Togo
52 Benoit X
Christine Gervais
Benoit (pseudonyme) est un retraité vivant au Québec depuis 1972. C’est une personne charmante, joviale et déterminée. Il est père d’un enfant qui réside aussi au Québec. Très dévoué, il a déjà reçu un prix pour son implication dans l’intégration des nouveaux immigrants au Québec.
Ses premiers pas vers le Québec
Benoit, 73 ans, posa le pied dans la ville de Québec pour la première fois en 1966. Il avait déjà en poche un diplôme de son pays natal, mais souhaitait se spécialiser dans le domaine de la communication et des télécommunications. C’est pourquoi, à l’âge de 23 ans, il demanda un visa étudiant pour poursuivre ses études au Canada. Il arriva à Montréal, où une délégation étudiante le guida vers celui qui allait devenir son tuteur : le directeur de son école à Rivière-du-Loup. Il se considéra alors très chanceux, parce qu’il fut bien intégré et guidé. On lui apprit à s’habiller selon le climat, notamment. Il faisait partie de la famille et devint même « le frère » des enfants de son tuteur.
Durant ses années d’études, il remarqua qu’il était l’un des rares étudiants à être noir. Cependant, ce fut un atout, selon lui :
Ça a facilité aussi. Je me suis fait beaucoup d’amis de classe. Parce qu’on est différent, parce que tout le monde était curieux et venait nous poser des questions, fallait leur montrer le meilleur de nous. Fallait leur montrer que nous, on [ne] vient pas d’un village. Moi je viens de la capitale, je sais comment ça fonctionne. J’ai été dans des écoles, chez moi. Il y a des gens qui posaient des questions »stupides », ce qui est tout à fait justifié du fait qu’ils n’avaient aucune notion de comment la vie se passe là-bas [au Togo]. Alors c’était à moi de répondre.
À l’époque, l’Afrique était mal connue de tous. Les Québécois considéraient le continent comme un seul pays campagnard et pensaient que les villes africaines n’avaient rien d’industriel ou de métropolitain.
Il rencontra la femme de sa vie dans les années qui suivirent.
Son arrivée officielle
Quand Benoit termina ses études en 1970, il dut retourner dans son pays d’origine. L’année suivante, il fit sa première demande officielle pour immigrer au Québec et rejoindre sa femme. La demande fut refusée et il ne sut jamais pourquoi. Pourtant, il avait en main un diplôme, il parlait la langue, il connaissait déjà la culture… Sa femme l’aida, à distance, à faire avancer son dossier et « à pousser l’affaire ». C’est en 1972 qu’il put la rejoindre définitivement. À son arrivée, l’officier lui souhaita bad luck. Il le menaça de ne jamais pouvoir trouver un emploi. Cette méchanceté eut l’effet inverse et a grandement motivé Benoit!
Avec les années, il fonda sa famille et sa propre entreprise de télécommunication, une compagnie qui se spécialise dans les services aux navires grâce à l’implantation de systèmes de communication radio entre terre et mer. Ce travail l’amena à voyager partout dans le monde. Il vécut même quelques années en Alaska. Il faut croire que les hivers québécois ne lui ont pas fait peur!
Benoit a pris sa retraite il y a quatre ans. Il vit seul depuis deux ans maintenant, à la suite du décès de son épouse. Il n’a pas un cercle social très élargi. Il faisait partie d’un club de volleyball, mais son entreprise et ses clients passaient toujours avant ses activités et ses amis. Il faut dire aussi que, pendant sa carrière, il avait beaucoup plus de contacts qu’aujourd’hui. Avec le temps, ces amitiés n’ont pas perduré parce qu’elles n’étaient liées qu’au travail.
La vie en sol québécois
Selon lui, les Québécois sont des citoyens très respectueux d’autrui. Ce sont des êtres libres, qui respectent les lois, mais qui sont libres. Et dans leur liberté, ils respectent ceux autour d’eux. Cependant, quoiqu’ils soient accueillants, Benoit considère qu’ils n’aiment pas être dérangés dans leur routine.
Il pense aussi que les pays riches, comme le Canada, généralisent beaucoup en parlant de l’Afrique. Même encore aujourd’hui, il considère que les médias ne font que « remplir leurs lignes ».
Il est conscient que les Québécois et Québécoises peuvent s’inquiéter de l’arrivée d’immigrants. Ils pensent que les gens en région sont plus inquiets que les gens de la ville, car ceux-ci pensent que les immigrants vivent sur le dos de l’État et que ce sont alors leurs impôts qui servent à les faire vivre. Les mentalités doivent être modifiées. Les gens de la ville, eux, peuvent voir que les immigrants travaillent et tentent de s’intégrer. Le problème, pour Benoit, c’est que les immigrants qui ont un diplôme ne sont pas tous acceptés au Québec et, s’ils le sont, leur diplôme n’est pas toujours reconnu. Aussi, plusieurs immigrants ne parlent ni le français ni l’anglais, ce qui leur ferme des portes. Il y a donc une forme d’injustice. Benoit se dit très chanceux dans son parcours.
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