Cameroun

19 Thomas Hervé Mboa Nkoudou

Marie-Pier Vallières

Être Africain ce n’est pas une question de couleur de la peau, c’est une façon d’être.

Thomas Hervé Mboa Nkoudou a grandi au Cameroun, plus précisément dans un petit village de la région du centre, proche de la capitale politique, Yaoundé. Au lycée, Thomas se spécialisa en mathématiques et en biologie, puis il continua ses études à l’Université de Yaoundé en biochimie. Il obtint aussi un diplôme en enseignement secondaire à l’École normale supérieure de Yaoundé. En plus de ses études, Thomas fonda une école primaire et une école maternelle dans son village qui en était dépourvu. Il a pu ainsi scolariser plus de 250 élèves! Il a d’ailleurs l’ambition de fonder d’autres écoles au Cameroun, du niveau primaire jusqu’au niveau universitaire. Après ses études, Thomas enseigna brièvement, puis occupa un poste de fonctionnaire au ministère de l’Enseignement secondaire du Cameroun.

Il vivait une vie paisible entouré de sa femme et de ses quatre enfants lorsque, voulant continuer ses apprentissages au plan intellectuel, il s’inscrivit à une maîtrise offerte par l’Université Laval en sciences de l’éducation délocalisée au Cameroun, ce qui signifie que tous les cours se donnaient à Yaoundé. En 2015, peu après l’obtention de son diplôme, Thomas fit la rencontre virtuelle, sur le web, de Florence Piron, professeure-chercheuse de l’Université Laval qui travaillait alors sur un projet collaboratif en Afrique francophone subsaharienne (le projet SOHA). Florence ou, comme il aimait l’appeler, la « dame en ligne » a été impressionnée par le dynamisme de Thomas et son niveau avancé de connaissance de certains concepts. Thomas et Florence travaillèrent ensemble un bon moment par le biais d’Internet avant que Thomas quitte le Cameroun. En effet, très satisfaite du travail de son collaborateur et voyant tout son potentiel, Florence lui proposa de faire un doctorat sous sa direction au Département de communication et d’information de l’Université Laval. Après d’importants préparatifs, notamment l’obtention du visa qui, au Cameroun ou en Afrique, est « un véritable combat qui fait de nombreux perdants », Thomas put partir pour le Québec.

De l’Afrique au sol canadien

C’est donc en septembre 2015 que Thomas Hervé Mboa Nkoudou dit au revoir à sa famille et quitta pour la première fois sa terre natale pour venir au Québec en tant qu’étudiant étranger inscrit au doctorat. Le Canada l’attirait depuis longtemps puisque le pays « offre beaucoup d’opportunités pour les intellectuels, beaucoup d’opportunités de s’affirmer, de travailler. Au Cameroun, il n’y a pas les infrastructures et le bien-être que je retrouve ici, mais il y a d’autres choses telle que la familiarité. Je suis très ancré dans les valeurs africaines et je ne retrouve pas ça ici! ».

Pour Thomas, il est impossible de penser ne pas retourner au Cameroun puisqu’il a beaucoup d’attaches là-bas, dont sa famille, mais également sa grande famille, son village, l’école qu’il a mise sur pied. Quitter le Cameroun voudrait dire abandonner ce projet formidable qu’il chérit, de même que la possibilité de fonder d’autres écoles. Il pense beaucoup plus à l’entre-deux : venir chercher au Québec des connaissances et des expériences et retourner les partager au Cameroun pour en faire profiter sa communauté.

Choc culturel

Lors de ses premiers contacts avec la population québécoise, les éléments qui l’ont le plus marqué sont le rapport aux aînés et le rapport à l’autre. Ce sont deux éléments très importants pour lui. La façon dont les enfants parlent à leurs parents ici au Québec l’a choqué. Ce n’est pas quelque chose qui serait acceptable chez lui.

Au Cameroun, il y a un grand respect pour les parents, mais également pour les aînés. Jamais les enfants n’appelleraient leur parent par leur prénom ou encore oseraient répliquer. Il existe une distance entre les enfants et les parents. À ce sujet, l’éducation est très différente.

Il serait difficile pour Thomas de penser emmener ses enfants au Canada ou au Québec, car il craint qu’ils perdent ces valeurs.

Il a aussi été marqué par l’individualisme dans les transports en commun, notamment. Tout le monde porte des écouteurs et personne ne se parle. Il raconte que chez lui, quand on entre dans le bus, on dit bonjour : « Pas besoin de se connaître pour se parler ». Cela fut un choc culturel lorsqu’à Québec, il entra dans le bus en disant bonjour à tout le monde, mais que personne ne lui répondit. Il se demandait ce qui n’allait pas. Il s’est vite rendu compte qu’au Québec, si les gens ne se connaissent pas, ils ne se saluent pas.

Intégration académique

Son intégration au plan académique s’est très bien faite, puisque Thomas possédait déjà les connaissances de base et avait une expérience de la recherche. Avant de venir au Canada, il n’avait toutefois jamais voyagé. À cet égard, le Québec et le Canada lui offrent une opportunité de s’épanouir davantage intellectuellement. Depuis son arrivée, il a fait beaucoup de voyages : Thaïlande, Paris, Madrid, États-Unis, Genève. Tout cela en un an, ce qui a encore plus élargi ses horizons.

Par contre, les différences culturelles peuvent parfois mener à des anecdotes cocasses. Un jour, à l’heure du midi, un collègue doctorant lui demande s’il veut venir manger avec lui et d’autres doctorants. Thomas accepta et y alla. Chacun déballa alors sa boîte à lunch et mangea son repas. Thomas, pour sa part, s’était attendu à ce que quelqu’un lui propose de partager un repas… Au Cameroun, quand on invite quelqu’un à manger, c’est pour lui offrir le repas. Quelques jours plus tard, Thomas invita ses collègues à manger à la manière camerounaise, pour leur montrer ce que cette expression signifiait pour lui.

Intégration sociale

Thomas s’est trouvé un logement près de l’université quelque temps après son arrivée. Les propriétaires sont un charmant couple de personnes âgées qui l’a accueilli comme un fils. Ensemble, ils font des soupers, visitent des attractions dans la ville, font des courses et bien plus encore. Tous les dimanches, Thomas et la dame font la cuisine et de la pâtisserie ensemble. Quelques fois par mois, il joue au soccer avec la ligue de soccer de Québec, et ce, en plus de faire partie d’une ligue camerounaise à l’université. Cela lui permet d’évacuer le stress des études.

Au niveau social, je me sens curieusement. L’idée de la supériorité des blancs, que j’avais, disparaît peu à peu. Pour beaucoup d’Africains, le blanc est supérieur, c’est-à-dire que quand tu écoutes un Africain, ce qu’il dit n’est pas aussi vrai que si un blanc le disait. C’est un traumatisme de la colonisation qui reste toujours présent, malheureusement.

Des valeurs qui lui manqueront

Le Québec est la première société blanche que Thomas fréquente et il peut avouer, après avoir fait quelques voyages dans la dernière année, que les Canadiens sont des personnes joyeuses qui se rapprochent des populations africaines.

L’une des valeurs que Thomas apprécie grandement du peuple québécois, c’est la chaleur humaine. Pour illustrer ses propos, il donna l’exemple suivant. La veille du jour de l’an, il marchait seul dans les rues de Québec et, sur son chemin, il rencontra un couple qui l’invita à passer la soirée avec eux en lui disant qu’on ne pouvait pas passer le réveillon seul. Aujourd’hui encore, ils gardent contact et se visitent de temps en temps.

Une autre valeur qu’il apprécie, c’est la confiance accordée aux autres. Au Québec, il est facile de se faire comprendre et de se faire écouter. Quand on dit quelque chose à une personne, cette dernière le prend comme argent sonnant, pas besoin de justification supplémentaire. Il aimerait retrouver cela dans son pays.

Thomas Hervé Mboa Nkoudou

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