Guinée
32 Souleymane Toubou Bah
Sarah Jones
Souleymane Toubou Bah est physicien de formation, âgé de 57 ans. Son fils de 27 ans vit à Toronto. Originaire de la Guinée, il a passé son enfance dans le village de Toubou en compagnie de sa mère, de son père et de ses cinq frères et sœurs. D’ailleurs, puisque son patronyme est courant en Guinée, il a ajouté le nom de son village à son nom pour se distinguer de ses homonymes. Il est allé à l’école primaire et secondaire dans son pays d’origine, mais puisqu’il désirait poursuivre ses études à un niveau supérieur, il a dû envisager de quitter sa terre natale.
Son parcours avant le Canada
À la suite d’un concours, Souleymane Toubou Bah obtint une bourse lui permettant de poursuivre ses études de physique dans le pays qui s’appelait à l’époque l’Union soviétique (URSS) et qui est aujourd’hui la Russie. Durant la première année de son séjour, il travailla fort pour apprendre le russe afin de faciliter son apprentissage universitaire. Son père décéda hélas à peine deux mois après son arrivée en Russie. Attristé, il se remémora une phrase que son père lui disait fréquemment : « Il faut travailler fort ». Cela lui donna la force et la détermination de poursuivre ses études dans un pays où tout lui était étranger. Réussissant à bien s’adapter à son nouveau style de vie, il termina sa maîtrise cinq ans plus tard.
Au moment du changement de régime en Guinée, quand le pays passa du socialisme au libéralisme, Souleymane Toubou Bah et quelques amis décidèrent de retourner vivre dans leur pays d’origine. Ce qui devait être un nouveau départ s’est toutefois transformé en moments très difficiles pour Souleymane, si bien qu’au bout d’un certain temps, il prit la décision de retourner vivre en Russie. Pendant près de quatre ans, il enchaîna différents travaux et recherches, et ce, afin de subvenir aux besoins de sa femme et de son garçon né en 1989. Il a également participé durant trois années consécutives au Congrès international de ferroélectricité, en tant que professionnel. C’est en 1993 que Monsieur Bah a défendu sa thèse de doctorat et qu’il a été diplômé.
La décision de venir au Canada
Alors qu’il venait tout juste d’obtenir son doctorat, sa femme et lui se demandaient ce qu’ils allaient faire par la suite. C’est lors d’une petite soirée amicale qu’une amie lui a parlé du Canada et de la possibilité de faire une demande d’immigration. Ne voulant pas retourner en Guinée, Souleymane et sa femme décidèrent de tenter le coup! Le couple fit une première demande en 1993. « J’ai été surpris que ma demande ait été traitée aussi rapidement », soutient-il. En effet, à peine quelques mois plus tard, ils furent convoqués à l’Ambassade canadienne pour passer une entrevue et entreprendre des démarches pour trouver un emploi ou poursuivre leurs études universitaires. Après plus de deux ans à remplir des formulaires, à faire reconnaître leurs différents diplômes ainsi qu’à passer plusieurs séries de tests, Monsieur et Madame Bah furent soulagés d’apprendre la bonne nouvelle : leur demande avait été acceptée et ils pouvaient enfin venir s’établir au Canada.
Lorsqu’il devait remplir sa demande d’immigration pour le Canada, Souleymane avait le choix entre la langue française ou la langue anglaise. Puisque le français est une langue qu’il parle depuis l’enfance, il a complété tous les documents dans cette langue. C’est pour cette raison que sa famille et lui se retrouvèrent dans la province de Québec, plus précisément dans la grande ville de Montréal.
L’arrivée au Québec
C’est à l’automne 1995 que Souleymane Toubou Bah et sa petite famille sont arrivés au Canada. Souleymane m’a raconté qu’ils ne vécurent aucun problème d’intégration et que tout le monde avait été particulièrement gentil avec eux. Le fait que le climat de la Russie est semblable à celui du Québec et ses nombreux voyages de pays en pays pour participer à des congrès ont contribué à son adaptation plus que rapide. Sa femme ne parlant pratiquement pas le français et se débrouillant à peine en anglais a vécu une arrivée plus difficile. Le seul aspect qu’il a trouvé difficile, c’est le manque d’intimité. En effet, il m’a confié que le logement où il vivait à Montréal n’était pas très bien insonorisé et que d’entendre tout ce qui se passait dans la vie des autres le rendait mal à l’aise.
Lors de son arrivée au Québec, Monsieur Bah a fait parvenir plusieurs curriculum vitae à différentes compagnies et facultés et il a rapidement obtenu un stage postdoctoral à l’École Polytechnique de Montréal. Ce qui devait être un stage d’une durée de six mois s’est transformé en un poste permanent. Le département de physique a décidé de l’embaucher à temps plein et il y est resté plus de douze ans.
Son fils s’adapta bien à son nouveau mode de vie. Malheureusement Souleymane et sa femme se séparèrent au milieu des années 2000. En décembre 2007, le laboratoire de microfabrication (Pavillon d’Optique-Photonique) de l’Université Laval à Québec lui proposa le poste qu’il occupe encore aujourd’hui et qui lui permet de donner de la formation dans son domaine et de faire de la recherche sur des matériaux au laboratoire de microfabrication.
Le Québec selon Souleymane Toubou Bah
J’ai rapidement compris que Monsieur Bah était une personne que l’on peut qualifier de « polyvalente ». En effet, il semble s’adapter à n’importe quelle situation et il reste toujours positif devant les obstacles que la vie amène. Voici donc ce que cet homme pense de notre pays et de ce qui s’y passe.
Il affirme que vivre au Canada est beaucoup plus simple et facile que de vivre en Russie. « Quand on se compare, on se console », dit-il sur un air joyeux. Selon lui, nous sommes très bien au Canada. Ce qui compte réellement, c’est qu’il y ait du respect entre les individus.
Pour cet homme, vivre au Québec comporte de nombreux avantages. Il se dit chanceux de vivre dans un pays où règne la non-violence, ce qu’il apprécie beaucoup. Le fait de vivre en démocratie est quelque chose que nous pouvons souvent oublier d’apprécier, mais comme Monsieur Bah me l’a rappelé, notre démocratie est fonctionnelle, contrairement à la Guinée. Il trouve également qu’il est choyé de vivre dans un pays où la liberté, autant celle des médias que celle des individus, est une valeur prioritaire et mise de l’avant. De plus, l’égalité entre les hommes et les femmes le rend particulièrement fier; lorsqu’il aborde ce sujet, il déploie un large sourire. Finalement, il apprécie grandement la séparation entre la religion et le pouvoir politique.
Par contre, il trouve encore certaines choses difficiles, et ce, même après tant d’années passées au Québec. Il lui semble que les gens devraient être plus ouverts à connaître les autres, ce qui est d’ailleurs l’une des premières valeurs qu’il a apprises. Même aujourd’hui, il est encore frappé par l’individualisme qui règne partout à travers la province. Il affirme ne pas saisir pourquoi, puisqu’après tout, nous venons tous du même endroit et nous sommes tous des êtres humains.
Souleymane Toubou Bah est persuadé qu’en corrigeant de petits détails en ce qui concerne l’immigration, l’intégration des nouveaux arrivants se fera de manière plus fluide autant pour le peuple québécois que pour les gens qui viennent des quatre coins du monde. J’ai été agréablement surprise lorsqu’il m’a dit ne jamais avoir été victime d’intimidation ou de discrimination. Selon lui, il n’est jamais trop tard pour trouver des solutions et améliorer notre sort. Bref, l’homme que j’ai eu la chance de rencontrer est un exemple de courage et de détermination. Cet homme est humble, simple et il souhaite aider son prochain du mieux qu’il peut. Je suis persuadée que chaque personne qui le côtoie gagne en humanité et que le Québec a besoin de plus de gens humains et bons, à son image.
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