Côte d’Ivoire

25 Ibrahima Massagninni Kone

Kévin De Roy-Boucher

Âgé de 30 ans, Ibrahima Massagninni Kone est originaire de Korhogo, au nord de la Côte d’Ivoire. Il a grandi à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. N’ayant pas de femme ni d’enfants, Ibrahima était déjà sur le marché du travail et complétait sa deuxième année de doctorat lorsqu’il prit une importante décision : quitter son pays pour venir étudier au Québec. C’est le 22 août 2015 qu’il arriva à Québec, prêt à avancer dans ses études doctorales à l’Université Laval.

Partir d’Abidjan

Ibrahima savait depuis longtemps déjà qu’il ferait son doctorat à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Plusieurs destinations s’offraient à lui, entre autres les États-Unis, la France et le Canada. Le Canada fut son choix final pour plusieurs raisons, mais surtout pour la langue. Ibrahim désirait rédiger sa thèse dans la langue de Molière. Les États-Unis furent donc écartés, car cela aurait nécessité au moins une année supplémentaire pour se familiariser davantage avec l’anglais. C’est également pourquoi il a pris la décision de ne pas poursuivre ses études dans de grandes villes canadiennes comme Toronto ou Montréal. En ce qui concerne la France, elle fut écarté en raison de son marché du travail saturé et de l’embauche difficile. La ville de Québec représentait le parfait compromis. Approuvée 100 % francophone, elle avait le meilleur profil pour assouvir sa soif de connaissances. C’était donc à Québec, aux abords du fleuve St-Laurent, qu’il allait rédiger sa thèse de doctorat.

Une fois la décision prise, un long processus d’admission débuta. L’université étant choisie, il prit l’initiative d’écrire directement au directeur du programme de doctorat afin de lui faire part de ses intentions. Après l’envoi de son dossier vint l’attente. À la suite de l’approbation de son dossier, il lui fallut poursuivre les démarches auprès du bureau du registraire, demander le certificat d’acception du Québec (CAQ), le permis d’études et le visa. Quatre mois plus tard, il reçut ce dernier. Il était prêt pour un départ à l’aventure.

Québec

Dès son arrivée au pays, Ibrahima s’est senti bien accueilli. Il a été dirigé et conseillé, entre autres, par le personnel de l’Université Laval et plus précisément par le service de parrainage du Bureau de la vie étudiante. Il fut pris en charge par un autre étudiant étranger, originaire du Costa Rica, qui l’aida à se procurer un téléphone. Un étudiant béninois rencontré à l’aéroport l’a même aidé à se procurer des vêtements chauds pour l’arrivée de l’automne et de l’hiver. N’ayant pas encore de logement à son arrivée, Ibrahima avait préalablement loué une chambre dans une auberge. À peine quatre jours plus tard, il trouva son nouveau chez-lui et put donc officiellement entamer sa vie québécoise.

Ses perceptions avant d’arriver au Québec

Au départ, Ibrahima avait l’impression que les gens de Québec étaient super accueillants, mais cette impression se dissipa : au bout d’une semaine ou deux, il se sentait toujours seul. Ses interactions avec les Québécois étaient toujours courtoises et souriantes, mais cela n’allait jamais plus loin. Il croisait souvent dans la rue un étudiant dont il avait déjà fait la connaissance, mais c’était comme s’ils ne s’étaient jamais rencontrés.

En fait, Ibrahima s’attendait à se faire des amis rapidement, mais ce ne fut pas le cas. Cette difficulté à socialiser faisait en sorte que lorsqu’il n’était pas à l’Université, il restait chez lui, ce qui l’empêcha de découvrir la région de Québec en dehors du campus et du Vieux-Québec. Il ne participait pas aux différentes activités proposées sur le campus et ce fut ainsi tout au long de sa première session. Ce manque de convivialité allait à l’encontre de ce à quoi il était habitué. En Côte d’Ivoire, les gens se parlent, ils peuvent aller prendre une bonne bière, se visiter par la suite : la vie communautaire est riche. Au Québec, il fallait faire plus d’efforts que ça. Il prit donc du recul, un temps de réflexion. Évidemment, il se sentait seul, sa famille et ses amis étant désormais très loin. Il avait toutefois un cousin à Montréal, qu’il visita à quelques reprises.

Malgré ce manque de proximité, il continue d’affirmer que les gens de Québec sont accueillants et courtois. S’ils n’apprécient pas une personne, ils restent tout de même respectueux et ne le lui disent pas. Ibrahim aurait pu interpréter ce trait de personnalité comme de l’hypocrisie, mais a compris qu’ici les gens cachent leur haine, si haine il y a, et que c’est mieux ainsi. Les Québécois ont une bonne maîtrise d’eux-mêmes et savent cacher leurs émotions et conserver un environnement sans conflits. En Côte d’Ivoire, si une personne n’aime pas une autre personne, cette dernière l’aurait immédiatement su ou remarqué, à moins de se le faire dire ouvertement par l’autre personne.

Autre défi pour Ibrahima : la langue. Bien que les Ivoiriens et les Québécois parlent le français, les deux ne se comprennent pas toujours. Il s’est rendu compte, comme de nombreux étudiants étrangers, que les gens d’ici parlent québécois, pas français, ou du moins un français fortement influencé par l’anglais. À son arrivée, il avait beaucoup de difficultés à comprendre les propos des gens de Québec. Il ne comprenait pas, entre autres, les présentations et les exposés oraux des autres étudiants dans ses cours. Toutefois, lorsque les enseignants parlaient, c’était plus facile car ils étaient plus compréhensifs et faisaient des efforts en conséquence.

Il eut la chance d’arriver au Québec en été, ce qui lui a donné le temps de s’habituer aux changements de température au fil des saisons. Le climat ne fut donc pas un obstacle. Il en aurait été différemment s’il était arrivé à la session d’hiver.

Maintenant

Ibrahima s’est très bien intégré à la société québécoise. Bien qu’au départ le côté un peu plus individualiste des Québécois l’ait frappé, il comprend maintenant que c’est dans la culture. Il est présentement assistant du cours « Introduction aux relations publiques » dans son département à l’Université Laval. De plus, il a acquis une plus grande facilité à comprendre le français version Québec. Il lui arrive même parfois de sortir quelques jurons typiques, un vrai Québécois!

Grâce à Skype et au téléphone, il reste proche de sa famille et de ses amis vivant un peu partout dans le monde. Son frère habite présentement en Inde, sa sœur aux États-Unis et son cousin en France. Ils ne sont pas encore venus lui rendre visite, mais il compte bien aller passer deux ou trois semaines en Côte d’Ivoire en décembre 2017. Bien qu’il n’ait pas d’amis étudiants ivoiriens, il continue de tisser des liens avec les étudiants québécois lors de soirées 5 à 7 et organise des soirées de chilling (détente) en dehors du cadre académique avec des étudiants d’autres nationalités. Il envisage de repartir après ses études, en fonction des options et des opportunités qui se présenteront d’ici la fin de son doctorat.

Comment les Québécois perçoivent l’Afrique

Les Québécois connaissent mal l’Afrique. Selon Ibrahima, ils sont toujours surpris lorsqu’il leur parle du continent, mais toujours curieux d’en apprendre plus. L’image qu’ils ont de l’Afrique, c’est la pauvreté, le stéréotype du safari et de la vie sauvage. Lors d’un 5 à 7, il montrait à des amis du Québec des photos d’Abidjan, sa ville natale. L’un d’eux lui a alors demandé comment il était possible qu’il y ait des building là-bas. Malgré le fait que ce soit tout de même la capitale de la Côte d’Ivoire, donc une grande ville, les gens ont encore de la difficulté à se l’imaginer. Une autre personne lui a demandé s’il se considérait chanceux d’être au Canada. Ibrahima a choisi le Canada pour étudier, ce qui n’est pas comme s’il avait été sauvé de son continent.

Conseils aux immigrants

Ibrahima explique que le Québec est un endroit où il fait bon vivre, mais qu’un étranger ne devrait pas venir pour le travail. Même si cela peut paraître malheureux, c’est une réalité. Les informations reçues par les services d’immigration lorsqu’il était en Côte d’Ivoire et la réalité en sol canadien ne concordent pas. On lui avait dit en Afrique qu’il était possible de se trouver un emploi au Canada dans son domaine, mais une fois arrivé ici, les employeurs exigent que la personne ait une expérience de travail canadienne. Malgré le fait qu’un immigrant ait toutes les qualifications nécessaires, il frappe tout de même un mur à son arrivée sur le marché du travail canadien et se retrouve à devoir accepter des emplois mal payés. De plus, cela coûte extrêmement cher à un étranger pour étudier au Canada s’il n’a pas de bourse ou d’entente entre les deux pays.

Il conseille également aux gens de ne pas s’attendre à être immédiatement intégrés. Il rappelle que l’intégration n’est pas automatique puisque la culture des pays d’Afrique et du Québec n’est pas la même et que cela peut prendre du temps avant d’être totalement accepté. Il rappelle aussi que ce n’est pas au pays d’adopter ta culture, mais l’inverse. Tu ne peux pas demander aux Québécois de changer leurs habitudes pour se conformer à ta culture. Mais l’inverse est aussi vrai : les Québécois doivent accepter que l’autre soit différent et ne pas l’opprimer dans ses pratiques et ses coutumes.

Après deux ans, Ibrahima est un ivoirien qui a su s’intégrer dans une société riche en couleurs et en histoire. Ce fut un plaisir pour moi de faire sa rencontre et d’enrichir mes connaissances sur le monde. Je lui souhaite le meilleur des succès dans ses projets futurs, qu’ils soient ici ou ailleurs.

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Kévin De Roy-Boucher et Ibrahima Massagninni Kone

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