République démocratique du Congo
38 David Alain Muadiamvita
Francis Lapierre
La curiosité, l’intérêt porté à l’autre, voilà ce qui a incité David Alain Muadiamvita à se projeter au-delà des frontières de son pays d’origine, la République démocratique du Congo, afin d’étancher sa soif de savoir sur les peuples d’ailleurs et leurs façons de vivre. En effet, dès le début de notre entrevue, M. Muadiamvita m’expliqua que la curiosité et le désir de découvrir furent pour lui d’une très grande influence dans le raffinement du regard qu’il portait sur la société humaine, tout au long d’un parcours qui l’a finalement conduit jusqu’au Québec.
La curiosité et l’aéronautique
Depuis qu’il est jeune, David Alain Muadiamvita a toujours été curieux de connaître les gens qui l’entourent, mais aussi ceux qui vivent dans les pays lointains. Enfant, il désirait connaître les différents modes de vie des peuples de la planète. Cette curiosité et cet intérêt envers son prochain sont venus se mêler à sa passion pour l’aéronautique. Puisque l’industrie de l’aéronautique est inexistante dans la République démocratique du Congo, il est très difficile d’y obtenir la formation nécessaire pour faire carrière dans ce domaine. La possibilité d’obtenir cette formation fut une grande motivation pour David Alain et lui donna la force de quitter son pays pour poursuivre son rêve.
C’est en France que David Alain se retrouva afin de suivre des études en aéronautique. Malgré un coût élevé, il poursuivit ses études tant bien que mal quelques temps, jusqu’à l’obtention de ses premières licences de pilote privé. Toutefois, afin d’obtenir une formation plus complète, il se vit forcé par des contraintes financières à se chercher une école de pilotage à l’extérieur de l’Europe. Deux choix s’offraient alors à lui : terminer ses études aux États-Unis à un coût dérisoire ou bien venir au Québec malgré le désavantage de payer une somme plus élevée.
David Alain se demanda alors comment choisir. Il en vint à la conclusion que la langue devait dicter sa décision. C’est ainsi qu’il choisit le Québec, puisqu’il maîtrisait parfaitement le français. Sa curiosité le conduisit à s’informer sur la province, sa culture, ses habitants, leurs usages et leurs traditions, etc. Il prit part à de nombreuses conférences organisées par la Délégation générale du Québec, afin d’obtenir le plus d’informations possible : « Il est important de savoir où l’on va et pourquoi on y va ». David découvrit rapidement que les Québécois sont très ouverts d’esprit et accueillants.
David Alain Muadiamvita arriva donc au Québec avec un bagage de connaissances sur notre société qui lui permit de s’intégrer très facilement. En effet, il décrit les Québécois comme étant accueillants et ouverts d’esprit, faciles d’approche. Il eut toutefois quelques difficultés, dans certaines circonstances, avec l’accent de quelques Québécois. En effet, il admet que plusieurs expressions locales peuvent être difficiles à comprendre. De plus, certains Québécois parlent très rapidement, ce qui peut nuire à la compréhension. À cela s’ajoute le langage très technique utilisé dans son environnement professionnel, ainsi que les nombreux anglicismes. Il témoigne que, malgré tout, son arrivée fut sans surprises et qu’il était bien préparé aux changements.
Aujourd’hui, M. Muadiamvita évolue toujours dans l’industrie de l’aérospatiale, et a étoffé ses expériences par une participation active aux efforts de développement communautaire. Il s’implique dans la société afin de mettre de l’avant une valeur chère à ses yeux : l’humanisme.
La relation avec le Québec
Une grande partie de notre discussion porta sur les valeurs de la société québécoise. En fait, David Alain Muadiamvita désirait bien plus discuter des valeurs et de leur influence sur nos vies que raconter sa vie. C’est d’ailleurs ce qui a fait, selon moi, le charme de cette entrevue.
M. Muadiamvita ne semble pas avoir vécu d’expérience qui ait pu ternir son attachement inconditionnel au Congo, son pays d’origine. Plusieurs fois au cours de la discussion, il mentionna qu’il s’agit d’un pays magnifique qui mérite d’être découvert et visité malgré les problèmes politiques. Nous avons donc discuté davantage de sa vision du Québec et de la relation qu’il a avec ses habitants. Tout d’abord, David Alain apprécie énormément le fait que les Québécois sont empathiques.
J’ai l’impression qu’on ne porte jamais de jugement gratuit au Québec. Les gens portent en eux cette faculté de pardonner assez promptement les offenses dont ils peuvent être l’objet. C’est d’une grande noblesse d’âme.
Toutefois, il a remarqué que cette société est constamment en évolution et que, lorsque l’économie ne va pas, la société cartésienne et l’attachement aux valeurs matérielles prennent le dessus sur l’humanisme. Le premier choc que David vécut au Québec fut d’apprendre la définition du terme slacker. Il trouve incroyable qu’une entreprise puisse se débarrasser de nombreux employés qualifiés et expérimentés lorsqu’il y a des ralentissements sur le marché, alors qu’ils sont l’expertise même de ladite entreprise. Il n’avait jamais vécu cela auparavant. Il s’agit d’une pratique qu’il déplore et l’une des raisons pour lesquelles il a quitté le domaine industriel pendant une très brève période afin de se concentrer sur l’implication sociale.
David Alain Muadiamvita vit très bien au Québec. Bien que l’être humain ait tendance à se chercher, il se dit suffisamment bien enraciné dans son pays d’origine pour pouvoir, sans nostalgie, disposer de la capacité à s’intégrer dans son pays d’accueil. Ce qu’il entend par là, c’est qu’à son avis, l’humain n’a pas nécessairement besoin d’être dans son pays d’origine pour savoir qui il est et ce qui fait de lui une personne à part entière, quel que soit l’endroit où il se trouve – ce qui lui permet d’être tolérant et de s’intégrer facilement. Il a d’ailleurs fait la comparaison avec le Québec et notre joual. Les Québécois se disent très souvent « tissés serrés » et cela se reflète notamment lorsqu’ils défendent leur langue et leur culture partout où ils vont.
Il est important de garder son identité, son joual, sa différence. S’enraciner, c’est un pas vers la tolérance.
Il s’agit, selon David Alain, de la plus grande explication du caractère accueillant des Québécois : ils savent qui ils sont, ce qui fait d’eux un peuple unique. Cette reconnaissance de soi « donne de l’énergie pour accepter les différences ».
Recommandations
Vous ne nous connaissez pas. Mais ce n’est pas seulement de votre faute.
David Alain Muadiamvita est affirmatif, les Québécois ne connaissent pas la communauté africaine qui vit dans leur ville. Une partie de cette ignorance est due à deux raisons, selon lui : d’une part, c’est une communauté qui fait rarement l’objet de reportages permettant une intégration souple et, d’autre part, elle n’est pas encore assez structurellement identifiable dans le paysage socioéconomique de Québec pour être un partenaire interactif. II serait d’ailleurs essentiel pour cette communauté de se forger une réelle identité afin d’être mieux reconnue par la société québécoise. Selon David Alain, la communauté africaine a quand même la responsabilité de faire les premiers pas.
Comme il l’a mentionné, il est important pour une personne immigrante de connaître son pays d’adoption. Il est encore plus important de s’assurer que cette migration est plus que le résultat d’un choix économique : « La culture du pays d’accueil doit nous intéresser parce que c’est par choix qu’on arrive au Québec. On s’épanouit à aller aux endroits où on sent un appel, où il y a une possibilité de créer des liens! ».
David Alain estime que la peur est créée par la méconnaissance. Il conseille aux personnes inquiètes par rapport à l’immigration de plutôt s’intéresser à ces arrivants, de s’informer sur leur vie et de comprendre qu’il ne faut pas se forger des a priori et des préjugés, mais plutôt regarder l’autre avec les yeux du cœur : « Nous devons regarder les choses de manière humaine ». Il conclut en disant qu’on s’enrichit de la différence, qu’elle soit culturelle ou sociale, et que la nature a tendance à nous rapprocher plutôt qu’à nous éloigner les uns des autres, nous qui vivons sur une petite bille suspendue dans l’univers, qui fait fi des frontières.
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