Gabon
31 Tancrède Ropivia
Madeleine Piette
Mye no Rafemo y Ropivia, mye ngwe myene, mi dwana gho Quebec y mi be figna go mandji gho maniza ni ntchoni ni noka : Je suis Rafemo fils de Ropivia, je suis « myene », je vis au Québec et je rentrerai dans ma terre natale afin d’y mettre fin aux impostures et à la honte qui y règne.
Partir pour mieux revenir
Tancrède Ropivia vient de Libreville, la capitale du Gabon. En 2006, après avoir terminé ses études secondaires en France, Tancrède quitte définitivement ce pays européen. Ayant une passion pour l’aventure, il est arrivé à Québec le 10 septembre 2006. Il s’y est installé pour compléter ses études en génie informatique à l’Université Laval, comme ses parents. C’est grâce à une bourse d’études remise par le gouvernement gabonais que Tancrède peut payer sa scolarité. Partir étudier à l’extérieur du pays signifiait aller chercher une certaine expertise et une plus-value pour le Gabon.
Malgré les désagréments reliés à l’hiver, l’intégration s’est faite sans trop de problèmes.
J’ai la chance d’avoir mon frère aîné déjà installé dans la ville et une copine gaspésienne qui m’explique les dessous du Québec. Avec une culture aussi différente de la mienne, j’avais besoin qu’on m’explique certaines choses, comme l’humour québécois par exemple. Ce ton sarcastique et cette possibilité de toujours pouvoir tout dire grâce à la libre expression ne m’étaient vraiment pas familiers.
Tancrède a décidé de s’impliquer dans la communauté gabonaise de Québec en devenant président de l’Association des Gabonais et Gabonaises dans le but d’améliorer l’expérience d’intégration des nouveaux arrivants à Québec.
Pour moi, l’intégration, c’est exactement comme la démocratie : on ne peut pas l’imposer, il faut plutôt tenter de conscientiser et sensibiliser.
Pour y arriver, les immigrants doivent passer par tout un processus complexe et parfois des étapes difficiles. La fréquentation d’immigrants d’expérience ne peut qu’être bénéfique pour les nouveaux. Tancrède, ayant à cœur l’intégration des nouveaux Gabonais, considère qu’il faut travailler conjointement avec les associations pour changer les choses.
En venant au Québec, Tancrède savait que son séjour serait temporaire, son objectif étant de retourner au Gabon. Pour lui, venir étudier au Québec n’était qu’un prétexte pour venir chercher une expertise qu’il pourrait ramener au Gabon et, au final, en faire bénéficier son pays. Il aime son pays et c’est avec passion qu’il en parle.
Le Gabon, ce pays qui grandit
Tancrède m’a longuement parlé de son pays. Le Gabon est un petit pays qui se situe en Afrique centrale. Ancienne colonie française, ce pays a revendiqué son indépendance en 1960. Il a été longtemps été en paix, malgré les familles et les clans qui désiraient avoir monopole et pouvoir. Cependant, cette situation a changé depuis 2016. Avec les élections qui se sont déroulées dans la dernière année, la population a exigé du changement. Les gens se sont soulevés et se sont réunis dans les rues pour manifester. Cette agitation n’a pas représenté une menace réelle pour la population, mais comme le mentionne Tancrède, le gouvernement gabonais réagit dès qu’il perçoit qu’un individu devient une menace. Toutefois, Tancrède ne voit pas le Gabon comme étant un pays dangereux, car cet endroit est pour lui sa maison.
Il s’agit d’un pays où d’incroyables richesses se cachent. D’un point de vue économique, le Gabon dispose d’une ressource rare et en forte demande : le pétrole. Tancrède mentionne toutefois que cette ressource qui coule à flots sur leur terre est à la fois une chance et une malchance. Pourquoi? Tout simplement parce que malgré les liquidités qui découlent de l’exploitation du pétrole, la population n’a pas la chance de s’autodéterminer. Les multinationales influencent la vie politique et la vie politique influence les multinationales. Il s’agit d’un cercle vicieux sans fin sur lequel la population n’a pas son mot à dire. La richesse du Gabon ne se limite pas au pétrole, mais elle englobe également les nombreuses forêts préservées et la culture. Pour les habitants de ce pays, la musique est une partie importante de leur vie, un moyen de propager la joie. Ils ont une musique unique et à leur image. Comme le dit si bien Tancrède : « Les Gabonais peuvent jouer n’importe quelle musique des Occidentaux, mais les Occidentaux ne peuvent pas jouer la musique des Gabonais ».
La religion est aussi une partie importante de la vie des Gabonais. L’Église catholique est très présente au Gabon, ce qui explique que la majorité des Gabonais sont chrétiens. Tancrède fait un parallèle avec l’Église catholique au Québec dans les années 60 : le prêtre au Gabon se mêle de la vie des gens et a un certain pouvoir. À son sens, il s’agit d’un pouvoir qui lui a été donné par la colonisation et qui n’a jamais été repris. Tancrède explique qu’il n’est lui-même pas un adepte de l’église catholique, mais qu’il croit tout de même en Dieu. Selon lui, il n’existe pas une façon unique d’entrer en contact avec Dieu : « C’est lui qui a créé la diversité alors pourquoi aurait-il créé une unicité dans la façon de la contacter? ».
Pour Tancrède, le Gabon est un pays qui n’a pas encore passé sa phase d’adolescence. Pour savoir qui est vraiment le peuple gabonais, cela doit bouger un peu plus. Avec la colonisation, l’origine de ce peuple a été oubliée et remplacée. Selon Tancrède, la France et le Gabon c’est la même chose, principalement du point de vue éducatif. Le système éducatif gabonais est calqué sur celui de la France. Ce qui s’enseigne à l’école gabonaise n’est pas l’histoire des Gabonais et Gabonaises, mais l’histoire des autres. Les Gabonais ont besoin de retourner aux sources pour comprendre qui ils sont; confronter leur passé permettrait de mieux contrôler leur avenir.
Il serait essentiel de prendre le temps de retourner vers le savoir ancestral qu’ils avaient, comprendre comment la société était organisée avant la colonisation et en dégager une certaine pensée. En combinant les bons côtés de cette réflexion avec l’évolution technologique, les Gabonais seront en mesure de produire une pensée gabonaise en phase avec le temps dans lequel ils vivent.
En conclusion, en discutant avec Tancrède, j’ai découvert bien plus qu’une personne, mais aussi un pays merveilleux. Le Gabon est peut-être un petit pays d’un million d’habitants, mais il s’y trouve des personnes formidables. Réaliser un portrait de Tancrède, c’est également parler de son pays natal où il retournera prochainement.
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