46 Toufic X.
Sanja Popadić
Toufic est une personne charmante est très accueillante. Lors de notre entrevue, je me sentais comme chez un ami et non comme chez une personne inconnue. Son parcours est quelque peu différent de celui des autres immigrants. Sa famille et lui ont immigré deux fois plutôt qu’une!
Décision de partir pour le Québec
La décision de partir pour le Québec fut motivée par la volonté de s’éloigner de la guerre civile du Liban. Toufic arriva en sol québécois en 1975 avec sa famille immédiate, ce qui signifie son père, sa mère, ses trois sœurs et son frère. Il est le benjamin de la famille. Pourquoi choisir la ville de Québec parmi toutes les villes du monde? Ses deux tantes du côté paternel vivaient déjà ici depuis 1950, ce qui rendit leur choix simplement naturel. Sa famille et lui immigrèrent à deux reprises. En premier lieu, ils fuyaient la guerre civile. Mais pour des motifs personnels, ils décidèrent de retourner au Liban de 1982 à 1988. Deux de ses sœurs se marièrent et décidèrent de rester au Liban. En 1988, le reste de sa famille décida de revenir à Québec, et ce, définitivement. Toufic dit avoir connu une intégration relativement facile. La langue française est l’une des langues les plus parlées au Liban, donc sa famille et lui n’ont pas eu de barrière linguistique. Parler la même langue que celle de son pays d’accueil fut réellement un poids de moins sur les épaules.
Ouverture d’esprit du Québec
Toufic aime passionnément la ville de Québec. Dans le passé, il a vécu à Montréal, mais n’a pas du tout aimé son expérience. Bien qu’il soit originaire du Liban, Toufic considère Québec comme son chez-soi. Il vient d’un petit village dans le nord du Liban que son grand-père avait personnellement fondé et bâti. Son attachement pour la ville de Québec est plus profond que la grande beauté de l’architecture ainsi que la proximité de tous les services.
Plus jeune, Toufic fréquentait les bars gais. Il fréquentait un bar en particulier qu’il aimait beaucoup, mais qui se trouvait en face d’un commerce d’un ami de son père. Un jour, cet ami décida de donner un coup de fil au père de Toufic afin de lui annoncer les fréquentations de son fils. Il se dit tout de même heureux du dénouement de la situation, car il retardait l’annonce de son orientation sexuelle à sa famille. Il se dit vraiment heureux et surtout très chanceux de venir d’une aussi bonne famille, car ils ont très bien pris la nouvelle. Toufic a été élevé dans une famille chrétienne où la religion avait une très grande place et dans laquelle l’homosexualité n’était pas bien perçue. Il a appris à faire une séparation entre son homosexualité et sa foi. De plus, son conjoint est athée. Malgré leurs convictions religieuses différentes, ils ont une relation très saine. Son amoureux est originaire de la France et ils ont voyagé au Liban à maintes reprises.
Changements dans les valeurs québécoises
Toufic aime beaucoup l’ouverture d’esprit des gens de Québec. Toutefois, après le 11 septembre 2001, la situation se dégrada. À son arrivée au Québec, il se sentait accepté et très bien intégré, mais au fil du temps, la situation changea. Il entendait des commentaires négatifs autour de lui, des commentaires racistes non fondés. Il ne croit pas que les gens soient fondamentalement mauvais, il pense simplement qu’ils font preuve d’incompréhension. Le fait d’avoir en quelque sorte « éduqué » ses propres parents quant à l’homosexualité lui a donné envie d’éduquer les gens autour de lui sur le racisme. Toufic est quelqu’un de très militant. Dès qu’il ressent une situation d’inégalité, il s’exprime sur la place publique afin de la dénoncer. Quand il est au restaurant et qu’il entend des faussetés sur un sujet, il ne se gêne pas pour se lever et intervenir.
Parcours professionnel
Toufic fit ses études collégiales à Québec. Il travailla ensuite chez Bell Média, avant d’entamer une carrière au sein de la fonction publique. Il est le directeur des groupes d’équité pour l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Il a été élu et c’est une tâche bénévole. Il aime beaucoup son travail, car il continue de militer pour les choses qui lui tiennent à cœur. Toufic passe une grande partie de son temps à travailler pour les droits LGBT (gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres) et les groupes d’équité (les femmes, les autochtones, les personnes racisées, celles ayant un handicap, etc.). Il peut, par exemple, aider les entreprises à avoir un milieu de travail plus inclusif à l’aide d’affiches, de formations, de conférences, etc.
Lors de l’entrevue, il a fait part de beaucoup de faits cocasses. Il a par exemple porté un chandail avec le slogan « Harper dehors! ». Bien qu’il travaille pour la fonction publique et que jamais il ne manquerait de respect au ministère pour lequel il travaille, il croit à la liberté d’expression. Il se présente comme Libanais de naissance, mais Québécois dans l’âme.
Toufic lutte grandement aussi pour la préservation de la langue française au Québec. Un jour, au travail, il reçut un courriel lui mentionnant qu’il allait recevoir une formation donnée uniquement en anglais. De nature militante, il s’est empressé d’écrire un message public soutenant qu’il était inacceptable de donner une formation en anglais seulement à des employés bilingues. Le cran de Toufic a porté fruit, car grâce à son message, la formation a été traduite en français.
Intégration dans la culture québécoise
Son intégration ainsi que celle de sa famille fut relativement facile, puisqu’ils parlaient déjà le français et qu’ils avaient de la parenté dans la ville de Québec. Les cours au centre d’orientation et de formation des immigrants (COFI) les ont grandement aidés. Le COFI n’existe malheureusement plus aujourd’hui en raison de restrictions budgétaires. Toufic ressent que, de nos jours, l’intégration se fait moins facilement. Selon lui, les nouveaux arrivants sont laissés davantage à eux-mêmes.
Message pour les Québécois
Toufic souhaite faire comprendre aux gens réticents face à l’immigration que la diversité est une richesse. Il invite les Québécois à ne pas avoir peur de l’autre. Plutôt que de s’inquiéter et de mettre tous les immigrants dans le même panier, il souhaite que les gens posent davantage de questions, s’informent plus. S’ouvrir aux autres reste la clé ultime de l’intégration. Si jamais vous êtes témoins d’une injustice, dénoncez la! Il faut dénoncer pour pouvoir avancer!