Cameroun

15 Victor Dzomo

Anne-Renée Turcotte

Originaire du Cameroun, Victor Dzomo est arrivé d’abord seul au Canada, plus précisément à Québec, le 26 août 1989, une date fétiche pour la famille. En effet, cette date marque son entrée au Canada, mais également, l’anniversaire de sa première fille, Ornella-Wendy. « C’était une très belle journée de fin d’été, le ciel était tout bleu, j’en étais très impressionné », dit-il, parlant de son atterrissage sur les terres montréalaises.  À la base, il était venu au Québec pour poursuivre ses études doctorales.

Arrivée au Québec

La première difficulté rencontrée par Victor Dzomo a été la monnaie. En effet, puisque la monnaie au Cameroun est le franc, il devait toujours faire la conversion en dollar canadien. De plus, au Cameroun, la taxe est déjà comprise dans le prix final. Il lui a été difficile de comprendre que le prix qu’on lui demandait de payer pour un article n’était pas le prix indiqué sur l’étiquette! L’achat était toujours un peu plus dispendieux que ce qu’il pensait. Ainsi, la première fois qu’il a fait des courses a été un moment important de son apprentissage de la vie québécoise.

Il a ensuite vécu pendant un an dans une chambre en résidence universitaire, avant l’arrivée de sa femme et de son fils, âgé de deux ans à l’époque. En effet, il était alors habituel que le mari arrive le premier dans le pays afin de s’acclimater et de faciliter l’arrivée de sa femme, le cas échéant. À la fin de sa première année à l’Université Laval, Victor Dzomo troqua sa petite chambre en résidence universitaire pour un appartement sur le boulevard Nelson, à Sainte-Foy.

Pour ce qui est de la langue, il s’estime chanceux. Non seulement l’une des langues officielles du Cameroun est le français, mais ses professeurs de l’Université Laval avaient, pour la plupart, effectué leurs études en France. Il a mieux compris leur français que le parler québécois avec ses expressions typiques pas toujours faciles à comprendre.

Premiers contacts avec les Québécois

Arrivé au Québec un samedi pour une rentrée universitaire qui débutait le lundi suivant, les premiers contacts de Victor Dzomo avec les Québécois ont été évidemment les étudiants du campus. Il garde un merveilleux souvenir de son premier ami québécois, Réjean Roy : « Il était vraiment sympathique. C’est lui qui est venu vers moi, le premier. Très accueillant. Il me posait plein de questions », ce qui était différent de ce qu’il avait vécu à Paris, par exemple. En général, il a trouvé les Québécois bien sympathiques, chaleureux et ouverts d’esprit, ce qui a par la suite grandement facilité son intégration dans la société québécoise.

Ce qui est marquant dans la culture québécoise, c’est que les gens sont curieux, tandis que dans la culture camerounaise, les gens ont tendance à être plus discrets, plus réservés. Par exemple, ils se retiendraient un peu de demander son âge à une personne ou de parler de sujets personnels s’ils ne sont pas assez familiers, alors que ça ne dérange pas les Québécois.

Selon Victor Dzomo, la société québécoise est un peuple très peu complexé qui va vers les autres. Les Québécois sont, selon lui, admirables. D’ailleurs, il trouve extraordinaire le fait que la jeunesse québécoise accumule une expérience de travail non négligeable durant le parcours scolaire et non à la toute fin des études comme au Cameroun.

Pourquoi Québec, Canada?

La raison pour laquelle Victor avait choisi le Canada est simple. Tout d’abord, il était juriste de formation. Il souhaitait poursuivre ses études doctorales en science politique en Amérique du Nord où l’approche sociologique était privilégiée. À l’époque, en Europe occidentale tout comme dans les universités africaines, les études en science politique s’inclinaient sous le prisme juridiciste traditionnel, ce qui ne l’intéressait pas beaucoup. De plus, l’Université Laval avait conclu une entente de réciprocité avec l’Université de Yaoundé en ce qui concernait les équivalences de diplômes et leur reconnaissance. Ces trois raisons ont pesé dans la balance du couple au moment de décider de s’établir au Canada. Par ailleurs, le fait qu’un de ses cousins vivait déjà à Trois-Rivières a joué en faveur du choix du Québec et non d’une autre province canadienne. 

Des parents d’exception

Les Dzomo ont eu le privilège d’être exposés très tôt à divers peuples et à différentes cultures, ce qui les a prédisposés à l’ouverture, au rapprochement culturel et à la diversité culturelle. C’est ainsi qu’ils ont établi une politique de la « porte ouverte » quant à l’éducation de leurs enfants. En ce sens, ils ont toujours été très accueillants concernant les amis de leur progéniture et leurs parents. De plus, les Dzomo sont une famille de sportifs, maman ayant évolué jusqu’au niveau universitaire en hand-ball et le papa au basket-ball. C’est tout naturellement qu’ils ont transmis leur passion à leurs trois enfants : soccer, basket-ball ou football universitaire – dans lequel leur fils a excellé – ainsi que le rugby – pour les filles Dzomo. Ces épreuves sportives, en plus de leur permettre de performer dans leurs études, leur ont également permis de développer de solides liens d’amitié avec leurs coéquipiers et leurs camarades de classe. De plus, le couple a toujours eu l’habitude de s’intéresser aux amis de leurs enfants, ainsi qu’aux parents de ceux-ci. Ils aiment recevoir et ça se ressent.

La perception des Québécois face à l’Afrique

Dans certains cas, les Québécois désignent l’Afrique comme un continent. Mais pour bien des gens, l’Afrique est, à tort, considérée comme un pays. Victor Dzomo dit bien comprendre cette ambivalence, car bien malheureusement, la perception des Québécois de l’Afrique est biaisée par les médias. En fait, ce qu’on connaît généralement de l’Afrique tel que véhiculé par « Vision mondiale », par exemple, ce sont ces images affligeantes de catastrophes naturelles, de tragédies humaines portées par des peuples miséreux d’hommes, de femmes et d’enfants faméliques, les ravages du sida, de la malaria, du virus Ebola, des guerres ou des insurrections armées. Ce sont ces images qui influencent et forgent l’opinion publique occidentale face à ce continent.

Il existe pourtant une autre image de l’Afrique, celle d’une Afrique heureuse, mais c’est rarement cette image qu’on verra dans les médias occidentaux. Il y a des choses qui se font en Afrique qui méritent d’être connues. Quand les médias ne font pas honnêtement leur travail, ce que la population québécoise voit de ces pays, surtout celle-là qui n’a pas traversé les frontières nationales et dont la connaissance des pays africains se limite à ce que leur montrent les médias, c’est malheureusement cela, l’Afrique.

Cette image réduit la culture africaine à la pauvreté, à la misère et aux tragédies, une image chargée négativement, alors que bien souvent, ce n’est pas du tout le cas.

Des recommandations pour les nouveaux arrivés

Victor Dzomo conseille à toute personne arrivant au Canada de garder l’esprit ouvert. En effet, ayant souvent milité pour la cause des étudiants étrangers, il mentionne que l’Université a mis en place des structures susceptibles de faciliter l’accueil des étudiants immigrants. Cependant, pour que celles-ci fonctionnement de manière optimale, un maillage d’ententes et de partenariats avec les associations d’étudiants étrangers sur le campus et leurs associations nationales hors campus devrait s’établir, car ces dernières connaissent mieux les réalités des étudiants étrangers, peuvent servir de pont pour leur réussite académique et favoriser une meilleure intégration sociale. Les étudiants étrangers auraient ainsi des repères solides dès leur arrivée et ne seraient pas laissés à eux-mêmes.

Aujourd’hui

À l’heure actuelle, Victor Dzomo est le président du Conseil panafricain de Québec. Confédération des associations nationales africaines affiliées et d’organismes évoluant auprès des communautés africaines de Québec, le Conseil panafricain de Québec (COPAQ) est une corporation à but non lucratif et non partisan créée en janvier 2015. Sa mission est de réaliser une plus grande unité et solidarité entre les associations et communautés africaines de Québec dans le but de mieux représenter leurs membres, promouvoir leurs expertises, afin que chacun, selon son potentiel, puisse prendre sa place et jouer pleinement son rôle de citoyen dans la société d’accueil.

Sur le plan professionnel, après l’obtention de son doctorat, Victor Dzomo a été d’abord chargé de recherche en politiques publiques à l’Université Laval avant d’occuper le poste de conseiller en relations internationales du Directeur général des élections, puis de conseiller en affaires internationales et de conseiller en politiques de culture et des communications au ministère de la Culture et des Communications.

Côté familial, leur fils Olivier-Edgar, après avoir été très actif dans le milieu de basket-ball et du soccer à Québec, a quitté la ville de Québec après ses études collégiales pour joindre les rangs de l’équipe de football des Carabins de l’Université de Montréal, tout en poursuivant ses études aux HEC. Il occupe présentement un emploi dans le domaine du marketing et des ventes à Montréal. Leur fille aînée, Ornella-Wendy, a décidé de suivre la voie paternelle en décrochant brillamment un double baccalauréat à l’Université d’Ottawa en Droit et en Développement international et mondialisation; après l’école du Barreau, elle poursuit le programme de Juris Doctor. Quant à leur fille cadette, Arlène-Audrey, elle a opté pour la faculté de médecine de l’Université Laval où elle poursuit actuellement ses études en kinésiologie, option ergonomie.

Leur grande famille demeure au Cameroun, où ils vont régulièrement en visite resserrer les liens familiaux toujours très forts. Tout est toujours bien organisé et planifié par la famille pour les accueillir et rendre leur séjour des plus agréables. D’ailleurs, ils communiquent régulièrement avec les membres de leur famille grâce aux merveilles de la téléphonie IP, ce qui resserre davantage leurs liens.

Un message pour les Québécois inquiets de l’arrivée des Africains au pays

Le président du COPAQ affirme qu’il faut abattre les préjugés. Il avoue tout de même que le discours des médias sur les accommodements raisonnables est de nature à susciter un sentiment d’insécurité chez les Québécois. Cependant, il insiste tout de même sur le fait qu’il faut aller à la rencontre de l’autre, le comprendre et partager ce que l’on est, toujours avec cette constante ouverture d’esprit. Le tout, dans l’optique de réaliser notre désir profond de vivre ensemble, conclut-il.

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Alexandra Pérez, Marianne Lamère, Victor Dzomo et Anne-Renée Turcotte
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La famille Dzomo

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Québec africaine Copyright © 2017 by Anne-Renée Turcotte is licensed under a License Creative Commons Attribution - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, except where otherwise noted.

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