12 Rali Jamali
Alex Proulx-Rivard
Rali est arrivé au Québec très jeune, alors qu’il n’avait que onze mois. Originaire de Casablanca au Maroc, il a grandi à Montréal, plus précisément à Ville St-Laurent, puis à St-Bruno de Montarville.
Une famille ouverte sur le monde
Le père de Rali peut se qualifier de citoyen du monde. Syrien de naissance, il a étudié en Pologne, travaillé en Syrie, puis en France, au Canada et au Maroc. C’est justement au Maroc qu’il a rencontré la mère de Rali et ils ont décidé de déménager au Canada après la naissance de celui-ci. « Le choix n’a pas vraiment été difficile. Il parlait français, avait déjà de l’expérience en sol canadien et trouvait le pays juste… agréable! », indique Rali.
Ils ont décidé de s’installer à Ville St-Laurent où une communauté arabe était déjà bien établie. La transition a donc été facile et l’adaptation relativement rapide. Étant un très jeune enfant, Rali n’a pas eu de problème à s’adapter en grandissant, du moins pendant les premières années.
Je n’ai jamais vraiment vécu de racisme aussi loin que je me rappelle. Par contre, nous avons déménagé alors que j’étais encore jeune. Étant dans une communauté relativement fermée et venant d’une famille plus ouverte, je me faisais poser des questions à l’école : pourquoi je mangeais du cochon, pourquoi ma mère ne portait pas le voile, etc. Nous aurions pu facilement adopter ces pratiques pour nous conformer et avoir la « paix », mais mon père ne voulait rien savoir. Il ne voulait pas nous imposer quoi que ce soit. Nous avons donc décidé de déménager sur la Rive-Sud, à St-Bruno.
Même plongé dans un nouvel environnement presqu’exclusivement québécois, Rali ne se sentait pas isolé. Bien que musulmans, ses parents ne pratiquaient pas la religion à la maison, ne s’empêchaient pas de manger quoi que ce soit et parlaient en français. Rali explique que sa famille a ressenti plus de pression sociale de la part de la communauté arabe que de la part des Québécois. C’est en grande partie pourquoi ils ont déménagé et pourquoi Rali est aujourd’hui très ouvert d’esprit. De nature très sociable, il n’a pas eu de difficulté à se faire des amis, malgré son accent qui rappelait son pays d’origine.
Je ne dirais pas que les enfants étaient plus « méchants » avec moi qu’avec n’importe quel autre enfant. Ils pouvaient faire des jeux de mots avec mon nom, faire des blagues sur mon accent, mais il n’y avait rien de raciste ou de mesquin là-dedans. Les enfants sont ce qu’ils sont, et dès que tu te fais des amis, ton pays d’origine importe peu.
Le reste de son primaire et de son secondaire s’est déroulé sans embûche et, à la fin du secondaire, Rali ne faisait qu’un avec le Québec et ses valeurs. Sa famille et lui voyageaient souvent. Il raconte que déjà à l’âge de 12 ans, il prenait parfois l’avion seul. Ils retournaient quelques fois au Maroc pour rendre visite à la famille, mais sans plus. Rali précise que sa famille a eu un grand impact sur sa personnalité et aussi sur ses aspirations. Les choix que son père a fait ont eu comme conséquence de faire de Rali et de sa famille des personnes ouvertes au changement, ouvertes à la différence, ouvertes sur le monde.
« J’ai des points de repère au Québec, mais je n’ai pas de point d’ancrage! »
Rali a rapidement pris goût à la découverte du monde et a décidé de s’inscrire au Baccalauréat intégré en affaires publiques et internationales à l’Université Laval. Il s’est installé dans les résidences et a décidé de s’impliquer le plus possible dans son milieu universitaire. Président de l’association des jeunes libéraux du Canada de l’Université Laval, chroniqueur à la radio Chyz 94,3 et rédacteur d’opinion pour impact Campus et le Devoir, Rali ne recula devant rien. N’ayant aucune difficulté à se faire des amis, il se fond dans la masse, tout en se démarquant par son implication et sa personnalité dynamique. Il a tout de même remarqué quelques petites différences entre Montréal et Québec.
Déménager à Québec n’était pas difficile, ce n’était pas nécessairement différent de Montréal. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de différences! À Québec, les gens sont sympathiques, mais je trouve que rentrer dans les cercles d’amis était plus difficile. Les gens sont beaucoup plus homogènes qu’à Montréal. À Montréal, les gens sont en contact constant avec la diversité et je crois que cela aide beaucoup à accepter la différence, à accepter l’inconnu. Québec et Montréal ont chacun leurs bons et leurs mauvais côtés!
Étudiant dans un domaine qui prône la découverte de l’inconnu et l’ouverture sur le monde, Rali s’est engagé dans un échange étudiant et il est parti pour l’Amérique du Sud pendant huit mois. C’est là-bas qu’il a remarqué que ses racines canadiennes étaient bien présentes chez lui, jusqu’à un certain point.
C’est comme lorsque j’étais jeune! Tu veux t’adapter, mais il faut aussi se fondre dans la masse. Les gens là-bas ne me demandaient pas si j’étais Arabe, mais plutôt si j’étais Brésilien et je répondais oui! Tu ne veux pas être mis de côté ou traité différemment à cause de tes origines, mais tu veux t’intégrer. C’est là que j’ai remarqué que oui, j’ai des points de repère au Québec, mais je n’ai pas de point d’ancrage! Au Québec, on m’appelle le Marocain (pour rire), au Maroc on m’appelle le Canadien, en Amérique du Sud on m’appelle le Gringo, et je trouve cela bien, car je suis toutes ces personnes à la fois!
Voyager, c’est bien, mais rentrer c’est mieux
Rali se sent au Québec « comme à la maison ». Il se considère chanceux de vivre au Québec, peu importe les circonstances. Après avoir parcouru le monde, il continue de s’identifier comme étant un Canadien dans l’âme. Il ne s’empêche pas d’exprimer régulièrement son opinion sur la situation au Québec quant à l’immigration. Quand on voyage très jeune comme lui, on entre en contact avec toute sorte de personnes et de situations. Il avait neuf ans lorsqu’il a vu pour la première fois un enfant fouiller dans les poubelles pour trouver de la nourriture. Quand il revenait au Québec, les problèmes et les commentaires qu’il pouvait entendre et vivre à cause de son origine semblaient beaucoup moins importants. Et c’était une bonne chose. Les gens devraient voir autre chose que leur entourage immédiat. Les gens devraient explorer le monde, sortir de leurs communautés, de leurs villages, de leurs familles. Cela s’applique encore plus aux gens qui arrivent dans un nouveau pays. « Sortez de votre zone de confort et vous en ressortirez plus fort! », martèle-t-il.
Le mot de la fin…
Je ne crois pas que Rali soit l’exception à la règle. Il l’a d’ailleurs souligné à quelques reprises pendant notre entrevue. Il insiste pour dire que la majorité des familles immigrantes agissent majoritairement comme la sienne et pensent comme la sienne. Parfois, les barrières qui retiennent les immigrants dans leur élan d’intégration sont des barrières qu’ils ont eux-mêmes construites. Parfois, il ne manque qu’un coup de pouce, une décision, un déménagement, pour faire sortir la vérité au grand jour. Il croit fermement que lorsque cela se produira, le problème sera déjà presque réglé.