Rwanda

41 Odette Kamanzi

Geneviève Blanchet-Émond

Originaire du Rwanda, Odette et sa famille ont dû quitter d’urgence leur pays lors du génocide en 1994. C’est comme réfugiés qu’ils arrivèrent au Québec, non par choix, mais ce fut un heureux événement et ils construisirent tranquillement leur bonheur ici.

Un départ mouvementé du Rwanda

Le 7 avril 1994, l’un des pires carnages de l’histoire de l’humanité débuta en Afrique de l’Est : le génocide des Tutsis du Rwanda en 1994. Cette guerre civile opposant le gouvernement rwandais hutu au Front patriotique rwandais tutsi dura trois mois et causa la mort de 800 000 Rwandais. C’est dans cette atmosphère d’urgence et d’insécurité qu’Odette Kamanzi, son conjoint et leurs deux jeunes enfants décidèrent de quitter leur pays natal pour se réfugier ailleurs. Ils ont d’abord été transférés à Nairobi (Kenya). Puisque des membres de leur famille se trouvaient déjà en Belgique, ils croyaient qu’ils iraient les rejoindre dans ce pays d’Europe, mais ils furent finalement redirigés vers le Canada, plus précisément au Québec.

Arrivée au Québec

Arrivant dénués de repères culturels ou sociaux, ils ont dû repartir à zéro et se construire une nouvelle vie, loin de leurs racines rwandaises. Comme ils parlaient français et qu’ils avaient déjà résidé à une certaine époque en Belgique, la recherche d’aide financière et d’autres ressources en fut facilitée.

Pour moi, l’intégration fut vraiment facile. Puis, on avait l’ouverture d’esprit aussi. Ce n’était pas la première fois que l’on rentrait dans le pays des blancs. Si aujourd’hui quelqu’un me pose la question sur la différence entre l’intégration québécoise et celle en Belgique, je répondrais que je me suis intégrée plus rapidement à Québec, et plus facilement.

Aux dires d’Odette, les Québécois sont tolérants et ont une facilité d’approche qu’on ne retrouve pas ailleurs. Ces caractéristiques font partie de la culture québécoise et elles ont grandement simplifié l’arrivée d’Odette et de sa famille.

Les ressources qui l’ont accompagnée

Les programmes d’accueil gouvernementaux pour les immigrants et les réfugiés furent également d’une aide incommensurable pour Odette et sa petite famille. Ils leur ont permis de trouver un logement et de la nourriture lorsqu’ils en en avaient besoin. Aussi, les sœurs de l’Église de Sainte-Foy, située à proximité du premier logement que la famille habita, ont grandement contribué à son intégration. Chaque dimanche soir, les sœurs encourageaient la famille à venir se recueillir et se ressourcer. « C’est eux qui m’ont offert ma première vaisselle! », se souvient Odette en souriant. Elle et sa famille ont rapidement participé aux activités organisées par l’Église. Puis, dès leur maturité acquise, les enfants d’Odette ont commencé à servir la messe lors des cérémonies du dimanche.

Les épreuves de son intégration

Le sentiment de solitude fut sans doute l’épreuve la plus difficile qu’Odette vécut à son arrivée en sol québécois :

Je n’avais pas quelqu’un avec qui je pouvais partager mes sentiments. Même si les Québécois venaient nous voir et nous accueillir, c’est comme s’il y avait une partie de l’histoire qu’on ne pouvait pas discuter avec eux.

Compte tenu de la situation d’urgence dans laquelle elle avait quitté son pays natal, une certaine barrière s’insérait entre Odette et ses proches québécois, par incompréhension du climat de guerre qu’elle avait vécu au Rwanda.

Aussi, les disparités entre les valeurs culturelles québécoises et rwandaises ne furent pas de tout repos pour Odette et son conjoint. En guise d’exemple, Odette mentionne : « Chez nous, lorsqu’on parle avec une grande personne, on ne regarde pas son visage, sans quoi c’est un manque de respect! Alors qu’ici, si tu ne le regardes pas les yeux de la personne à qui tu parles, c’est comme si tu lui manquais de respect ». Ces valeurs rwandaises, Odette les a encore bien à cœur, même après toutes ces années vécues au Canada. Ce sont ses racines, ses sources. Elle a tenu à les inculquer à ses enfants qui, en raison de leur jeune âge lors de leur arrivée au Québec, n’ont pratiquement aucun souvenir de la vie au Rwanda.

Le choix d’offrir une seconde vie à ses semblables

Quelques années après s’être établis ici, Odette et son conjoint prirent la décision de retourner au Rwanda et d’adopter trois enfants. Les parents de ces enfants, hébergés en orphelinat, étaient décédés dans la foulée du génocide. Odette souhaitait leur donner une seconde chance, une seconde famille dans laquelle ils allaient recevoir amour et réconfort. Après plusieurs démarches, les demandes d’adoption furent acceptées. Âgée de 23 ans, Odette devenait mère de cinq enfants! « Chaque jour, je priais pour qu’ils se sentent comme des frères et sœurs, ensemble, sous notre toit », m’avoua-t-elle. Ses prières ont été entendues puisqu’aujourd’hui, ses cinq enfants s’entendent à merveille!

Des liens tissés serrés avec ses frères et sœurs

Après les événements tragiques de 1994 au Rwanda, les frères et sœurs d’Odette ont été dispersés aux quatre coins de la planète. À ce jour, quelques-uns vivent aux États-Unis, certains en Belgique, tandis que d’autres sont demeurés au Rwanda. Malgré les kilomètres qui les séparent, ils sont toujours demeurés en contact. Tous les deux ans, ils se réunissent au Rwanda ou en Belgique pour partager de bons moments en famille. « C’est facile pour ceux qui vivent en Belgique de venir au Canada, mais pas pour ceux au Rwanda. Ils n’obtiennent pas aisément un visa » explique Odette.

Une histoire qui finit bien!

Finalement, 22 ans plus tard, Odette affirme s’être pleinement intégrée à la culture québécoise. Elle et son conjoint ont bâti leur vie ici, ils ont cultivé un cercle d’amis, ils ont poursuivi leurs études, leurs enfants se sont intégrés à leur environnement. Elle m’avoue même se « sentir davantage québécoise que rwandaise » aujourd’hui. Malgré tout, retourner au Rwanda demeure dans ses projets. Ce sont ses racines qui s’y trouvent. D’ailleurs, Odette poursuit présentement des études de doctorat à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Animée par les valeurs d’entraide et de solidarité, elle aspire à décrocher un emploi à l’international qui lui permettra peut-être de venir en aide à son pays natal.

En terminant l’entrevue, j’ai demandé à Odette si elle était heureuse ici, aujourd’hui. Sans aucune hésitation, elle m’a répondu tout sourire : « Très heureuse! » Voilà une histoire qui finit bien!

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Odette Kamenzi

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