Burundi
12 Iris Ntore
Myriam Laforest-Routhier
Iris a passé les cinq premières années de son enfance à Bujumbura, la capitale de son pays natal. Puis elle a commencé à voyager. En effet, le travail de son père les a amenées, ses sœurs et elle, à vivre au Rwanda, ainsi que dans la République démocratique du Congo. Elle retourna vivre au Burundi quelques années avant de quitter le pays pour terminer ses études.
Ensuite vint l’Europe
Âgée de 19 ans seulement, nouvelle arrivante en France, Iris s’inscrivit à l’Université de Saint-Étienne. Elle garda tout de même contact avec un bon ami, qui devint, vers la fin de ses études en France, son mari. Un mariage religieux en Belgique et un mariage civil en France les unissent maintenant pour toujours. Après quatre ans parmi les Français, cette jeune Africaine quitta de nouveau son domicile pour s’établir avec son mari dans un tout autre coin du globe, le Canada, afin d’y poursuivre ses études.
Puis le Canada
Le 23 août 2012, Iris et son mari arrivèrent à Québec. Nouveaux mariés, nouveaux arrivants, nouveau continent, les changements ne manquèrent pas! Sa première année à Québec fut occupée à la fois par ses études de baccalauréat en sociologie et par une grossesse. Iris mit au monde une petite fille en septembre 2013; elle quitta alors les bancs d’école de l’Université Laval pour cajoler sa petite pendant un congé de maternité qui lui donna l’occasion de découvrir les séries télévisées québécoises. Iris décida ensuite de se lancer dans une maîtrise en sociologie à partir de septembre 2014. Pouvant comparer plusieurs systèmes universitaires, Iris m’a confié que « c’est plus enrichissant d’étudier ici [au Québec] qu’en France ». Les bonheurs ne cessèrent de pleuvoir sur le couple qui accueillit un petit garçon en janvier 2016.
Des difficultés à surmonter
En arrivant au Québec, Iris rencontra plusieurs obstacles à son intégration. L’accent québécois est tellement particulier qu’il lui donna du fil à retordre dès le début. Elle m’a raconté qu’à son arrivée au Québec, le douanier l’a gentiment accueillie d’un « Bonjour ». Une fois les formalités complétées, celui-ci lui a souhaité la bienvenue au Canada, puis l’a saluée d’un dernier « Bonjour ». Or cet emploi de « bonjour » pour dire au revoir était pour elle inhabituel si bien qu’elle ne savait pas comment réagir ni quoi dire. Cette anecdote la fait encore rire après quatre ans. En plus de l’accent, Iris a eu de la difficulté à maîtriser les expressions typiques québécoises. Elle s’aida beaucoup de l’anglais pour comprendre certaines d’entre elles. Outre la langue, le coût de la vie eut un réel impact sur Iris. Elle découvrit qu’il est dispendieux de vivre à Québec, plus précisément l’achat de nourriture de bonne qualité et l’abonnement à des forfaits de téléphonie mobile.
Alors qu’elle a légèrement ressenti le racisme en France, Iris trouve les Québécois très accueillants et ouverts. C’est avec le temps qu’elle a observé quelques marques de racisme, mais qui ne l’ont jamais touchée personnellement. Elle soutient aussi qu’il y a souvent des malaises, car « les Québécois ne sont tellement pas habitués à voir des Africains que c’est difficile pour eux de créer des liens. »
Ah, les enfants!
Iris accoucha de deux magnifiques enfants en santé ici à Québec. Aujourd’hui, elle raconte que ce n’est pas facile d’avoir des enfants au Québec. Loin de sa famille et de la communauté africaine à laquelle elle a été habituée, elle se sent bien seule dans son logement avec son mari pour s’occuper de sa fille de 3 ans et de son garçon de 10 mois. Les repères culturels présents en Afrique lui manquent beaucoup. On la sent un peu nostalgique de ne pas avoir accès à toute l’aide qu’elle aurait eue en Afrique pour élever ses enfants. Elle soutient par contre qu’il y a des avantages à élever ses enfants à Québec : « On est plus proche de ses enfants, il y a une meilleure relation, mais ce n’est pas évident ». De plus, elle souligne que la maternité demande beaucoup d’organisation et d’adaptation, mais que le système mis en place par l’État aide énormément.
L’hiver québécois
Avec les enfants viennent aussi les sorties à l’extérieur. Iris mise sur ses enfants pour se convaincre de sortir de la maison pendant l’hiver. Elle concède qu’il est important de mettre le nez dehors par temps froid, même si l’envie n’y est pas, simplement pour voir le soleil et se remonter le moral. Pour elle, l’hiver québécois, « c’est long, c’est vraiment long! ». Par contre, le froid de l’hiver au Québec est plus supportable que celui de la France, car il n’y a pas d’humidité. De plus, nos bâtiments sont prêts à affronter l’hiver. Les classes de cours, tout comme les appartements, sont beaucoup mieux chauffés et isolés qu’en France. Pour conclure sur son expérience avec l’hiver, elle a réaffirmé que « c’est beaucoup plus supportable, mais c’est la durée qui est vraiment pénible. »
Une histoire de valeurs
Iris a souligné, lors de notre entrevue, qu’elle trouvait impressionnant de voir à quel point les Québécois sont proches de leur famille. En effet, il serait très déchirant pour eux de voir leur enfant quitter le pays pour s’établir ailleurs et c’est ce qu’elle trouve émouvant. Cependant, la plus grande valeur des Québécois restera le respect : « Ils respectent qui tu es, ce que tu fais, ton espace et j’apprécie vraiment ça ». De plus, la place des femmes dans notre société et nos familles est très appréciée par Iris. En effet, elle concède qu’il est plaisant que les hommes soient aussi utiles que les femmes dans les tâches domestiques. La force de caractère des femmes est autorisée ici au Québec, alors qu’elle l’est beaucoup moins au Burundi.
Aujourd’hui
Depuis maintenant quatre ans, Iris vit ici, à Québec. Ses cours de maîtrise en sociologie sont terminés, mais il lui reste à compléter la rédaction finale de son mémoire pour obtenir son diplôme. Ainsi, elle fréquente toujours le campus de l’Université Laval. Elle garde contact avec sa famille burundaise grâce aux médias sociaux et à toutes les applications disponibles pour discuter d’un pays à l’autre, car on peut sortir une femme de l’Afrique, mais jamais nous ne pourrons sortir l’Afrique de cette femme.
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