Bienvenue dans ma vie de bureau

Martine Sonnet

Au mois de juin 2012, la villa Réflexive s’agrandit d’une pièce, mon bureau, et je vous y accueille volontiers.

Lorsque j’ai accepté d’occuper la villa en juin – merci à Mélodie Faury, grande ordonnatrice du planning et des changements de décors – j’ai immédiatement pensé que j’y parlerai d’ego-histoire. Première historienne dans la villa Réflexive, c’est en terme d’ego-histoire qu’a résonné pour moi l’appel lancé au partage de nos réflexions sur nos pratiques de recherche.

J’imaginais alors évoquer ici quelques textes et démarches d’ego-histoires, le plus souvent familiales, auxquels j’ai été sensible. Parmi les plus récents il y aurait eu par exemple les livres d’Ivan JablonkaHistoire des grands-parents que je n’ai pas eus, de Mona OzoufComposition française, un peu plus ancien celui de Michel WinockJeanne et les siens, ou le texte de Gérard Noiriel à la fin de son Penser avec, penser contre : itinéraire d’un historien. Et revenir aussi peut-être aux Essais éponymes rassemblés par Pierre Nora en 1987 et pourquoi pas même aux Souvenirs d’Ernest Lavisse (réédités en 1988 avec préface de Mona et Jacques Ozouf) dont je garde un bon souvenir de lecture.

Et, puisque je parle néanmoins un peu d’ego-histoire, si vous ne connaissez pas la série de textes d’historiennes publiée dans la revue en ligne Genre et histoire, à propos de leurs parcours intellectuels et professionnels, je vous conseille vivement d’aller lire d’un clic, ceux de Geneviève Fraisse (philosophe en fait), Françoise ThébaudYolande Cohen, et Cécile Dauphin,

Mais je n’ai malheureusement pas le temps de mettre maintenant par écrit mes réflexions autour des livres évoqués ci-dessus, notamment parce que juin est un mois chargé dans nos métiers. On boucle des textes, on se réunit, on évalue et on se fait évaluer, on rend compte de nos activités de l’année universitaire écoulée, voire, comme c’est le cas ce mois de juin 2012 à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC ou UMR 8066 en langage codé) le labo où je suis ingénieure de recherche), on fait le bilan des quatre années écoulées et des projets pour les quatre à venir…

Désireuse néanmoins d’être présente ici, je m’en tire par une petite pirouette : je proposerai un journal-carnet de bord hebdomadaire de mes activités lors de la semaine écoulée. Ecriture et images saisies au jour le jour, mises en ligne chaque week-end si tout va bien. Petites réflexions impromptues sur ce que je fais et comment. Je prends le risque.

Petite précision sur le bureau sous les toits (d’où je vois parfois de drôles de choses) : il y fait très chaud ces temps-ci, la climatisation ne fonctionne pas (elle ne rafraîchit que nos voisins de l’autre bout du couloir, nos collègues de l’Institut des textes et manuscrits modernes – ITEM-, de très bons voisins qui s’intéressent notamment à Proust, à Flaubert et à l’autobiographie. Je suis donc en excellente compagnie sous les toits).

 

Lundi

Au velux, gris et vue brouillée par la pluie

Au velux, gris et vue brouillée par la pluie. Retour aux affaires courantes, après décompression post journée-séminaire « Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles » de samedi. Je range, bureau réel et bureau-écran, et réponds au courrier en retard, en me demandant pourquoi l’organisation de ce genre d’événement, tâche à laquelle je suis pourtant rompue, me plonge à chaque fois dans un stress générateur de plusieurs nuits quasi blanches. Tout se passe pourtant toujours au mieux, les intervenants sont bien là, l’assistance présente en nombre (entre 12 et 15) et variété disciplinaire idéaux pour de vraies discussions, la technique ordi-vidéo ne nous trahit pas, mais rien n’y fait, j’angoisse. Et comme samedi, outre l’animation de la journée, j’intervenais, s’ajoutait à mon inquiétude le syndrome du « il m’a juste manqué un jour de plus pour faire ce que j’aurais vraiment voulu faire » qui frappe à chaque remise de papier ou exposé oral. Pour le reste, je sollicite – et obtiens – un délai de grâce d’un mois pour l’écriture d’un chapitre dans un ouvrage collectif (sur lequel je reviendrai) qui a pâti de mes préparatifs et réouvre les dossiers concernés. Je mets à jour ma veille scientifique éminemment subjective sur le carnet de recherche accompagnant le séminaire Femmes au travail. Plus loin de mon « cœur de métier », sur les bords, je suis très heureuse de la mise en ligne sur le site collectif remue.net littérature, ce lundi, de mon article sur le très beau récit de Yun Sun Limet, Joseph, qui vient de paraître aux éditions de la Différence.

Mardi

Après 2 mois de marathon aux Archives nationales pour « fatiguer » (comme dirait Pierre Bergounioux) des cartons de la série F 17 (Instruction publique) devenant indisponibles à partir de fin mai pour cause de déménagement à Pierrefitte-sur-Seine, je prends la mesure du travail post-Archives qui m’attend. J’ai paré au plus urgent en préparant ma communication de samedi, mais au Caran, j’ai fait ces temps derniers des photos par centaines des papiers F 17 concernant l’activité de la Caisse nationale des sciences entre 1931 et 1939 et les données assemblées là, listes d’allocataires à reconstituer notamment, ne sauteront pas toutes seules dans mes fichiers Excel et Word… La possibilité offerte désormais de photographier librement aux A.N. est une bénédiction (quand je pense à la difficulté d’obtenir sur commande certaines reproductions de plans des pensionnats conventuels parisiens du XVIIIe siècle pour ma thèse, du temps où les archives Ancien Régime se consultaient salle Clisson) mais exige une discipline de fer pour s’y retrouver une fois de retour au bureau. Je gagne du temps depuis que j’intercale systématiquement une photo « d’ambiance » entre les séries de photos propres à chaque chemise dépouillée, le découpage/repérage dans mon i-photo se fait beaucoup plus facilement.

Mercredi

Allant à la BnF par le RER C au départ d’Issy-Val-de-Seine, je voyage dans LA rame – il n’y en a qu’une sur la ligne – habillée Grand Siècle, intérieur pelliculé de reproductions des décors du château de Versailles : un avant-goût pour les touristes qui l’empruntent pour s’y rendre, une diversion décorative pour les usagers quotidiens. Je suis assez époustouflée par le travail des décorateurs, l’ensemble est très réussi et astucieux. Je voyage dans la Galerie des Glaces – The hall of mirrors – La galeria de los espejos.

Comme le plus souvent désormais, j’ai réservé une « place virtuelle après 16 h à la BnF », c’est la certitude, y compris en se décidant le jour-même, d’avoir une place dans la salle de son choix et la possibilité de commander ses livres à l’avance. On dispose de 4 heures pour travailler jusqu’à la fermeture à 20 h, c’est calme, les salles se vident petit à petit, la batterie de l’ordi tient tout ce temps là sans chargeur, l’estomac, (sans parler de la vessie) tient aussi : pas de tentation de pause café ni d’expéditions toilettes (au bas mot 15 bonnes minutes dans chaque cas vu la distance). C’est économique à tout point de vue. J’en use ainsi avec ce lieu que je n’aime guère, à chacune et à chacun son mode d’emploi de la BnF.

Jeudi

Corvée administrative de saison, je ne rentrerai pas dans les détails mais cette année le Dossier Annuel d’Activités (DAA) des Ingénieurs, Techniciens Administratifs (ITA) se saisit en ligne, le problème c’est que l’application ne fonctionne que sous Internet Explorer ou une version ancienne de Firefox. Bref je ne peux pas me connecter au système et passe à une autre corvée administrative, quadriennale celle-là encore heureux, le rapport scientifique du labo en vue de son évaluation AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), je ne rentre pas non plus dans les détails mais je participe à son élaboration et tente donc de réunir, dans les temps, les diverses contributions à assembler. Diversion très bienvenue le soir : mon invitation à la librairie L’Imagigraphe par le cercle de lecture Les filles du loir pour une rencontre-lecture des plus sympathiques principalement à propos d’Atelier 62, mais où il est question aussi de mes autres écrits, historiques ou non.

Vendredi

Obstination sur le DAA auquel je me connecte après rechargement d’une version obsolète de Firefox mais c’est pour constater mon extrême difficulté à me plier dans les cases, en particulier quand il s’agit d’y faire rentrer mes expériences et mes projets – il faut absolument avoir un projet d’évolution professionnelle quand on remplit son DAA. Mais les menus déroulants n’ont pas tout prévu, les nombres de signes par champs de saisie sont limités, et pas de rubrique « publications ». Remplir mon DAA me déprime profondément chaque mois du juin.

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Lundi

Au velux toujours le gris

Au velux toujours le gris, donc je zoome sur l’arbre qui l’effleure. Le séminaire du labo, organisé aujourd’hui par Claire Zalc, est passionnant. Claire a invité Ivan Ermakoff, sociologue enseignant à l’université de Madison dans le Wisconsin à venir évoquer son ouvrage Ruling oneself out, a theory of collective abdication (Duke University Press, 2008). Ivan Ermakoff s’y livre à un travail de modélisation des processus de prises de décisions d’abdications collectives par des groupes renonçant, de leur plein gré, à exercer leur capacité de se défendre. Les cas passés au crible théorique par le sociologue sont les votes de pleins pouvoirs par le Reichstag à Hitler en 1933 et par les parlementaires français à Pétain en juillet 1940. Claire a également convié Johann Chapoutot, historien contemporanéiste à Grenoble 2, à ouvrir la discussion à partir des questions nées de sa lecture fouillée de l’ouvrage. Tout ce qui se dit là est hautement intéressant, stimulant et décloisonnant. Je n’interviens pas, ne me sentant pas de taille à, mais j’en prends de la graine.

Mardi

Aux Archives nationales, je consulte des actes conservés dans le fonds du Minutier central des notaires parisiens. Il s’agit d’inventaires après décès et de testaments concernant des maîtres et maîtresses de musique ayant enseigné leur art au XVIIIe siècle, j’y cherche ce qui pourrait concerner leurs élèves et y trouve notamment des listes de familles débitrices de leçons non payées au moment du décès du maître ou de la maîtresse. Mon chapitre d’ouvrage collectif en retard concerne l’éducation musicale des filles au XVIIIe siècle. Ce qui m’émeut toujours dans les documents notariés c’est la juxtaposition au bas des actes des signatures : il y a celles, alertes, des hommes de loi, et celles, appliquées, de leurs clients. Par exemple, quand le 12 décembre 1778 Marie-Geneviève Foucher, épouse de François Vasse maître-horloger rue Saint-Etienne-des Grès, rentre en possession des biens de sa cousine germaine Louise Dubreuil, fille majeure, maîtresse de clavecin décédée le 24 novembre précédent dont elle est l’héritière cela donne (AN MC LXXIX 213).

Marie-Geneviève est certes moins rompue au maniement de la plume que les sieurs Rendu et Margantin, mais elle signe d’une graphie qui mêle relative assurance et léger tremblement. A Paris, dans ces années pré-révolutionnaires, les femmes d’artisans qui sont aussi le plus souvent filles d’artisans ont fréquenté les petites écoles bien implantées dans la ville et ont acquis là des savoirs de bases – lire, écrire, compter – mis en pratique dans l’atelier ou la boutique du père puis du mari. Louis-Sébastien Mercier dit cela très bien et cite même précisément les épouses des horlogers.

Mercredi

À la BnF, je suis interloquée par l’affichette, probablement consécutive à un regrettable accident, disposée à côté du monumental lecteur de microfilms que j’utilise pour consulter des annuaires d’abonnés au téléphone des années 1930, en mezzanine de la salle de bibliographies. Je n’avais pas conscience du danger que je cours depuis des années et des années que je fréquente les bibliothèques.

Jeudi

Le numéro 9 de la revue Genre & histoire est mis en ligne et je figure parmi les auteurs au sommaire de ce numéro. C’est la première fois que je publie dans une revue d’histoire nativement et exclusivement numérique, et je dois avouer mon étonnement devant des consignes de forme et présentation de l’article qui ne différaient strictement en rien de celles d’une revue papier. Dommage que les auteurs ne soient pas incités à exploiter les potentialités du support. Sauf erreur de ma part – je n’ai pas encore tout lu – mon article est le seul qui comporte des liens, qui tombent sous le sens puisque j’y fais allusion à des textes disponibles sur Gallica. Le dossier du numéro, suite de celui du n° précédent, est consacré à des écrits de voyageuses. Les articles sont issus d’interventions faites au séminaire « Femmes, histoire, voyages », du groupe « Femmes et histoire » de l’IHMC, entre 2005 et 2008, quand Nicole Pellegrin l’animait, avant que je ne prenne la suite avec « Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles ». Le titre de mon article « L’émoi des demoiselles en voyage. Du voyage dans quelques journaux intimes de jeunes filles du XIXe siècle » est évidemment un clin d’œil à Philippe Lejeune et à son beau livre paru en 1993, Le moi des demoiselles, enquête sur le journal de jeune filleauquel mon texte doit beaucoup.

Vendredi

Au matin la belle surprise. Pendant la nuit Morwenna Coquelin, la jeune historienne médiéviste dont la Villa attendait la visite, est passée par ici, et pas toute seule : avec un chroniqueur rencontré à Erfurt, conscient de l’inscription de ses écrits dans l’Histoire et par tant soucieux de leur légitimité comme de son autorité. Au moins deux bonnes raisons pour lui de se montrer au travail. Moi je cours aux Archives, parce que du 18 juin au 7 juillet le Caran sera fermé en raison de la mise en service d’un nouveau système informatique et qu’il me reste quatre actes notariés concernant des maîtres de musique à voir. Côté lecteurs c’est la panique des veilles de fermeture. Côté personnel, il semble que l’on s’inquiète aussi; à la machine à café je dépanne en monnaie quelqu’une de la maison qui est en stage de formation à ce nouveau système et se plaint que cette formation est trop théorique, loin des demandes concrètes des lectrices et lecteurs qu’elle aura elle-même à initier au nouvel outil. De mes quatre minutes notariales, l’une retient tout spécialement mon attention : la convention établie le 4 septembre 1727 par un marchand boulanger du faubourg Saint-Antoine avec un organiste de paroisse pour que celui-ci enseigne pendant trois ans l’orgue et le clavecin à ses deux filles, Marie-Marguerite et Jeanne, Marie-Marguerite devant à terme pouvoir être embauchée comme organiste dans un couvent parisien. Si la perfection suffisante n’est pas atteinte, l’organiste devra continuer ses leçons, mais le boulanger ne déboursera par un denier de plus que les 300 livres du forfait convenu devant notaire. De retour au bureau, je mets la main à la bibliothèque sur le livre de Steven L. KaplanLe meilleur pain du monde : les boulangers de Paris au XVIIIe siècle, pour voir si par hasard ce boulanger y ferait une apparition. Hélas, l’absence d’index des noms cités me complique la tâche, pas de pomme F pour naviguer dans les 766 pages du livre… (Illustration ci-dessous : une (parmi tant d’autres) liasse du minutier central des notaires parisiens).

***

Lundi

Au velux très léger mieux

Au velux très léger mieux : j’ouvre un peu plus grand. Ce qui ne va pas mieux, c’est que deux semaines sur les quatre du mois de juin ont déjà passé sans que je me reconnecte à Sirhus pour tenter d’y loger les 4 fiches sur 5 qu’il me reste à renseigner – pour parler formulaire – avant que mon DAA soit soumis à toutes les validations nécessaires. Donc je m’y colle et copie-colle autant que je peux. Mais 4540 signes pour raconter tout ce que j’ai fait depuis un an c’est court, et Sirhus coupe sans prévenir ni pitié (ceci est un zeugme à l’attention de Benoît Melançon collègue dix-huitiémiste québécois qui en est collectionneur) tout ce qui dépasse. Sur ma fiche, les activités d’expertises en font les frais : obligée de reprendre depuis le début et de comprimer drastiquement. Et je n’en suis qu’à la fiche 2.

Mardi

C’est la saison : des chaises surgissent dans tous les couloirs et sur tous les paliers de l’école normale supérieure. Chaises mises à la disposition des candidats admissibles à l’issue des épreuves écrites aux concours d’entrée et qui attendent, devant les portes closes des salles réquisitionnées, leur heure de passage à l’oral. Et chaque année je ne peux m’empêcher de penser qu’à leur âge je ne savais pas que cette école existait et qu’au lycée, l’année du bac, je n’avais même jamais entendu parler des classes destinées à préparer ce concours. Au tout début des années 1970, au temps où le célèbre ascenseur social voulait bien prendre encore quelques passagers, à celles et ceux embarqués au rez-de-chaussée, toute l’information utile pour s’orienter dans les étages ne parvenait pas forcément.

Mercredi

Arrivée hier au bout du bout des fiches à onglets du DAA – sauf que mes besoins en formation ne m’apparaissent pas avec une netteté qui me permettrait de les exprimer et d’établir entre eux un ordre de priorité – j’oublie un peu mon cas personnel et passe au rapport quadriennal de l’unité mixte de recherche à laquelle j’appartiens; rapport auquel avec deux autres collègues ITA je prête la main. Autant dire que les jours de cette semaine 25 se suivent et se ressemblent dans leur monotonie administrativo/technocratico/évaluative. Après deux piqûres de rappel, les fiches individuelles attendues de ma vingtaine de collègues sont quasi toutes arrivées, ce qui permet de lancer la relecture destinée à y instiller un minimum d’uniformité, notamment dans les rubriques bibliographiques dont les opus recensés doivent être codés, de l’ACL – le nec plus ultra : article dans une revue internationale ou nationale avec comité de lecture répertoriée par l’AERES ou dans les bases de données internationales – à la malheureuse PV – publication de vulgarisation.

Jeudi

Toujours dans le quadriennal, et le souvenir tout frais de mes lectures aux Archives nationales des rapports envoyés par les allocataires de la Caisse des sciences à l’appui de leurs renouvellements de bourses m’aide heureusement à prendre une certaine distance à l’égard de l’exercice auquel je me livre. Me reviennent les tournures des lettres accompagnant l’envoi de ces rapports au Directeur de l’enseignement supérieur – Jacques Cavalier de 1926 à 1937 -, les unes empreintes d’une extrême et scrupuleuse déférence, les autres au ton beaucoup plus désinvolte. Le 14 avril 1933, un chargé de recherche en sciences naturelles présente ainsi son rapport :

Monsieur le Directeur,

Je vous remets ici une copie de mon rapport annuel pour la Caisse des Sciences, que je viens d’établir au moment de partir quelques semaines au Maroc pour rechercher les bulbes qui me manquent. Je vous renouvelle encore tous mes remerciements pour la bienveillance que vous avez voulu me montrer. En particulier, je viens de recevoir l’avis de la subvention qui m’est accordée par la Caisse des Recherches. Je vous en remercie bien vivement : je suis très heureux de pouvoir ainsi m’outiller en vue des cultures expérimentales en montagne qui me semblent d’un réel intérêt. […]

Quand le 20 octobre 1934, une boursière en sciences sociales étudiant notamment le naturisme explique sans façons qu’elle ne peut obtempérer :

Monsieur,

Étant actuellement dans les bois et n’ayant pas de machine à écrire à ma disposition, il m’est impossible de vous faire parvenir avant le 1er novembre la liste dactylographiée que vous me demandez. […].

Le 3 novembre 1934, le philosophe Emmanuel Levinas s’exaspère quant à lui que la Caisse des sciences ne parvienne pas à prendre note de ses changements d’adresse : lettre reproduite ci-dessous (AN F17 17458, de même que les extraits cités).

Vendredi

Séminaire « Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles », dernière séance de l’année et probablement dernière avant changement de formule et de thématique puisque le cycle était conçu pour trois ans. 2012/2013 sera une année de transition. Séance qui, comme les précédentes – Simon Psaltopoulos et Juliette Rogers sont nos 45e et 46e intervenants – se déroule dans une convivialité des échanges intellectuels qui fait du bien après une semaine de codages et classifications du savoir. Le travail scientifique c’est aussi, et heureusement, encore cela : des discussions qui ne rentrent dans aucune case pré-remplie.

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Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi

Au velux saisir le bleu quand il s’en présente

Au velux saisir le bleu quand il s’en présente. Cette semaine je ne fais pas le détail : j’essaie de consacrer le plus de temps possible à écrire ce chapitre d’ouvrage collectif dont j’annonçais ici même fièrement, semaine 23, que ma deadline avait reculé d’un mois. Reculé pour mieux sauter et nous y sommes. Je dirais seulement que l’ouvrage collectif en question, sur les femmes et la musique, France et Italie, entre Renaissance et Romantisme, est issu de deux événements auxquels j’avais participé : à Naples, en janvier 2010, une session du Congrès de la Società italiana delle Storiche, organisée par Caroline Giron-Planel, et à Versailles en mars 2011, une journée d’étude du Centre de musique baroque, organisée par Catherine Deutsch. Dans les deux cas, aux côtés de musicologues, j’intervenais comme historienne de l’éducation, pour évoquer les pratiques musicales dans l’éducation des filles au XVIIIe siècle. J’écris donc un texte sur la base de ce que j’avais présenté, deux interventions qui étaient complémentaires. Mais pour moi, parler et écrire sont deux choses radicalement différentes, donc je reprends quasiment tout à la base puisque je parle toujours avec juste un fil conducteur et des notes sous les yeux, jamais de texte écrit à l’avance qu’il me suffirait de faire surgir, d’un clic, de l’ordinateur quand on me le demande pour publication. D’où mon retard à rendre ma copie, sans compter qu’il me faut fondre les deux interventions en 50 000 signes maxi et qu’entretemps j’ai complété mes matériaux. Aux Archives Nationales, après avoir (avec quelques difficultés) pu consulter une thèse de l’école des Chartes, inédite, de 1978, consacrée aux maîtres de musique parisiens du XVIIIe siècle (je ne comprends pas, d’ailleurs, qu’une thèse soutenue dans une école nationale dont les élèves sont fonctionnaires ne soit pas librement accessible), m’a lancée sur de nouvelles pistes, et ce matin même (j’écris vendredi soir), j’étais encore au département de la musique de la BnF, rue Louvois.

Et puis, c’est la fin du mois, je remercie mes visiteuses et visiteurs et referme la porte de mon bureau. J’ai bien apprécié le séjour à la villa réflexive et en souhaite d’aussi heureux aux locataires à venir.

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Billets originaux

Sonnet, Martine, 2 juin 2012, « Bienvenue dans ma vie de bureau », Espaces réflexifs [carnet de recherche], consulté le 6 juin 2018. http://reflexivites.hypotheses.org/2311

Sonnet, Martine, 10 juin 2012, « Aperçus vie de bureau, semaine 23 », Espaces réflexifs [carnet de recherche], consulté le 6 juin 2018. http://reflexivites.hypotheses.org/2338

Sonnet, Martine, 17 juin 2012, « Aperçus vie de bureau, semaine 24 », Espaces réflexifs [carnet de recherche], consulté le 6 juin 2018. http://reflexivites.hypotheses.org/2365

Sonnet, Martine, 24 juin 2012, « Aperçus vie de bureau, semaine 25 », Espaces réflexifs [carnet de recherche], consulté le 6 juin 2018. http://reflexivites.hypotheses.org/2461

Sonnet, Martine, 29 juin 2012, « Aperçus vie de bureau, semaine 26, prendre congé », Espaces réflexifs [carnet de recherche], consulté le 6 juin 2018. http://reflexivites.hypotheses.org/2516

Crédits photographiques : Toutes les photographies sont de Martine Sonnet – Tous droits réservés

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