35 Mohammed S. Lamhamedi

Sabrina Martin

Mohammed S. Lamhamedi naquit dans la banlieue de la ville de Boujad, située dans la région de Béni-Mellal-Khénifra au Maroc. Sa famille ne croulant pas sous l’or, il savait que son éducation ne reposait que sur lui-même et que seules sa persévérance et ses notes lui permettraient d’avancer dans son parcours académique vers son objectif professionnel.

Il termina ses études secondaires à Nouaceur, une ville proche de Casablanca, où les membres de sa famille et lui déménagèrent. Par la suite, il se rendit à Casablanca pour le lycée et à Rabat pour débuter ses études universitaires. C’est dans cette ville qu’il commença son premier travail, à titre d’enseignant chercheur, et qu’il eut également son premier appartement.

Entrée dans l’âge adulte

Mohammed nous expliqua lors de l’entrevue qu’au Maroc l’éducation est gratuite. C’est pourquoi il eut toujours conscience qu’il devait avoir les meilleures notes pour s’inscrire aux programmes contingentés, ce qui est le cas de la plupart des programmes dédiés à la formation  des ingénieurs au Maroc. Lorsqu’il fut admis à l’année préparatoire en agronomie à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV Hassan II), ils étaient 10 000 candidats : sur ces 10 000, seulement 600 furent choisis sur la base des notes et des résultats au concours d’entrée et, dès la fin de la première année, 200 furent retranchés. Parmi les 400 restants, 120 personnes seulement étaient certaines de se rendre à la maîtrise.

 Les gens du Québec ne sont pas conscients de la chance qu’ils ont d’avoir accès à l’éducation aussi facilement, à n’importe quel âge et à n’importe quel moment. L’université leur est accessible et, malheureusement, ils ne le voient pas.

Dès qu’il atteignit la maîtrise, Mohammed choisit de se spécialiser en foresterie. Il obtint, grâce à ses bonnes notes, une bourse qui lui permit d’être logé et nourri par le gouvernement. En échange, il devait maintenir sa moyenne, il n’avait « pas droit à l’erreur, parce que le système pouvait le mettre dehors à n’importe quel moment ». Durant ses études, Mohammed fit partie d’une équipe de soccer universitaire et d’une équipe de soccer au niveau national. Le sport est une valeur très importante pour lui, une valeur qu’il a transmise à ses deux fils dont il est fier. D’ailleurs, son fils aîné fut le premier champion olympique et médaillé d’or en ski alpin (Super G) des premiers Jeux olympiques d’hiver de la jeunesse (Innsbruck, Autriche, 2012).

Lorsqu’il termina ses études à l’IAV Hassan II, cet Institut le recruta comme futur professeur parmi les meilleurs étudiants à la maîtrise et l’envoya se former au niveau doctoral à l’extérieur du pays. Plusieurs choix de pays s’offrirent à Mohammed pour faire ses études doctorales : la Belgique, l’Angleterre, les États-Unis et le Canada. Le Québec n’était pas son premier choix, car le programme d’échange entre l’Université Laval et l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II impliquait un retour au Maroc lors de la 3e année. Un de ses amis du moment influença toutefois son choix vers les pays principalement forestiers, donc vers le Québec.

Premier contact avec le Québec

C’est donc le 1er septembre 1987, à l’âge de 27 ans, que Mohammed Lamhamedi mit les pieds au Québec pour la première fois dans le but de faire un doctorat en sciences forestières. Il débarqua de l’avion vers 1 h du matin, se dirigea dans un bed and breakfast avec les deux amis qui participaient au même périple que lui. Il fit ses deux premières années d’études au Québec, retourna au Maroc faire la troisième année, comme convenu dans l’entente bilatérale, puis revint au Québec terminer sa quatrième année de doctorat.

Dès qu’il eut fini son doctorat, Mohammed est retourné au Maroc pour y remplir ses obligations de professeur. Par la suite, son ancien directeur de recherche lui offrit de travailler avec lui à titre de chercher postdoctoral à l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, où il resta un an. Il travailla ensuite pour le Service canadien des forêts au Centre de foresterie des Laurentides comme chercheur-visiteur dans un laboratoire du gouvernement canadien. Après deux ans et demi, son contrat étant terminé, il se tourna donc vers la Tunisie où il adora le travail qu’il effectua en tant que directeur scientifique dans le cadre d’un projet de la Banque mondiale sur l’intégration de l’expertise québécoise en matière de modernisation des pépinières forestières. Il remarqua un réel changement et une grande innovation pour la filière des pépinières et des plantations en Tunisie. Son travail devint un exemple pour les projets futurs de pépinières et de reforestation financés dans le cadre des projets de développement de la Banque mondiale.

À la fin de son contrat en Tunisie, il dut choisir entre le Québec et le Maroc, car l’IAV Hassan II lui donna un ultimatum. Il devait soit revenir au Maroc et y rester à titre de professeur, soit quitter pour de bon. Mohammed prit finalement la décision de venir vivre au Québec avec sa petite famille. Une décision qu’il prit principalement pour ses enfants et pour leur avenir à eux. La décision ne fut toutefois pas facile, ce fut déchirant de quitter son pays et sa famille qui, tout de même, l’appuya entièrement et le soutint dans ses démarches.

Retour et adaptation

En 1997, Mohammed revient officiellement au Québec, cette fois pour y demeurer. L’adaptation fut somme toute assez facile, car ce n’était pas sa première visite au Québec. Mohammed affirme que l’intégration des immigrants avec un diplôme du Québec se passait très bien en 2000. Malgré quelques difficultés, Mohammed réussit à obtenir sa citoyenneté canadienne assez facilement dans le cadre de la catégorie d’immigration économique à titre de travailleur autonome.

Recommandations

Pour chaque immigrant, la clé est selon lui l’ouverture d’esprit. En tant qu’immigrant, il sait que lorsqu’on choisit un pays, il faut premièrement que les citoyens acceptent l’immigrant, mais que l’immigrant fasse les efforts nécessaires à son intégration.

Mohammed a appris à prendre ce qui est bien dans les cultures québécoise et marocaine, ainsi que dans les religions catholique et islamique pour en faire un tout à son image. Il tient à redonner aux autres, que ce soit en faisant du bénévolat scientifique, en étant entraîneur de soccer, mais également en bravant les froids hivernaux pour être juge dans certaines compétitions de ski alpin de la Fédération internationale de ski auxquelles ses fils participent.

Chaque culture et chaque société à son code de culture qu’il faut décoder. Non pas dans le sens négatif, mais bien dans le sens positif, où l’apprentissage de la culture dans laquelle l’étranger s’intègre est de mise. Ce n’est pas pour être accepté, mais c’est bien pour vivre dans un cadre respectueux. Si un immigrant réussit à décoder ce code et qu’il fait l’effort de s’intégrer et d’aller vers les autres, il risque davantage de réussir son intégration.

Aujourd’hui

La décision qu’il prit de venir étudier au Québec puis de revenir s’y établir fut l’une des décisions les plus importantes de sa vie. Il est extrêmement fier de sa double citoyenneté. Il est devenu chercheur émérite au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, un professeur associé dévoué à l’Université Laval, un père fier, un mari aimant, un ami présent et un membre de sa communauté impliqué. Finalement, Mohammed a exprimé sa reconnaissance envers toutes les personnes qui l’ont aidé à trouver sa place au Québec et au Canada, notamment sa femme, ses enfants et toute sa grande famille québécoise.

Crédit : Mohammed S. Lamhamedi

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