Cameroun

22 Martin Yemele

Francis Gallant

Ayant vécu au Cameroun jusqu’à l’âge adulte, Martin quitta son pays d’origine en 2001 pour immigrer en Allemagne, puis au Canada. Il fonda sa famille à Québec et y vit encore aujourd’hui avec sa femme et ses trois enfants. Détenteur d’un doctorat en foresterie, Martin travaille désormais dans ce domaine qui le passionne. Voici le portrait de sa captivante vie.

Jeunesse au Cameroun

Né à Douala, la capitale économique du Cameroun, Martin y vécut quelques années avec ses parents. Douala est une ville portuaire industrialisée. Plus tard, vers l’âge de 5 ans, il quitta ses parents pour aller vivre avec un ami de son père qui était instituteur à Bafoussam, dans l’ouest du Cameroun. C’est auprès de ce dernier et dans cette ville qu’il passera ses années scolaires du primaire et du secondaire, jusqu’à l’âge de 18 ans. Martin eut une enfance relativement tranquille, loin des problèmes économiques et sociaux majeurs. Encore aujourd’hui, ses parents vivent à Douala.

Martin fit des études universitaires en foresterie dans son pays natal. Il participa ensuite à un programme de coopération internationale dans lequel il se spécialisa dans le domaine de la transformation du bois. À noter que le jeune Camerounais entretenait déjà à ce moment des contacts avec le Québec, puisqu’il reçut l’enseignement de quelques professeurs québécois. « J’ai eu des professeurs québécois lors de mes études universitaires au Cameroun, mais je n’avais pas gardé de liens avec eux », m’a-t-il dit. À ce moment de sa vie, il n’avait pas encore l’intention ou même l’idée de quitter le Cameroun. Cela est venu bien plus tard.

Début de sa vie adulte au Cameroun

Après ses études universitaires, Martin trouva rapidement un emploi en tant que professeur de foresterie dans un lycée technique du Cameroun. Si on compare avec le Québec, enseigner dans un lycée technique correspond ici à enseigner au niveau collégial. À l’époque, Martin n’avait pas encore rencontré sa femme et n’était donc pas marié. Avec son salaire d’enseignant, il faisait partie de la classe moyenne camerounaise, ce qui signifie qu’il vivait bien, économiquement parlant. Notons, cependant, qu’il est important de relativiser lorsqu’on parle de cette classe moyenne camerounaise. En effet, en Amérique du Nord, la classe moyenne est quantifiée de manière très différente par rapport à celle de l’ensemble des pays d’Afrique. Le revenu moyen d’un habitant nord-américain de la classe moyenne est bien supérieur à celui d’un habitant africain faisant également partie de la classe moyenne. Par conséquent, le niveau économique de Martin, lorsqu’il enseignait au Cameroun, était nettement inférieur à celui d’une personne de la classe moyenne qu’on peut retrouver dans les pays occidentaux par exemple. Cette réalité économique a d’ailleurs motivé en partie son départ du Cameroun.

Mais ce n’est pas la principale raison qui l’a mené à quitter son pays. Après avoir enseigné pendant environ 10 ans, Martin voulait faire autre chose, vivre d’autres expériences; il désirait exercer un emploi plus spécialisé en lien avec le domaine de la foresterie. Or, le problème était le suivant : les universités et les établissements d’enseignement au Cameroun n’offraient pas de programme pour poursuivre à un niveau supérieur dans son domaine d’expertise, en l’occurrence la transformation du bois. « La filière pour laquelle j’avais été formé, soit la transformation du bois, n’était pas très développée localement. Je devais donc me chercher une institution universitaire où je pouvais aller compléter mes études et ma formation », m’a-t-il expliqué lors de notre rencontre.

Ce fut donc principalement pour étudier que Martin décida de quitter le Cameroun. Mais, avant tout chose, le Camerounais devait faire un choix : à quel endroit allait-il poursuivre ses études? À partir de ce moment, il envisagea plusieurs programmes et établissements universitaires aux quatre coins du globe. Les possibilités étaient vastes : Afrique du Sud, Allemagne, France, Canada, États-Unis… Finalement, Martin décida d’immigrer en Allemagne.

Départ pour l’Allemagne

En 2001, Martin quitta donc le Cameroun pour compléter une maîtrise en Allemagne. Il choisit ce pays non seulement pour sa proximité géographique par rapport au Cameroun, mais surtout pour la qualité des programmes offerts. En effet, les Allemands ont développé, dès les années 1980, des programmes d’études internationales de qualité qui leur permettaient de recruter des étudiants partout dans le monde, a-t-il affirmé durant l’entrevue.

Dès son arrivée en Allemagne, Martin disposait déjà de certaines notions de base en allemand. Il faut comprendre qu’avant d’être une colonie anglaise et française, le Cameroun était une colonie allemande. La langue allemande fait donc partie de la culture camerounaise et plusieurs jeunes Camerounais apprennent les rudiments de cette langue à l’école, comme ce fut le cas de Martin. Cela aida certainement Martin à s’intégrer plus aisément dans la société allemande et à s’adapter à la réalité linguistique de ce pays d’Europe. Toutefois, en raison de la provenance internationale des étudiants, la langue première utilisée lors des cours, voire par les étudiants entre eux, était l’anglais. Cela fit un grand plaisir à Martin, puisqu’il maîtrisait déjà très bien l’anglais. Le fait de bien maîtriser cette langue demeure d’ailleurs l’un des facteurs qui l’a poussé à choisir ce programme en particulier plutôt qu’un programme francophone. D’ailleurs, il faut savoir qu’en France, l’obtention d’un visa d’étude était très compliquée, ce qui n’était pas le cas en Allemagne. Cet aspect influença également le choix final de Martin.

Arrivée au Québec

Le cheminement qui mena Martin au Québec, et plus précisément à Québec, commença par la lecture d’articles de chercheurs de l’Université Laval, en lien direct avec son domaine d’expertise, soit la transformation du bois. Dès ce moment, il commença à faire des recherches quant à la possibilité d’immigrer au Canada. Ainsi, son processus d’immigration débutait. Après plus de deux ans en Allemagne, il quitta le pays pour venir s’installer à Québec.

En arrivant ici en 2004, Martin avait comme objectif de continuer dans le même domaine en poursuivant au doctorat. Dès son arrivée sur le campus de l’Université Laval, il rencontra tout d’abord un professeur qu’il avait préalablement ciblé pour lui demander de superviser une éventuelle thèse de doctorat. Le professeur accepta immédiatement. Martin m’a confié qu’il avait planifié quelques rencontres avec des professeurs d’autres universités au Canada au cas où le professeur de l’Université Laval aurait refusé de le superviser. Il avait notamment planifié de se rendre à l’Université de Toronto et à l’Université du Nouveau-Brunswick. Bien sûr, il n’eut pas à aller à ces endroits. « C’est sûr que si je n’avais connu que Toronto, par exemple, j’aurais peut-être choisi d’y habiter », m’a-t-il dit durant notre rencontre.

C’est en Allemagne que Martin vécut l’ensemble de ses chocs culturels et où il dut s’adapter à la réalité occidentale. Néanmoins, il connut à Québec quelques inconforts culturels, dont le premier fut au niveau de la langue. En effet, Martin a longtemps eu du mal avec l’accent québécois. Il ne comprenait pas plusieurs termes et expressions d’ici, ce qui pouvait, parfois, le rendre confus. Mais il s’adapta à cet accent et le comprit au fil du temps. À ce qu’il m’a dit, son plus gros choc fut au niveau climatique. Le froid est une réalité bien présente au Québec et certaines personnes ont du mal à s’y faire. Martin fut chanceux puisqu’il arriva ici en plein mois de mars, lorsque la neige fondait. Mais lorsque l’hiver suivant arriva, Martin se rendit compte que l’hiver était loin de celui vécu en Allemagne, un hiver durant lequel la neige tombe, mais fond aussitôt.

Je me souviens qu’au mois de novembre, il y avait eu une grosse tempête et beaucoup de neige était tombée. Je demande donc à un ami si la neige va fondre. Il me répond qu’elle va fondre, mais à la fin du mois de mars. Et là, j’ai compris que c’était au-delà de tout ce que je m’imaginais, m’a-t-il confié en riant.

Dès la première semaine après son arrivée, Martin loua une chambre en résidence sur le campus. Le fait d’habiter à proximité de l’université fut d’ailleurs pratique pour le Camerounais, puisqu’il pouvait se rendre à ses cours et accéder aux installations en tout temps. D’ailleurs, Martin m’avoua que vivre en résidence lui était très pratique pour éviter les contrecoups climatiques puisqu’il avait accès aux tunnels pour se déplacer partout sur le campus. Martin a eu également à s’adapter à un autre élément : les moyens de transport. « À Québec, c’est différent de l’Allemagne pour les transports. En Allemagne, tout le monde se déplace en vélo », m’a-t-il confié. Il reconnait qu’avec les conditions climatiques d’ici et les collines, il est plus difficile de se déplacer en vélo en dehors du campus. Dans son cas, Martin fut tout de même choyé puisqu’il pouvait bénéficier, au besoin, de covoiturage de la part de ses amis.

Pour ce qui est de l’accueil qu’il a reçu en arrivant à Québec, Martin m’a confié qu’il avait été excellent, surtout dans le milieu universitaire. Il s’est d’ailleurs intégré beaucoup plus facilement ici qu’en Allemagne, affirmant que, là-bas, la barrière linguistique fut le facteur qui a le plus nui à son intégration. Le Camerounais m’a également rapporté qu’il a mis du temps à sortir de son quartier universitaire. Durant les cinq ou six premiers mois, Martin effectuait l’ensemble de ses achats, activités ou tâches quotidiennes dans les établissements autour de l’université, sans aller au-delà de ce quartier.

Aujourd’hui à Québec

Martin a aujourd’hui 46 ans et vit à Québec avec sa femme et ses trois enfants de quatre, six et onze ans. Il réside à Neufchâtel. Il a connu sa femme au Cameroun en 2001, juste avant de partir pour l’Allemagne. Il est d’ailleurs retourné dans son pays natal en 2004 pour se marier avec elle. Celle-ci l’a ensuite rejointe au Canada en 2005, soit un an plus tard, avec leur premier enfant âgé alors de six mois. Ses deux plus jeunes enfants sont nés au Québec.

Martin a bien sûr complété son doctorat et travaille aujourd’hui pour le gouvernement dans son domaine d’expertise. Martin et sa famille retournent encore de temps en temps au Cameroun, environ à tous les trois ou quatre ans. C’est en 2014 que toute la famille est allée au Cameroun pour la dernière fois.

Martin Yemele à la cabane à sucre, en 2008

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