Cameroun

16 Émile Kamdem

Frédérique Dionne

« Nga beu meu ngouon »

« Ich bin ein Weltbuerger »

« I am a world citizen »

« Soy un ciudadano del mundo »

« Je suis un citoyen du monde »

(traduction libre)

Bien que certains s’imaginent que chaque personne en provenance d’Afrique cherche au Québec un havre de paix, ce ne fut pas le cas d’Émile Kamdem. En effet, quand il décida de partir de son pays natal, c’était avant tout pour faire ses études supérieures dans une bonne université. C’est pourquoi, à l’âge de vingt ans, il quitta son Cameroun natal et s’installa d’abord en Allemagne.

Pourquoi partir?

Émile Kamdem est originaire de Baham au Cameroun. La population de cette région se divise en deux catégories : les personnes vivant de l’agriculture et les gens d’affaires. La majeure partie de la population vit du faible revenu généré par l’agriculture. Les jeunes qui tentent de trouver une alternative plus intéressante partent souvent vers la ville. Également, le système éducatif est problématique dans les villages, car il manque de tout (personnel, école, matériel, etc.) et les infrastructures sont désuètes[1]. C’est en quête d’une meilleure éducation que M. Kamdem quitta sa région et même son pays natal.

Sa vie en Allemagne

Se retrouver en Allemagne fut pour Émile un profond changement, car dans ce pays, rien ne ressemblait au Cameroun. Il dut apprendre une nouvelle langue, de nouvelles manières et une nouvelle culture. Les principales difficultés auxquelles il fut confronté à son arrivée en Allemagne furent la pression sociale et le coût de la vie. Effectivement, un deutsche mark (monnaie allemande) valait mille francs CFA (monnaie de son pays d’origine). Par ailleurs, la pression sociale constituait un autre défi qu’il affronta grâce au soutien de son entourage.

Une des raisons qui guida Émile vers ce pays fut la gratuité scolaire que pratique l’Allemagne au niveau universitaire, contrairement à d’autres pays comme le Canada où les frais de scolarité sont beaucoup plus élevés (par exemple, sa sœur paie actuellement 10 000 $ par session). C’est pourquoi, à l’âge de vingt ans, il y commença des études de génie électrique. Une fois son diplôme obtenu, il fut engagé par une entreprise locale pour y développer des logiciels, ce qui, à l’époque, représenta un vrai défi pour lui puisqu’il n’avait pas étudié dans ce domaine. Déterminé à réussir, il se retrouva sept ans plus tard à gérer sa propre équipe de travail, ce qui fit naître en lui une passion pour la gestion.

Il résida en Allemagne pendant une quinzaine d’années avant de venir étudier un an au Québec. Pendant ce séjour, en 2009, il mit sa maison en location. Quand il revint en Allemagne, un an plus tard, il prit la décision de ne pas retourner vivre dans sa maison et se mit alors à la recherche d’un endroit où habiter. C’est de cette situation que lui vint l’idée d’un réseau d’échange de maisons qu’il baptisa SmileKonnects. Ce réseau, qui existe encore aujourd’hui, offre plusieurs services et permet d’échanger. Ce réseau comptait plus d’une centaine de membres en 2011.

Son arrivée au Québec

Le premier pas en sol québécois d’Émile Kamdem eut lieu en 2009, quand il vint faire un MBA en gestion des affaires à l’Université Laval. Il retourna ensuite un an en Allemagne avant de venir s’établir définitivement dans la ville de Québec en 2011, rejoignant par le fait même sa famille qui y résidait depuis 2007.

Dès son arrivée, il fit face à sa première déception. Son diplôme universitaire allemand n’était pas reconnu au Québec. Il dut choisir entre des cours compensatoires ou recommencer ses études. Heureusement, il se fit engager par une entreprise peu de temps après son arrivée afin de gérer une équipe de travailleurs. Selon ses dires, il faut davantage faire valoir ses compétences « pratiques » ou son expérience de travail au Québec qu’ailleurs, puisque la « culture du diplôme » y est moins présente qu’en Afrique ou en Europe, ce qui peut s’avérer déstabilisant pour une personne qui déménage ici. Au Québec, il faut travailler d’arrache-pied pour montrer sa compétence. D’ailleurs, en plus de travailler en tant que gestionnaire, Émile continua à s’occuper de son entreprise d’échange de maison.

Six mois après son arrivée, en 2012, il acheta une maison qu’il baptisa la Halte internationale (www.lahalteinternationale.com). Il y offre différents services, dont l’hébergement, dans le but de permettre les échanges culturels et les échanges de services. Il a baptisé SinergyK (www.sinergyk.com) ce projet fondé sur la cohabitation et la synergie interculturelles qui vise à apporter des solutions pratiques et immédiates aux besoins des nouveaux arrivants nationaux ou internationaux (étudiants, travailleurs temporaires, stagiaires, professionnels) : logement temporaire d’appoint, premier réseau social, mobilier de première nécessité, gardiennage, et autres. SinergyK s’active à mettre en place des solutions communautaires simples dont les nouveaux arrivants peuvent se servir pour apprivoiser leur nouveau milieu. Le site Smilekonnects (www.smilekonnects.net) propose un accès en ligne à toutes ces solutions. Ces projets d’Émile visent tous à améliorer les conditions de vie des nouveaux arrivants et participent ainsi à l’émancipation de la société québécoise en encourageant de manière concrète le vivre-ensemble.

Émile travaille actuellement dans une entreprise internationale de haute technologie basée à St-Nicolas où il gère l’équipe de développement logiciel composée de plus de 20 ingénieurs qu’il doit encadrer chaque jour selon les besoins de la compagnie : planifier, organiser, diriger, contrôler, gérer et faire aboutir les divers projets de la compagnie tout en respectant les attentes internes et des clients. Ce superbe poste de cadre prouve qu’un immigrant africain peut réussir à faire reconnaître ses talents au Québec.

S’adapter aux Québécois?

Durant la rencontre, Émile Kamdem explique qu’il n’a pas eu de difficulté à s’adapter au Québec puisqu’il avait déjà vécu longtemps dans un pays occidental. Étant père de trois enfants, il dit que pour eux, la ville de Québec est un environnement plus qu’adéquat. Une des valeurs qu’il admire chez les Québécois et Québécoises est leur ouverture sur le monde.

Quand on s’adapte et qu’on prend ses marques, on se sent chez soi. Émile se sent chez lui et en sécurité à Québec. S’il est suivi par une voiture de patrouille, il n’a jamais peur de se faire arrêter à cause de la couleur de sa peau, contrairement à d’autres endroits où il aurait pu se sentir plus discriminé. Il estime, bien qu’en précisant que sa démonstration est exagérée, que « si au Québec on n’aime pas les étrangers, en Allemagne c’est multiplié par cent ». Il se décrit comme « blindé » face aux remarques ou aux attitudes racistes. Il mentionne en riant certaines difficultés vécues en Allemagne il y a quelque temps : « Quand tu étais un noir et que tu marchais dans les rues, les gens sortaient et se disaient « est-ce que c’est vrai? » ». Selon lui, bien que l’Allemagne s’ouvre davantage aujourd’hui, il reste quand même qu’au Québec, un immigrant africain se sent beaucoup plus chez lui et en sécurité.

Recommandations

En résumé, l’entretien s’est révélé très inspirant. Émile offre plusieurs conseils aux personnes qui immigrent au Québec. Il considère qu’un effort doit être fait des deux côtés. Comme il le dit si bien : « Je pourrais te donner un plat de nourriture, il faut quand même que tu fasses l’effort de manger ». Les Québécois doivent être ouverts pour bien accueillir les nouveaux arrivants. De leur côté, les immigrants doivent aller vers les gens, initier le premier contact.

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Émile Kamden
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Frédérique Dionne et Émile Kamden

Pour en savoir plus : « Emile Kamdem, Ing. MBA », en ligne à http://manyattanetwork.com/mq-folks/emile-kandem

 

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  1. CVUC-UCCC. (2014). « BAHAM ». En ligne. URL : http://cvuc.cm/national/index.php/fr/carte-communale/region-de-louest/156-association/carte-administrative/ouest/hauts-plateaux/452-baham Consulté le 23 novembre 2016. 

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