Avant-propos
Victor Dzomo
L’idée de cette publication originale mérite d’être saluée et encouragée, car cet ouvrage comporte une forte valeur symbolique et pédagogique.
Même si ces 53 portraits ne donnent qu’un aperçu d’une communauté africaine grandissante qui contribue de manière singulière au développement de sa ville d’accueil, ils donnent à ce livre-portrait un cachet particulier.
Sur un plan contextuel, l’Afrique est considérée, dans les annuaires statistiques, comme le troisième continent d’origine des immigrants et immigrantes de Québec. Mais contrairement aux autres groupes, les ressortissants africains vivant à Québec, hommes comme femmes, participent faiblement à la vie politique, socioéconomique, et culturelle du pays d’accueil. Ils sont très peu ou pas du tout représentés au parlement fédéral, à l’Assemblée nationale et aux conseils municipaux où les décisions collectives qui les affectent sont prises. Ils interviennent rarement dans les débats publics, même lorsqu’ils sont directement concernés.
Bien que plus scolarisés que la moyenne de la population d’accueil, et présentant une structure d’emploi très semblable à celle de la population en général, ces hommes et ces femmes enregistrent un taux de chômage largement supérieur à celui de la population d’accueil. Or, si la probabilité de connaître le chômage pendant les premières années d’immigration est plus grande, et diminue avec le temps chez les immigrants en général, il en va autrement dans la communauté africaine pour lesquels cette probabilité ne diminue guère. Le chômage a de nombreuses conséquences désastreuses telles que la déstructuration des familles africaines qui, outre le manque de travail et donc de ressources économiques, doivent aussi s’adapter à d’autres codes culturels, ce qui remet en cause parfois la cohésion familiale, suscite une perte d’estime de soi et des problèmes psychologiques, voire psychiatriques.
Attachés à la terre de leurs ancêtres et soucieux du devenir de leur pays d’origine, ils et elles sont venus d’Afrique et se sont établis ici, faisant de Québec un milieu de plus en plus diversifié, s’impliquant dans la société et contribuant à la vitalité de leur milieu. Longtemps considérés comme des « intellectuels de passage », ces Canado-Québécois et Canado-Québécoises donnent le meilleur reflet de ce que l’Afrique représente. La qualité et la diversité de leurs expériences partagées entre leur pays d’origine et leur société d’accueil font d’eux des vecteurs de la diversité culturelle. Ils sont un pont naturel, des médiateurs avisés dont la vision, la réflexion et l’action sont un atout, une force et un levier pour le rapprochement culturel. La société canadienne et québécoise doit pouvoir compter sur leur apport et leur valorisation pour son développement et l’épanouissement de sa population.
Cet ouvrage rend compte de leur parcours, de leurs réalisations, de ce qu’ils et elles sont devenus à force de courage, de résilience, d’abnégation. Il témoigne du riche apport de ces hommes et de ces femmes qui, en s’épanouissant à travers leur savoir-faire et leur savoir-être, apportent une contribution non négligeable au développement du Québec et du Canada.
Ces récits, véritables fragments de vie, apparaissent finalement comme des morceaux de soleil que l’on porte en soi, avec soi, chargés d’espoir, reflets d’une humanité que l’on voudrait voir sourdre, parce qu’elle est encore possible.
Ce recueil historique de témoignages servira sans doute d’ouvrage de référence pour des générations futures de Canado-Québécois et de Canado-Québécoises d’origine africaine. Il souligne leurs luttes au quotidien et la contribution qu’ils apportent à l’enrichissement du Québec et de son histoire. Ces hommes et ces femmes sont partenaires à part entière dans le processus d’édification de la société québécoise et canadienne et dans sa réussite en tant que démocratie prospère et pluraliste.
Et c’est dans cette quête du désir de vivre et devenir ensemble, tout entier placé au carrefour du donner et du recevoir, que le Conseil panafricain de Québec (COPAQ) s’efforce de contribuer à créer des conditions propices permettant à chaque Africain et à chaque Africaine, selon son potentiel, de prendre sa place et de jouer pleinement son rôle de citoyen dans la société d’accueil. Le COPAQ les invite à faire montre de plus d’audace, de créativité et d’innovation afin que, comme le disait si bien George Sand, leur vie soit un poème aussi beau que ceux qu’a rêvés leur intelligence et qu’un jour ils le relisent avec les saintes joies de l’orgueil.
Victor Dzomo
Président, Conseil panafricain de Québec
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