Module 3 : Lire des textes de sciences sociales et humaines et organiser ses lectures

8 Construire une fiche de lecture

Sylvette Piga Bahiré et Abdoulaye Anne

Présentation du thème, de l’autrice et de l’auteur du chapitre

Ce chapitre est une brève présentation d’une méthode de réalisation d’une fiche de lecture scientifique. Il propose d’abord une définition et une présentation d’un modèle de fiche de lecture. Il en explicite à la suite les grandes parties et fournit finalement une illustration faite à partir d’une référence bibliographique choisie.

Sylvette Piga Bahiré est doctorante en administration et politique de l’éducation à la Faculté des sciences de l’Éducation à l’Université Laval depuis 2015. Sa thèse porte sur l’appropriation du système Licence-Master-Doctorat (LMD) à l’université professeur Joseph Ki-Zerbo (UJKZ) au Burkina Faso. Elle est secrétaire exécutive de la Communauté de recherche et d’entraide en éducation (CREÉ); membre du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) et du laboratoire pour la Recherche pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales (RPSH) à l’UJKZ.

Abdoulaye Anne est professeur agrégé à l’Université Laval à la Faculté des sciences de l’Éducation où il est directeur du département des fondements et pratiques en éducation. Il est responsable de la Cellule « Analyse des politiques de l’éducation » de la CREÉ et membre du CRIRES.

Réaliser une fiche de lecture scientifique, c’est se donner comme défi de rendre compte d’un écrit (ouvrage, article, rapport) selon des exigences de concision et de précision données. Il est à noter qu’une telle fiche de lecture est généralement d’une longueur d’une ou deux pages, mais sa construction demande beaucoup de temps (Schuler, 2005). L’exercice de rédaction d’une fiche de lecture scientifique repose sur la capacité de de son auteur ou autrice à apprécier une publication scientifique (Fortin & Gagnon, 2010), autrement dit à bien en rendre compte et à en discuter le contenu en le mettant, à l’occasion, en rapport avec d’autres écrits.

La fiche de lecture

Il existe plusieurs modèles de fiche de retour sur une ou des lectures. Pour Tremblay et Perrier (2006), on peut notamment distinguer une fiche de référence, d’une fiche de citation, d’une fiche de résumé, d’une fiche de commentaire, d’une fiche mixte ou d’une fiche de réflexion. Ces auteurs énoncent ainsi que la fiche mixte est établie lorsqu’il n’est pas nécessaire de séparer la partie du résumé de celle des commentaires.

Il n’y a, de ce fait, pas de méthode standard de conception ou de réalisation d’une fiche de lecture (Schuler, 2005). Le modèle de fiche ici proposé comprend trois grandes parties : la première partie fournit des informations générales sur la référence de la fiche, la deuxième partie rend compte du contenu et la troisième partie porte sur les commentaires des auteurs ou autrices de l’écrit.

Première partie : Présentation de la référence

  1. La présentation de la référence comprend :
    1. Les nom-s des auteurs et autrices
    2. Le titre du document et son sous-titre, s’il y a lieu
    3. L’éditeur, le lieu et la date d’édition
    4. Le nombre de pages de l’écrit
    5. La collection à laquelle appartient l’écrit, s’il y a lieu
  2. La localisation du document comprenant la cote (les informations de classement) et l’endroit où on peut trouver un ou des exemplaires de la référence;
  3. Quelques éléments d’informations sur les auteurs et autrices du texte.

Cette partie, dite introductive, donne de plus amples informations sur les auteurs ou autrices de l’écrit (leurs nationalités, leurs universités ou centres de recherche, leurs professions, leurs disciplines, leurs courants de pensée, etc.) ainsi que l’écrit à l’étude (le type de document : une thèse, un article scientifique, des actes de colloques, des rapports, etc.). Elle montre l’importance de l’écrit pour la communauté scientifique. Elle autorise aussi de brefs commentaires sur le titre du document, de la couverture, de la mise en page et de la table des matières.

Deuxième partie : Contenu de la référence

Cette deuxième partie de la fiche de lecture a une fonction analytique. Elle reprend en les reformulant les idées majeures du document, les analyses et arguments des auteurs ou autrices de l’écrit. Dans notre modèle, cette partie comprend :

  1. Le sujet, les mots-clés, le cadre théorique (concepts, postulats, théories), la méthodologie;
  2. Un résumé de la position de l’auteur ou de l’autrice, ses arguments principaux, ses hypothèses, ses idées importantes, ses résultats et sa conclusion;
  3. Des définitions à retenir ainsi que des citations jugées pertinentes et essentielles du texte. Celles-ci doivent être reproduites fidèlement. Elles doivent aussi être placées entre guillemets («») et la page d’où elles ont été tirées doit être bien indiquée.

Troisième partie : Commentaires sur la référence

Cette partie de la fiche de lecture a une fonction synthétique. L’idée principale est qu’une fiche de lecture doit éclairer, commenter et élargir les principales idées du texte. L’auteur ou l’autrice de la fiche de lecture doit alors faire appel à ses propres connaissances et son esprit critique afin de confronter les idées émises par les auteurs ou autrices de l’écrit sans pour autant tomber dans la simplicité. Il s’agit de commenter des points précis ou des thématiques particulières abordées dans l’écrit et qui donnent lieu à des interprétations différentes de celles des auteurs ou autrices; d’interpréter des aspects pertinents pouvant être utiles pour l’auteur ou l’autrice de la fiche de lecture. Ces commentaires établissent des liens avec d’autres écrits ou auteurs et autrices.

La conclusion d’une fiche de lecture établit le bilan et met en perspective les principaux acquis de l’argumentation tout en dégageant la portée du texte.

Exemple de fiche de lecture

Présentation de la référence

  • Éla, Jean-Marc. « Refaire ou ajuster l’université africaine? » in L’offensive des marchés sur l’université : points de vue du sud. Alternatives sud X, no 3 (2004) : 95‑100.
  • L’ouvrage est disponible à la bibliothèque de l’Université Laval au pavillon Jean-Charles-Bonenfant sous la cote HB 21—A5 E300 2006 (cote fictive).
  • Jean-Marc Éla fut un socio-anthropologue camerounais. Né le 27 septembre 1936, il est décédé le 26 décembre 2008. Docteur honoris causa de la Katholieske Universiteit Leuven (1999), il a travaillé pour plusieurs universités au Canada dont l’Université Laval, l’Université de Montréal et l’Université catholique de Louvain (Belgique). Ses centres d’intérêt scientifiques portaient sur la religion, le développement en Afrique, la recherche et l’éducation en Afrique.

Contenu de la référence

Dans l’article qui fait l’objet de la réalisation de cette fiche de lecture, l’auteur reste dans sa ligne générale de pensée et de critique du développement mais en se focalisant sur l’influence de la Banque mondiale sur le développement des universités en Afrique. Face à l’offensive actuelle du marché sur l’enseignement supérieur, l’auteur estime qu’il est urgent de susciter une réflexion endogène sur le type d’université à promouvoir en Afrique noire. En effet, la libéralisation de l’enseignement supérieur et l’apparition d’entrepreneurs privés dont les intérêts sont orientés sur la rentabilité, constituent de réelles menaces pour le développement d’une offre de formation soucieuse de l’avenir de disciplines basées sur les valeurs humaines et sociales; des disciplines pourtant susceptibles de contribuer au développement local. L’université, selon Jean-Marc Éla, doit être un instrument de développement endogène. C’est-à-dire qu’elle doit assurer les besoins de formation et de recherche locaux. Or, en soutenant spécifiquement une offre de formation dont la valeur ajoutée est mesurable et quantifiable, la Banque mondiale crée une discrimination entre les formations, contraignant les États sous-développés à assumer eux-mêmes la responsabilité du financement de la formation et de la recherche dont le contenu ne répond pas aux besoins du marché. Ce qui rend encore peu probable l’avènement d’une université africaine autonome.

Les mots-clés : universités – Afrique noire – Banque mondiale – développement endogène

Commentaires sur la référence

Jean-Marc Éla fait partie des auteurs et autrices africain-e-s qui ont critiqué le modèle de développement importé en Afrique. Ces auteurs et autrices ont dénoncé le caractère exogène et extraverti de l’éducation. Déconnectée de son milieu, l’université en Afrique est depuis longtemps une usine de production de chômeurs et chômeuses (Ki-Zerbo, 2010). D’importants facteurs externes et internes comme la mondialisation, l’influence normative des organisations internationales sur les politiques éducatives nationales (Charlier & Croché, 2012), la faible modernisation des universités sous-tendue par l’absence de financement conséquent, constituent les principaux blocages actuels au développement de l’université africaine.

Les alternatives de sortie de crise et de promotion sont restées inefficaces alors que depuis le début du 21e siècle, la mondialisation de l’enseignement supérieur a pris un tournant important avec l’adaptation au système Licence-Master-Doctorat qui introduit les universités africaines sur le terrain de la compétition internationale. Aussi, l’avenir de l’université africaine semble plus que jamais préoccupant. L’adaptation au LMD dans ce contexte marqué par de multiples crises et dysfonctionnements semble repousser les espoirs d’une université aux couleurs africaines comme l’appelait de ses vœux Joseph Ki-Zerbo. La stratégie des États porte sur la forme de coopération à promouvoir afin d’en faire un modèle approprié (Affa’a et al., 2003) répondant aux valeurs et aux besoins locaux tout en apportant sa part de contribution à la compétition internationale dans la perspective d’une économie bâtie sur le savoir.

Bibliographie

Affa’a, F.-M., Grisé, J., et Verna, G. (2003). La transformation de l’enseignement supérieur camerounais nécessite un accompagnement international, mais sous quelle forme? Université Laval. http://www.fsa.ulaval.ca/sirul/2003-037.pdf

Charlier, J.-É., et Croché, S. (2012). L’influence normative du processus de Bologne sur les universités africaines francophones. Éducation et sociétés, 1(29), 87-102. https://doi.org/10.3917/es.029.0087

Fortin, M.-F., et Gagnon, J. (2010). Fondement et étapes du processus de recherche. Méthodes quantitatives et qualitatives (5e éd). Chenelière Éducation.

Ki-Zerbo, J. (2010). Éducation et développement en Afrique. Cinquante ans de réflexion et d’action. Fondation pour l’Histoire et le développement endogène de l’Afrique.

Schuler, É. (2005). Écrire mieux et plus vite. Studyrama.

Tremblay, R., et Perrier, Y. (2006). Savoir plus : Outils et méthodes de travail intellectuel (2e éd). Chenelière Éducation.

Partagez ce livre