Éthiopie

29 Mariam Abebe

Amy Loiselle

Kezīhi k’edemi mek’eyeri āyichilumi negeri gini yewedefīti ḥiyiwetachinini mek’eyeri yichilalu : On ne peut pas changer le passé, mais on peut changer notre avenir (traduction libre)

Mariam Abebe, âgée de 35 ans, a vécu la majorité de sa vie dans son pays d’origine, l’Éthiopie. Elle vit à Québec avec son mari, d’origine congolaise, et leurs enfants depuis une dizaine d’années. C’est son mari qui entreprit les démarches pour immigrer au Canada en tant que réfugié.

Avant le départ

Avant de venir au Québec, Mariam vivait à Harar, en Éthiopie, une ville tranquille qui lui a permis de ne pas avoir été personnellement touchée par les conflits qui sévissaient dans son propre pays. L’Éthiopie est un vaste pays qui abrite plusieurs peuples, plusieurs cultures. Ces différences culturelles s’expriment dans les fêtes, dans les façons de célébrer et de vivre qui varient d’un peuple à l’autre, mais aussi dans la grande diversité linguistique de ce pays. L’Éthiopie n’a pas de langue officielle, même si l’amharique, la langue maternelle de Mariam, est la langue de travail du gouvernement éthiopien. La vie de son mari au Congo, traversé par d’importants conflits, fut plus mouvementée que la sienne. Quand son mari décida de venir au Québec comme réfugié, Mariam le suivit hors du continent africain. Elle put revenir deux fois en Éthiopie par la suite.

Premiers moments au Canada

Dès son arrivée au Canada, Mariam fit face à la barrière de la langue. C’est en suivant des cours et en discutant avec des collègues de travail qu’elle réussit à apprendre le français qu’elle parle de façon courante aujourd’hui. Ses échanges avec ses amies l’ont aidée à se corriger pour certaines expressions de la langue française.

Quelle est la plus grosse difficulté à laquelle elle a dû faire face? « C’est l’hiver! » dit-elle en riant. Plus sérieusement, Mariam mentionne que, même si elle porte le voile en tant que musulmane, elle n’a jamais vécu de discrimination de la part des Québécois. La seule chose qu’elle reçoit, ce sont des regards curieux.

Retour en Afrique en tant que visiteuse

Ce n’est qu’en 2012 que Mariam retourna, sans son mari ni ses enfants, dans son pays d’origine pour visiter sa famille à Harar, une ville calme et paisible où les Éthiopiens ayant connu la violence trouvent refuge et se sentent en sécurité. Mais pour elle, ce fut presque un choc tant elle se sentit dépaysée dans son propre pays.

Je me suis sentie un peu moins [en sécurité], pourtant il n’y avait [en principe] rien qui me faisait peur. J’étais chez ma famille, mais durant cette période, pendant trois jours, je n’arrivais pas à dormir. J’avais peur!

Même si elle était dans un coin tranquille en Éthiopie, « on ne sait jamais », mentionne-t-elle en parlant de la guerre et de la violence.  Avant d’arriver au Canada, Mariam ne sentait pas qu’il y avait quoi que soit qui clochait dans son pays, mais quand elle y retourna, elle put comparer les deux modes de vie et sentit que sa ville natale était peut-être moins sécuritaire qu’elle ne le pensait auparavant.

Aujourd’hui

Comme il n’y a pas vraiment de communauté éthiopienne dans la ville de Québec, Mariam lit l’actualité sur son pays d’origine de temps à autre et crée des liens avec des personnes de différentes ethnies : « J’ai des amies québécoises et des amies d’autres ethnies. De temps en temps, deux à trois fois par an, je les invite chez moi s’il y a une fête » dit-elle. Mais elle affirme qu’en général, elle est une femme qui préfère rester à la maison s’occuper de ses enfants plutôt que de sortir. Avec les relations qu’elle a développées dans différents contextes, elle se sent tout de même bien entourée dans la ville de Québec.

De toute évidence, aujourd’hui femme d’affaires, Mariam aime beaucoup les gens : « Je suis une personne qui se met facilement en relation avec les autres ». Quand on lui parle de valeurs, Mariam mentionne l’amour, le travail et la santé. À noter que lorsqu’on la rencontre, c’est ce qui semble naturellement se dégager d’elle.

Mariam a réellement fait de la ville de Québec son chez-soi. « C’est une bonne ville, Québec. Le coût de la vie est cher, mais c’est une bonne ville » ajoute-t-elle. « C’est facile d’accès, si je marche toute seule à minuit, je n’ai pas peur. J’ai confiance. »

Une femme libre

Je peux dire ce que je veux […] et moi, je suis libre.

Malgré les regards et les questions, elle mène sa vie comme elle l’entend. Autrefois préposée aux bénéficiaires, elle démarra en collaboration avec son mari ADH ménage, une entreprise spécialisée dans le ménage à domicile et commercial. Le but de cette nouvelle entreprise était surtout d’assurer une vie plus facile à leurs trois enfants, pour leur permettre de bien vivre dans leur nouveau pays et de ne pas manquer d’amour. En effet, en devenant sa propre patronne, Mariam décide de son horaire et s’assure par la même occasion d’être présente pour ses enfants : « C’est important, surtout à cet âge-là, que mes enfants ne manquent pas d’amour ». Même si, pour l’instant, il n’y a pas beaucoup d’argent qui rentre, la qualité de vie est meilleure pour Mariam qui s’est respectée en choisissant le mode de vie qui lui convenait le mieux dans son pays d’adoption.

Valeurs et points de vue

Dans ce monde, chacun a ses défauts, mais le respect des femmes devrait être une base, selon elle. Si une cause lui tient particulièrement à cœur, c’est bien celle de la défense des droits des femmes. Une femme, pour Mariam, c’est une mère de famille. Elle ne comprend pas comment un homme peut avoir de l’irrespect envers une femme, puisque c’est une femme qui lui a donné la vie. Pourtant, c’est envers une femme que certains hommes font preuve d’attitudes ou de comportements condamnables. « C’est une femme qui a mis cet homme au monde, mais c’est cet homme qui fait souffrir une femme ». Elle trouve difficile de voir les femmes toujours se faire manquer de respect dans la société d’aujourd’hui. « Ça fait mal », déclare-t-elle simplement. Mariam considère les études universitaires comme une étape importante de la vie. Surtout en tant que femme, elle considère que c’est la dernière étape pour devenir importante et se démarquer en société.

Ses perceptions du peuple québécois restent les mêmes qu’à son arrivée. Les Québécois et les Québécoises sont de bonnes personnes, respectueuses, aidantes et encourageantes. « Il ne faut pas s’occuper des détails », dit-elle, expliquant qu’il ne faut pas faire un drame avec un rien. Elle ne s’occupe pas des perceptions que les Québécois peuvent avoir d’elle, parce qu’elle se concentre sur ce qui est beaucoup plus important pour elle. Elle vit sa vie, tout simplement. Elle a, comme beaucoup d’autres, constaté qu’il peut y avoir certains groupes de personnes dans la société québécoise qui acceptent moins les musulmans parce que plusieurs terroristes présentés dans les médias sont musulmans. Mais il ne faut certainement pas mettre tout le monde dans le même bateau. Comme Mariam le mentionne, « il y a des gens fous partout ».

Selon elle, les Québécois perçoivent l’Afrique comme étant une région du monde où règne la guerre et la famine. Mais ce n’est pas le cas partout en Afrique. Il y a des régions qui sont plus pauvres que d’autres et des régions, des pays, qui sont plus mouvementés, tandis que d’autres sont plus tranquilles, comme la ville de Harar.

Au sein d’un même pays, tout peut être différent, tant dans la culture que dans les conditions de vie en général. Elle raconte une anecdote à ce sujet : « Il y avait eu, un jour en Alberta, une inondation et ma mère m’avait appelée en disant qu’elle avait entendu parler qu’au Canada, il y avait un problème et j’ai dit « Non, pas pour moi, [je suis au Québec, c’est différent!] » ».

Conclusion et message

Mariam comprend qu’il est normal de s’inquiéter des gens que l’on ne connaît pas, mais elle ne souhaite pas pour autant qu’on manque d’ouverture envers autrui. Pour les nouveaux immigrants qui se soucient de leur nouvelle vie, elle a un message : le Canada est comme une mère avec les bras ouverts, il faut simplement être reconnaissant. Après tout, il y a des gens qui fournissent des efforts considérables afin de simplifier l’arrivée au pays des immigrants.

Le mot de la fin

Befits’umi huligīzē wedefīti menik’esak’esi ālebachewi ḥiyiweti wisit’i tesifa ina betechale met’eni wedefīti yeteshale gīzē lemaginyeti inya mewagati yinoribinali : Ne jamais se décourager. Dans la vie, il faut toujours avancer et pour un meilleur avenir, il faut se battre (traduction libre)

image
Addis Abeba, Éthiopie. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89thiopie#/media/File:Meskal_square.JPG

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