Bénin
4 Toundé X
Vincent Dupont
Née au Bénin, Toundé (pseudonyme) s’est installée au Québec au milieu des années 1990. Elle vit maintenant une vie harmonieuse avec son mari québécois, ses filles de 12 et 17 ans et ses amis. Elle est heureuse dans son emploi, malgré un retour obligé sur les bancs d’école pour faire reconnaître son expertise scientifique.
S’installer au Québec
Toundé est originaire de Cotonou, au Bénin, la capitale économique du pays et également sa plus grande ville. Elle s’est installée au Québec au milieu des années 1990 en ayant une image bien précise du Canada. En fait, comme pour beaucoup de gens de son pays d’origine, s’installer au Canada était un rêve. Pour Toundé, le Québec, c’était un grand pays, un pays où tout le monde, peu importe le sexe ou l’ethnie, jouit d’une grande liberté et où il fait bon vivre dans la sécurité et la paix. Bref, un endroit « où tout le monde a le droit de parler ». Ayant déjà vécu dans d’autres villes, elle a découvert l’endroit et eut l’idée de s’y installer après son passage à l’Université Laval. D’autres éléments, tels que les services de santé offerts gratuitement, la langue et le goût de découvrir autre chose, c’est-à-dire l’aventure, ont aussi fait en sorte qu’elle décida d’emménager au Canada et, plus précisément, au Québec. Bien sûr, cette vision un peu utopique du pays subit le test de la réalité…
Son arrivée au Québec
Toundé travaille dans le domaine de la santé. En arrivant au Québec en 1995, elle avait l’intention de pratiquer sa profession et d’ouvrir sa propre officine. En effet, avant son départ vers le Canada, on lui avait indiqué qu’avec un diplôme, elle pourrait facilement trouver du travail, puisqu’elle était formée dans le domaine scientifique. Hélas, elle s’aperçut rapidement que la réalité était bien différente de ce qu’on lui avait dit. En effet, dès son arrivée, on lui indiqua que sa formation n’était pas valide au Québec et qu’elle devait retourner aux études si elle souhaitait pratiquer sa passion, son métier. Bien évidemment déçue, mais courageuse, Toundé décida alors de faire une maîtrise en microbiologie moléculaire et cellulaire, tout en gardant l’intention de retourner un jour travailler en pharmacie.
Malgré tout cet acharnement et ses nombreuses années d’études, elle a quand même eu beaucoup de difficulté à trouver un emploi dans son domaine. Elle a eu sa période de découragement, se demandant que faire, si elle allait « devoir vendre du ketchup » – parce qu’elle faisait du bon ketchup maison – ou accepter cet emploi non qualifié même si elle était bien plus formée que la moyenne des gens. En fait, bien que hautement qualifiée et spécialisée dans un domaine, les employeurs étaient clairement réticents à lui donner sa chance, à lui offrir enfin l’emploi qui lui revenait logiquement depuis son arrivée au pays. Puis, un beau jour, elle rencontra des gens admirables qui lui ont donné sa chance et Toundé a pu recommencer à pratiquer en tant que pharmacienne.
Toundé fut bien accompagnée durant sa maîtrise par l’équipe de recherche de l’Université Laval dans laquelle elle travaillait. On lui a fourni tout ce dont elle manquait et avait besoin, et ce, dès son arrivée. Par contre, ce fut plus difficile lors de son intégration dans la société. Tout allait bien pour elle au travail, avec ses collègues, mais en dehors, c’était différent.
Plus précisément, Toundé m’a fait part de situations désagréables auxquelles elle a dû faire face. En effet, dès son arrivée dans la ville de Québec, elle s’aperçut qu’il existait une certaine forme de gêne chez les gens à aller vers elle. On peut aussi parler d’une peur de l’inconnu. Cette peur, bien que différente de gestes de racisme purs et durs, était vraisemblablement une attitude dérivée de ce fléau de société. De la même façon, on l’a souvent catégorisée par rapport aux autres en raison de ses origines. Elle m’a fait part d’une expérience très désagréable qui s’est produite lors d’un stage au CHUL de Québec. Toundé était dans la salle en train de manger quand on lui a demandé ce qu’elle « faisait là, si elle était là pour ramasser le sol ou quelque chose de ce genre ». Cet exemple montre très bien en quoi la société a encore à évoluer par rapport aux différences culturelles. Bien que l’individu en question n’avait sûrement pas d’idée mesquine en tête, il a quand même involontairement fait mal à Toundé. De la même manière, ses propres enfants ayant la peau très pâle puisque le papa est québécois, Toundé s’est déjà fait arrêter dans la rue alors qu’elle marchait avec eux pour se faire demander si elle était leur gardienne et si elle était intéressée par un autre emploi en tant que nounou. « C’était quelque chose » et « ce n’était pas évident » sont les mots qu’elle emploie aujourd’hui pour décrire ces anecdotes au goût amer.
Sa vie québécoise
S’habituer à certains aspects qu’implique le fait de vivre au Québec peut parfois être difficile pour les immigrants. Que ce soit par rapport à la langue, au climat ou aux activités typiques qui sont pratiquées, le tout peut devenir un véritable choc pour les gens lorsqu’ils arrivent dans notre pays. Toundé connaissait déjà bien le mode de vie nord-américain. Puisque sa langue naturelle est le français, elle n’a eu aucune difficulté à s’habituer aux façons de communiquer des Québécois. Mis à part quelques exceptions, elle n’a pas eu de misère à se faire comprendre et à bien communiquer avec les gens.
Par contre, il lui a été plutôt difficile de faire face au climat glacial et aux activités qui y sont liées. Il faut comprendre que le froid auquel nous sommes tous confrontés durant l’hiver peut être un véritable choc chez quelqu’un qui est habitué à des températures beaucoup plus chaudes. De plus, les activités et loisirs disponibles et facilement accessibles durant cette période de l’année étaient complètement nouveaux pour Toundé. Elle a d’ailleurs raconté une mésaventure qui lui est arrivée lors de sa première sortie en patin, mésaventure qui l’a même conduite jusqu’à l’hôpital. Malgré tout, elle garde un souvenir plutôt comique de cet accident.
D’un point de vue positif
D’abord, il faut spécifier que Toundé ne s’est jamais considérée comme différente. Elle a toujours gardé en tête que « personne n’était meilleur qu’elle ». Elle a toujours pensé « que tout le monde a ses qualités et ses défauts et qu’il faut essayer de s’entendre ». Cet état d’esprit a certainement facilité son intégration dans la société québécoise. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Certains ne veulent pas aller vers les autres et c’est dommage, parce que ça ne facilite pas l’intégration.
Ce que Toundé apprécie le plus du Québec, c’est vraiment l’aspect de liberté qui existe chez nous. Elle m’a raconté plusieurs expériences qu’elle aimait comparer à d’autres qu’elle a vécues lors de son séjour dans d’autres villes. La liberté qui règne au Québec a même semblé l’impressionner et, bien sûr, la faire sentir bien et au bon endroit. Elle vit maintenant une vie harmonieuse avec son mari québécois, ses filles de 12 et 17 ans, ses amis et son emploi et semble bien heureuse de ce qu’elle est devenue grâce à ses expériences.
De plus, elle semble avoir grand espoir en notre génération. Bien qu’il y ait des exceptions, la majorité des jeunes qu’elle a rencontrés dans les dernières années lui ont inspiré un vent de fraîcheur face à certains sujets tabous comme le racisme. Elle semble voir de beaux jours pour le Québec devant elle. Le fait que les problèmes concernant le multiculturalisme soient mis de l’avant plus facilement et plus souvent qu’auparavant semble aussi la réjouir. Toundé croit en fait qu’il faut en parler, qu’on doit parler de ces problèmes si on veut les régler.
Ses recommandations
Comme il a été dit plus haut, Toundé croit dur comme fer qu’il faut parler du racisme pour l’éliminer. Elle pense que bien que la situation s’améliore, il faut encore mettre beaucoup d’efforts pour développer l’ouverture d’esprit des gens et provoquer une discussion forte et pertinente. Sa recommandation principale concerne l’image qu’on peint du Québec et du Canada aux gens qui s’engagent dans une démarche d’immigration. Elle a eu beaucoup de difficulté à se trouver un emploi, et ce, même si on lui avait fait miroiter le contraire. Bref, Toundé croit qu’il faut vraiment dire la vérité aux gens avant qu’ils n’arrivent au pays, et ce, afin d’éviter les déceptions et les périodes creuses. Elle veut qu’on spécifie clairement que les gens d’ici sont catholiques et que les autres religions doivent s’adapter à notre mode de vie. En fait, elle semble ne pas être d’accord avec ceux qui se présentent ici en voulant imposer leurs convictions et leurs habitudes de vie.
Au final, Toundé « croit que l’immigration est une richesse et qu’on doit se parler, ne pas s’étiqueter et donner une chance à tout le monde, sans exception ». Son message aux Québécois est clair : « il faut s’ouvrir à la différence et explorer cette différence, car nous en sortirons tous plus forts ».
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