1 Rym X.
Yani Hébert
Rym est une jeune femme d’origine marocaine, étudiante en architecture à l’Université Laval. Elle parle français, arabe classique, arabe marocain, anglais et apprend actuellement l’espagnol. Son amour pour les langues provient possiblement des nombreux voyages qu’elle a réalisés avec sa famille lors de son enfance. L’architecte en devenir s’intéresse à tout ce qui a trait à l’art et à la culture. Dans ses temps libres, elle adore jouer aux jeux vidéo, pratiquer l’aquarelle et dessiner.
La décision de partir
Rym est originaire de Casablanca, artère économique du Maroc, plus précisément du quartier de Bourgogne. Après son lycée, elle prit la décision d’aller étudier au Québec. Poursuivre les études supérieures à l’étranger était un choix très répandu parmi les élèves de son école. Dans sa cohorte, 75 % de ses collègues sont partis étudier dans un autre pays. De plus, tout comme ce fut le cas pour sa sœur et son frère aînés, son père l’a considérablement encouragée à partir étudier à l’étranger afin de s’ouvrir sur le monde.
Rym a choisi le Québec pour diverses raisons. Elle avait déjà visité la province avec sa famille à trois reprises. Immédiatement, elle fut charmée par la symbiose entre la culture nord-américaine et les petites touches européennes de la vieille capitale. Il faut également mentionner que sa sœur et son frère étaient déjà présents au Québec lorsqu’elle prit la décision de s’y rendre pour continuer ses études. Le fait d’avoir vécu chez sa sœur lors de la première année qui marqua son arrivée la sécurisa considérablement et lui permit de mieux comprendre la nouvelle culture à laquelle elle était confrontée.
Arrivée à Trois-Rivières
Rym entreprit donc des études en Technologie de l’architecture au Cégep de Trois-Rivières. Son intégration se déroula très bien à l’exception de quelques difficultés mineures. Par exemple, à son arrivée en sol trifluvien, elle éprouva des difficultés à comprendre l’accent québécois.
C’est seulement après la première session que j’ai compris que pantoute voulait dire pas du tout.
Outre les patois et l’accent québécois, ce fut la difficulté à se lier d’amitié avec des Québécois qui marqua les premiers mois de Rym. En effet, même si elle se fit rapidement beaucoup d’amis, ceux-ci étaient majoritairement des étudiants étrangers, principalement de la France, qui vivaient une situation similaire à la sienne.
Souvent, on tend à s’associer aux personnes qui nous ressemblent le plus ou qui ont vécu des choses semblables à notre parcours.
Selon Rym, s’entretenir seulement avec des gens qui vivent une situation semblable ne permet pas de vivre pleinement son intégration. Elle a su remédier à la situation à son arrivée à Québec, où elle développa des amitiés sincères avec des collègues d’université originaires du Québec.
Finalement, un autre élément qui fut plus difficile à vivre fut évidemment le climat. Passer du soleil ardent du Maroc aux hivers rigoureux du Québec peut occasionner un choc considérable.
Après l’obtention de son DEC, Rym fut acceptée au baccalauréat en architecture à l’Université Laval.
De Trois-Rivières à Québec
L’arrivée de Rym à Québec fut encore une fois marquée de plusieurs expériences positives. Elle n’a pas le souvenir d’avoir expérimenté des incidents fâcheux ou de s’être sentie exclue en raison de ses origines. Si certains incidents l’ont parfois mise mal à l’aise, Rym ne considère pas être tombée sur quelqu’un de foncièrement haineux, mais plutôt sur des individus mal informés ou ignorants à propos de la culture arabe.
Souvent, le racisme provient de l’ignorance; en discutant avec les gens et en leur faisant comprendre que certains de leurs propos sont inexacts, il y a toujours moyen de faire comprendre son point de vue.
En fait, les gens s’étonnent souvent lorsqu’elle mentionne qu’elle est arabe en sirotant une gorgée de bière. Selon elle, les Québécois connaissent peu la culture arabe, mais ils sont souvent très intéressés à en apprendre davantage, ce qui les pousse à poser beaucoup de questions. La tendance qui revient le plus souvent est une malsaine propension à amalgamer tous les Arabes et à les mettre dans un même panier. Au final, les gens finissent souvent par comprendre que, même si des personnes proviennent d’un même endroit, cela ne signifie pas qu’elles sont toutes identiques.
Ce n’est pas un blocage par rapport à la culture des personnes en provenance d’autre pays, mais plutôt une mauvaise tendance à s’appuyer sur des stéréotypes afin d’expliquer des situations souvent bien plus complexes qu’ils ne le pensent.
Deux pays, des valeurs différentes
À son arrivée au Québec, Rym remarqua une certaine distance entre les Québécois. Au Maroc, les relations humaines occupent une place centrale dans la culture. Il suffit d’aller faire un tour dans un marché public marocain pour noter l’omniprésence des contacts humains qui résonnent en ces lieux. « Lorsque tu rentres dans une boutique au Maroc, le marchand te prépare un thé et prend le temps de s’asseoir et de discuter avec les clients. » Les voisins s’entraident, socialisent davantage et s’invitent à la moindre occasion pour festoyer. En somme, le rapport entre les personnes est plus présent et plus chaleureux au Maroc.
Rym prend toutefois soin de préciser que ce constat n’est ni positif, ni négatif. Avec humour, elle avoue parfois apprécier vivre de manière un peu plus sauvage lorsqu’elle n’a pas le cœur à la fête.
Ici, si tu n’as pas envie de faire quelque chose et que tu déclines une invitation, personne ne te le reprochera et ou ne t’en tiendra rancœur.
Selon elle, ce nombrilisme propre à la culture québécoise comporterait aussi certains aspects positifs.
Au Maroc, l’avenir est en quelque sorte déjà planifié. À 23 ans, tu termines les études, tu commences à travailler, puis tu achètes une maison et ainsi de suite. Au Québec, les gens sont plus libres d’y aller à leur rythme. Si tu souhaites faire quelque chose qui ne suit pas la ligne prescrite, quelque chose d’un peu plus marginal, il est plus facile d’y parvenir.
Selon Rym, les Québécois jugeraient moins sur l’apparence que les Marocains.
On ressent ici moins de pression à appartenir à un statut social. Les Québécois sont davantage intéressés à la personne comme telle qu’à son apparence.
Autrement dit, elle considère que la distance entre les Québécois fait qu’ils sont aussi moins enclins à porter des jugements. Par exemple, Rym porte un piercing au septum nasal et elle ne s’est jamais sentie jugée pour cela au Québec.
Réussir son intégration au Québec
Après six ans en terre québécoise, Rym partage son meilleur conseil afin de vivre pleinement son intégration au Québec.
Il faut savoir rester ouvert à la culture dans laquelle on s’intègre.
Selon elle, pour s’intégrer facilement, il faut avoir conscience que le pays d’adoption est différent du pays d’origine, il faut donc accepter les mœurs et coutumes du nouveau pays, car forcément ce pays sera différent.
Il faut faire des efforts afin d’être le plus tolérant possible avec son pays d’accueil, mais il est impératif de le faire en restant sincère avec soi-même.
Rym cite sa sœur comme exemple. Sa sœur tente d’offrir à ses enfants une éducation qui intègre des valeurs marocaines et des valeurs québécoises. À Noël, ils ne célèbrent pas la fête religieuse puisqu’ils ne sont pas chrétiens, mais ils soulignent tout de même la célébration chaque année en s’offrant des présents et en participant aux particularités du temps des fêtes.
De plus, il faut essayer de briser la tendance naturelle à rester avec les personnes qui nous ressemblent ou qui partagent la même culture et chercher plutôt à élargir son cercle d’amitié, à apprendre sur les autres cultures et, enfin, à réussir à vivre ensemble dans la plus grande quiétude.
Rym n’a pas encore décidé ce qu’elle allait faire après ses études. Elle ne souhaite pas forcément quitter le Québec, mais ressent tout de même le besoin de voyager ailleurs et de vivre de nouvelles expériences. Elle ne sait pas si le Québec sera sa terre d’accueil pour encore longtemps, mais elle sait que son pays d’adoption gardera une grande place dans son histoire et dans son cœur.