’où je venais.
Les amis avec qui il fit connaissance venaient de Sept-Îles et il développa une belle affinité avec ceux-ci. Ils acceptaient qu’il vienne d’ailleurs et trouvaient cela normal de le traiter comme un être humain à part entière. L’interaction fut facile car il parlait parfaitement français grâce à ses longues années d’études dans un lycée français. Il est évident que certains termes et expressions lui étaient inconnus, mais ceci faisait l’objet des taquineries amicales par ses nouveaux amis québécois.
Le jeune Libanais garde le contact avec les membres de sa famille via des applications mobiles, et peut ainsi les regarder à travers une caméra lors des conversations téléphoniques. De cette façon, il sent la présence de sa famille à tout moment.
J’adore le fait que je peux les appeler, mais en même temps ce n’est pas la même chose qu’en vrai et ne pas les voir pendant deux ans, c’est extrêmement difficile. Je sais que je ne peux pas y retourner à ma guise avec l’école et les prix exorbitants des billets d’avion, mais je m’ennuie souvent de ma famille et de la nourriture de ma mère.
Puis, vint le jour où SammyBoy rencontra une Québécoise et ils finirent par former un couple. Ce fut un moment décisif dans sa vie, puisqu’il avait maintenant deux bonnes raisons de rester au Canada.
S’adapter à une belle famille québécoise
La vie familiale fut difficile au début, la famille de sa petite amie étant réticente du fait de ses origines.
J’ai entendu plein de choses allant de ce que je voulais être avec elle uniquement pour avoir ma citoyenneté (une rumeur qui court souvent ici) à que je l’obligerai à se soumettre à ma religion. Cela m’a troublé. Je m’étais bien sûr préparé à cette réticence, mais ce genre d’histoires auxquelles les gens croient m’a énormément surpris. Au Liban, la question de la religion est un tabou. On ne veut plus en parler et on ne veut plus se faire discriminer à cause des tragédies que cette situation a provoquées par le passé.
Cependant, plus la famille le connaissait et plus elle réalisa qu’il ne représentait aucune menace pour eux. C’est avec beaucoup de délicatesse et de patience que le jeune Libanais expliqua la réalité de son pays aux membres de la famille de sa petite amie. Après trois ans de vie commune, la majorité des peurs ont été éteintes, mais il reste encore du travail à faire.
Avenir et recommandations
SammyBoy vit toujours le rêve de devenir ingénieur chez Bombardier ou une autre compagnie où il pourra développer ses compétences d’ingénieur. Il compte rester au pays et obtenir sa citoyenneté pour travailler au Canada dans son domaine.
SammyBoy recommande d’améliorer l’accueil des immigrants à Québec, notamment des étudiants étrangers à leur arrivée. Il propose également que des événements culturels soient mis de l’avant pour faire découvrir à la ville de Québec les différentes cultures.
Parce que les gens ici ont peur de ce qui vient d’ailleurs et ils se renferment sur leur propre culture. Alors, s’ils peuvent avoir des contacts avec des gens qui viennent d’ailleurs et qu’ils peuvent converser avec eux, cela permettrait d’arrêter cette peur d’être envahis par les immigrants établis ici. Tu n’as qu’à connaître l’inconnu et tu n’auras plus peur.
Le Liban, un désert au bord de la mer? Au contraire! On peut faire du ski dans les montagnes et ensuite aller se baigner dans la mer méditerranée. Deux saisons en un endroit, c’est probablement le paradis de tout Québécois.