28 Zakia Zoukri

Marylie Laberge Sévigny

Zakia Zoukri, originaire du Maroc, a immigré au Canada en 2006. Depuis maintenant 11 ans, elle habite dans la province de Québec avec son mari et ses deux garçons. Même si le Maroc est son pays d’origine et qu’elle y retourne chaque année, le Canada est maintenant son pays.

Quitter une belle vie pour une vie meilleure

Si Zakia et son mari ont pris la décision d’immigrer au Canada, ce n’est pas parce qu’ils menaient une vie difficile au Maroc, au contraire. Zakia détenait un diplôme universitaire en géologie et était propriétaire d’une populaire école de couture. Son mari, quant à lui, était enseignant à l’université. Entourés de leurs amis et familles, ils filaient le parfait bonheur. C’est par amour et souci pour l’avenir leurs deux garçons que Zakia et son mari choisirent d’immigrer au Canada, laissant derrière eux l’ensemble de leurs amis et leurs familles. Par ce choix, ils espèrent épargner à leurs enfants les problèmes auxquels le pays fait face actuellement, dont le chômage.

Là-bas, c’est un grave problème, le chômage. Surtout pour les gens instruits qui risquent fortement de ne jamais travailler. C’est simple, les gens plus instruits ont une plus grande tendance à remettre les choses en doute et à poser des questions. Ça, c’est tannant pour les dirigeants, qui vont marginaliser les gens avec des diplômes universitaires pour ne pas les avoir dans les pattes.

Pendant la première année, puisque son mari avait déjà un bon emploi avec un bon salaire au Maroc, Zakia a dû immigrer seule avec ses deux fils. Lorsqu’elle a décidé de venir s’établir au Canada en tant qu’immigrante, elle savait dans quel processus laborieux elle se lançait.

Pourquoi le Canada?

Elle a expliqué les raisons du choix du Canada et plus particulièrement de la province de Québec. La langue y a été pour beaucoup, car le Québec est francophone et qu’elle parlait le français. Elle savait que son intégration serait ainsi facilitée. Aussi, au Québec, il y a une grande communauté maghrébine, ce qui a beaucoup facilité son arrivée. Par contre, ce n’est pas quelque chose de simple que d’immigrer au Canada. Contrairement à ce que certains peuvent croire, il y a plusieurs critères à respecter, conditions à satisfaire et documents à fournir. Entre autres, il faut être détenteur d’un diplôme universitaire, avoir un travail et prouver qu’on a des ressources financières suffisantes. Il faut également parler le français ou l’anglais, dépendamment de la région où on veut s’établir. Avoir une famille ou des enfants résidant déjà au Canada peut augmenter les chances d’être admis.

Le début d’une nouvelle vie

C’est avec un ton très positif, des yeux brillants et une touche d’humour qu’elle raconte ses premiers mois au Canada. Zakia, qui s’établit d’abord à Montréal, eut beaucoup de chance dès son arrivée. Elle avait un immense désir de travailler et, dès la première semaine, elle alla porter son curriculum vitae chez Emploi Québec. Après seulement une semaine d’attente, une dame lui proposa un emploi au sein de son entreprise familiale. Il s’agissait d’une entreprise de couture au sein de laquelle elle travaillait avec sa fille. Zakia travailla pour cette petite entreprise pendant les cinq années où elle vécut à Montréal. Ce n’était pas un travail en lien avec son domaine d’études, puisque Zakia avait fait des études en géologie, mais dont le diplôme n’avait pas été reconnu ici. Par contre, comme elle est très talentueuse et travaillait déjà comme couturière au Maroc, elle a simplement poursuivi sa carrière de couturière au Canada.

La dame qui employait Zakia est rapidement devenue une très bonne amie et aida Zakia pendant la première année où elle était seule avec ses enfants, avant que son mari puisse venir les rejoindre. Cette dame l’aida à remplir des formulaires, à traduire des documents importants ainsi qu’à faire le lien entre Zakia et les professeurs de ses fils. Zakia trouva son arrivée au Québec relativement facile et s’acclimata très rapidement au Canada. Bien que ses fils furent parfois turbulents à l’école et s’attirèrent à l’occasion les foudres des professeurs, elle ajoute en riant que « c’était quand même difficile pour les professeurs d’être en colère contre eux, ils étaient premiers de leurs classes. Tannants, mais premiers de leurs classe quand même! ».

Finalement, son mari obtint un emploi comme enseignant à l’Université de Montréal et vint les rejoindre. Puis en 2011, il décrocha un emploi dans un laboratoire de recherche à la faculté de médecine de l’Université Laval et ils déménagèrent à Québec. Zakia travaille à son compte depuis 2011. En effet, dès son arrivée à Québec, elle loua un local dans lequel est situé son atelier de couture. Elle considère son travail comme une passion, comme un plaisir.

Différences culturelles

Zakia a timidement avoué qu’il y a une chose à laquelle elle ne s’habitue pas et ne s’habituera probablement jamais : la vie familiale québécoise. En effet, elle s’ennuie de la place importante que prend la vie familiale au Maroc. Là-bas, la vie familiale est fondamentale, occupe une place centrale.

Ce que je trouve plus difficile, c’est lorsque je passe devant de grandes maisons dans lesquelles vivent seulement un couple ou même une seule personne. Lorsque je passe devant des foyers de personnes âgées aussi, c’est inconcevable pour moi d’imaginer que des gens abandonnent leurs parents!

Même si les choses ont grandement changé, le vendredi demeure une journée sacrée pour elle. Au Maroc, le vendredi, les gens ne travaillent pas, ils sont en congé et prennent ce temps pour la famille. Au Canada, ce n’est pas comme ça, mais Zakia prend toujours congé le vendredi, c’est d’ailleurs la seule journée de congé qu’elle s’accorde. Elle prend le temps d’appeler sa famille, de faire un repas familial et consacre du temps pour ses amis qui ont besoin d’aide. C’est aussi une journée spirituelle pour elle. Elle est également très près de la communauté musulmane établie à Québec qui lui sert un peu de deuxième famille.

Elle trouve par ailleurs que les valeurs québécoises et marocaines sont semblables à plusieurs égards. Par exemple, le partage est une valeur très présente au Canada. De manière générale, les Canadiens sont très ouverts et peu méfiants envers les autres citoyens. Paradoxalement, même si les gens sont moins près de leur famille, ils sont très près des inconnus. « Ici les gens saluent les inconnus. Au dépanneur, par exemple, on peut parler avec les autres, même si on ne les connaît pas. On ne se contente pas de saluer les inconnus, on leur parle ». Elle attribue cette ouverture à l’efficacité de la sécurité qui règne au Canada.

L’intervention des policiers ou de la sécurité en général est remarquable ici. Probablement que les gens se sentent en sécurité, donc ils se méfient moins des autres. Ils n’ont pas peur d’autrui et ils s’ouvrent spontanément à eux. C’est beau à voir.

Peu de racisme, mais esprit fermé

Depuis son arrivée au Canada, même si son intégration fut facile, Zakia a eu à faire face à quelques évènements blessants. Le manque de connaissances et la peur de l’inconnu créent des doutes, sèment la crainte et favorisent certains comportements méchants face à la différence.

Certains me demandent parfois si je porte le voile à la maison et si je suis obligée par mon mari de le porter. Non seulement je porte le voile uniquement pour sortir et en présence d’étrangers, mais mon mari aimerait mieux que je ne le porte pas.

Lorsque des gens sont méchants envers elle, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Zakia n’a pas de barrière avec les gens et si quelqu’un l’insulte, elle répond de façon intelligente, en utilisant l’humour. Selon elle, c’est la meilleure façon pour désamorcer les mauvaises intentions des gens.

Je suis toujours très gentille et respectueuse, mais il ne faut pas tolérer les gestes mal intentionnés si on veut que ça cesse, alors il importe de répondre. La communication est importante, il faut parler aux gens qui font des commentaires méchants pour les aider à comprendre d’où ça provient et pourquoi c’est faux.

Zakia fustige le racisme.

Je crois simplement qu’il existe des gens fermés d’esprit. C’est quelque chose d’universel, les gens fermés d’esprit chialent sur tout, ils vont trouver différentes raisons pour chialer. Si ce n’est pas sur mon voile, ce sera sur ma couleur de cheveux.

Zakia ne comprend pas que la différence culturelle puisse être un argument pour poser des gestes méchants. Sur les réseaux sociaux, par exemple, des gens portent des chandails avec des slogans haineux.

Moi, je veux dénoncer ces gestes, je veux combattre la haine par l’amour.

D’ailleurs, elle fait de l’impression sur des t-shirts, pour essayer de créer une vague de sensibilisation.

Un conseil aux immigrants

Au regard de son optimisme remarquable et de sa détermination hors du commun, j’ai demandé à Zakia quel conseil elle aimerait donner aux immigrants pour les aider à avoir une intégration aussi réussie que la sienne.

Il faut être ouvert et patient. Il faut rester le plus positif possible. Parfois, les gens trouvent qu’il fait trop froid ou trop chaud, par exemple, mais moi je ne sens pas cette variation, parce que je m’arrange pour trouver le positif, je me concentre dessus. Aussi, ma famille biologique est loin, mais je me dis que dans la vie, on crée sa famille. Je n’ai pas toute ma famille ici avec moi, mais j’ai des amis québécois, j’ai bâti une famille ici. Vous voyez, je suis positive et je ne souffre jamais. Chaque saison à son charme, chaque problème a sa solution et chaque moment est merveilleux.

Zakia désire répondre à la haine par l’amour. Pour ce faire, elle confectionne des chandails sur lesquels on peut retrouver des phrases qui visent la sensibilisation. Crédit : Zakia Zoukri

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