République démocratique du Congo

39 Estelle X

Anne-Marie Demers

Estelle a 39 ans et est originaire de la République démocratique du Congo. Installée au Mali avec son mari depuis plusieurs années, elle est de passage quelques mois à Québec pour ses études à l’Université Laval.

Décision de partir vers le Québec

Estelle a fait des études de mathématiques dans son pays, a travaillé dans le domaine de la téléphonie mobile et a étudié en administration des affaires en Angleterre. Récemment, elle a décidé de faire un grand changement de carrière et de recommencer un cursus universitaire, mais dans un tout autre domaine : les sciences sociales et en particulier les études sur les femmes.

Elle décida alors de quitter le Mali pour venir étudier à l’Université Laval à partir de janvier 2016. Pourquoi le Québec plutôt que de retourner en Angleterre? Elle a fait ce choix surtout pour la langue. En effet, elle désirait faire ses études dans une langue qu’elle maîtrise parfaitement. De plus, elle tenait à avoir un diplôme reconnu un peu partout dans le monde pour pouvoir travailler en Afrique.

Elle s’inscrivit donc à un microprogramme de deuxième cycle en études du genre qui se donnait à temps partiel. Comme, en tant qu’étudiante étrangère, elle était obligée d’être inscrite à temps plein, elle décida de faire en même temps une maîtrise en sociologie plutôt que de prendre n’importe quel cours pour compléter son horaire. Elle envisage de terminer ses deux programmes à l’été 2017 pour retourner au Mali par la suite.

Premiers moments au Québec

Estelle n’a pas trouvé particulièrement difficile son arrivée au Québec. Une anecdote illustre toutefois certaines adaptations qu’elle a dû faire très rapidement… Le jour de son arrivée, épuisée par le voyage, elle s’endormit dans l’autobus Montréal-Québec. En se réveillant, elle fut bien surprise de la noirceur qui s’était emparée du ciel de Québec. Sa montre affichant 17 h, elle crut s’être trompée en la réglant. Vu la noirceur, il ne pouvait pas être seulement 17 h! Elle commença donc à s’inquiéter. Elle pensa qu’elle avait passé son arrêt et qu’elle se retrouverait dans un petit coin perdu du Québec. Elle eut également la crainte que le concierge de son immeuble l’oublie et de se retrouver sans logis pour sa première nuit au Québec. Après s’être informée auprès de ses voisins de banc, elle se rendit compte qu’il était tout à fait normal que le soleil se couche si tôt l’hiver au Québec…

Étant arrivée au Québec au mois de janvier, Estelle dut s’adapter rapidement au climat. Avant de quitter le Mali, elle avait beaucoup lu sur le Québec et l’hiver québécois, notamment des conseils sur l’habillement dans des forums sur Internet. Elle savait donc un peu à quoi s’attendre. Par contre, ses pieds n’étaient pas complètement prêts à affronter le froid hivernal. Lorsqu’elle sortait de ses cours à 21 h 30 et qu’elle attendait l’autobus, ses pieds gelaient à en faire mal. Elle ne comprenait pas pourquoi tous les autres autour d’elle semblaient très confortables alors qu’ils portaient le même genre de bottes qu’elle. Elle chercha donc sur Internet, croyant qu’il y avait forcément un truc. Elle se rendit finalement compte que l’achat de semelles règlerait son problème! Elle fut surprise par les coûts reliés aux vêtements d’hiver. Vu le froid ressenti au Québec, les habits de neige ne sont pas un luxe, mais bien un besoin.

Malgré le climat, les premiers moments d’Estelle ont été facilités par un jumelage avec une étudiante de l’Université Laval. Celle-ci l’a aidée à comprendre la culture québécoise et à appréhender certaines différences. « Mais ils sont bizarres, ces Québécois », se disait-elle avant de bien comprendre certains aspects. Par exemple, la faible pratique de la religion est quelque chose qui l’a étonnée. Peu de personnes pratiquent la religion au Québec, tandis qu’au Congo, c’est mal vu de ne pas aller à l’église le dimanche matin.

Sa perception de la société québécoise

Estelle trouve que le Québec est une société individualiste et très bureaucratisée, même si les Québécois sont très accueillants. Elle déplore les grandes difficultés des immigrants et immigrantes à faire reconnaître leur expérience acquise ou leur diplômes obtenus à l’extérieur du Québec.

La vie ne semble commencer qu’à l’arrivée au Québec. En d’autres mots, ce que vous avez vécu avant votre arrivée au Québec n’est pas reconnu. C’est donc faire un pas en arrière, car les emplois antérieurs ne sont pas nécessairement reconnus.

À propos du système de santé québécois, Estelle remarque que, malgré sa gratuité, le service n’est pas très efficace et qu’il est dommage d’attendre longtemps pour des soins à l’urgence.

La perception des Québécois face à l’Afrique

Depuis son arrivée au Québec, Estelle a reçu quelques propos racistes d’un concierge et d’un voiturier. Elle dit que ce n’était pas des propos racistes directs, mais qu’elle pouvait sentir le rejet dans le ton. En France, les racistes sont beaucoup plus directs et ne se cachent pas pour dire ce qu’ils pensent.

Estelle a également remarqué qu’elle est souvent considérée par les Québécois comme une personne qui a un problème. On lui demande toujours si « c’est correct pour elle », si  « elle pourra trouver l’endroit de leur rencontre », si elle a besoin de meubles ou de quoi que ce soit.

Ce sont de bonnes intentions, mais je trouve cela un peu infantilisant.

Recommandations pour les nouveaux arrivants

Les immigrants n’ont pas tous la même réalité et ne forment pas une population homogène. Au Congo, il y a de nombreuses régions qui vivent des situations bien différentes. Dans une de ces régions, il y a une guerre. Mais elle se passe à plus de 2 000 km de la capitale, Kinshasa. « Ainsi, si tu habites la capitale, tu n’auras vécu la guerre qu’à la télévision, tu ne seras pas autant marqué que quelqu’un qui vit quotidiennement la réalité de la guerre ». El pourtant, ce sont tous des Congolais. Cette diversité fait en sorte que ce n’est pas parce qu’elle est congolaise qu’elle s’entendra bien avec tous les Congolais qui vivent à Québec. Les gens n’arrivent pas tous au Québec pour les mêmes raisons. La même formule ne peut donc pas être utilisée pour tout le monde.

Kinshasa. Source : http://img.over-blog-kiwi.com

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