Togo
53 Béatrice X
Clara Huyghe
Béatrice (pseudonyme) est originaire de la région maritime du Togo en Afrique de l’Ouest. Le Togo est reconnu pour l’hospitalité de ses habitants ainsi que pour la diversité de ses paysages grandioses. La mère de Béatrice habite à Accra, au Ghana. Béatrice fut donc élevée par ses grands-parents dans une ville du sud du Togo, appelée Kévé.
Avant d’immigrer
Béatrice compléta son école secondaire dans sa ville natale avant de déménager au Nigéria. De là, elle enchaîna de nombreux emplois tels que gardienne d’enfants, coiffeuse et esthéticienne. Son mari, maintenant son ex-mari, était engagé au sein d’un groupe de jeunes universitaires togolais opposés au régime dictatorial de Gnassingbé Eyadema. Sa vie étant de plus en plus en danger au Togo, il décida de rejoindre Béatrice au Nigéria. La situation politique ne s’arrangeant pas, ils ont été approchés par l’UNHCR afin d’immigrer en tant que réfugiés politiques. Ayant le choix entre plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord, ils se sont bien informés avant de prendre leur décision. Esthéticienne à domicile de quelques expatriés au Nigéria, Béatrice a longtemps côtoyé la femme de l’ambassadeur d’Arabie Saoudite qui lui parla longuement du Canada dont elle avait une opinion très favorable. Béatrice et son mari prirent alors la décision, il y a de cela vingt ans, de déménager au Québec avec leurs deux garçons de neuf et six ans.
Vers une nouvelle vie
Pour Béatrice, la décision de partir ne fut pas un choix difficile, car elle suivait son mari, sa famille. Le choix du Canada, mais surtout du Québec, fut une évidence. Béatrice et son mari tenaient à offrir à leurs fils l’opportunité d’avoir une éducation en français, mais aussi en anglais. Étant donné que ses enfants habitaient aussi au Nigéria, qui est un pays majoritairement anglophone, elle espérait qu’ils continuent à parler ces deux langues. Le fait d’immigrer dans un pays bilingue était donc une valeur ajoutée, selon elle. Béatrice raconte que le mois de novembre est toujours teinté d’un peu de nostalgie, car cela lui rappelle leur arrivée au Canada. En effet, c’est un 14 novembre à la fin des années 90 qu’ils arrivèrent tous les quatre à l’aéroport de Montréal, accueillis par le spectacle de la neige. Béatrice s’était bien préparée à son arrivée au Canada. Sa belle-sœur qui habite en France et qui n’avait jamais mis le pied en Amérique du Nord l’avait prévenue de la rudesse du froid canadien. Aujourd’hui, ce genre de stéréotype sur le Canada la fait beaucoup rire, car elle sait qu’ils ne sont pas vraiment fondés.
À l’aéroport, ce fut une découverte. Les enfants sont sortis à l’extérieur et ont commencé à ramasser la neige, ils étaient tout simplement émerveillés!
Béatrice souligne que le fait de vivre quatre saisons distinctes est très agréable, et ce, malgré les premiers hivers très froids. Leur intégration s’est très bien passée. Les Québécois étant très accueillants, ils se sont tout de suite sentis acceptés.
À chaque fois que je croisais quelqu’un dans la rue, il me faisait un grand sourire, ce qui me rassurait.
Ses enfants éprouvèrent quelques difficultés d’adaptation sur le plan scolaire. Le système étant très différent du leur, cela leur a pris un peu de temps pour le maîtriser. Hormis ce changement, ils n’ont rencontré aucun problème d’intégration et se sont toujours considérés comme des Canadiens, voire des Québécois. Cependant, du côté de Béatrice, tout ne fut pas rose. En arrivant ici, après une année en tant que mère au foyer afin de faciliter l’intégration de ses enfants, elle décida de reprendre ses études. Tout d’abord, au secondaire, puis au cégep en soins infirmiers. La première année se passa très bien, mais c’est au début de son stage que tout se corsa. Une professeure qu’elle admirait pour son professionnalisme la méprisa tout au long de sa formation. Béatrice déclare tristement : « Elle me traitait comme si je n’avais rien dans la tête et elle osait même me dire que ce n’était pas moi qui avais complété mes devoirs ». Malheureusement, l’attitude de son enseignante tout au long de son apprentissage la contraignit à quitter ses études et à s’orienter vers un autre domaine. Malgré les encouragements de ses collègues, les remises en questions incessantes rendaient le climat trop lourd et elle n’eut d’autres choix que d’abandonner. Malgré tout, Béatrice n’a jamais considéré cela comme du racisme, car ce mot a une connotation trop forte selon elle.
Et aujourd’hui…
Béatrice est une femme heureuse. Ses enfants sont grands et travaillent tous les deux. Le cadet est agent de sécurité, tandis que l’aîné travaille dans l’immobilier. Quant à Béatrice, cela fait plus de treize ans qu’elle travaille en tant que préposée aux bénéficiaires au Centre de santé et services sociaux de Québec-Nord. Le côté relationnel de son travail est important pour elle et est une source de bonheur. Elle considère le Canada comme son pays depuis les premiers jours et se dit parfaitement intégrée.
Je ne me suis jamais sentie différente, les gens sont très accueillants!
Une chose qu’elle apprécie tout particulièrement au Québec, surtout dans le cadre de son travail, est la facilité d’accès à son supérieur. En Afrique, la structure d’une entreprise est ultra-hiérarchisée et rigide, tandis qu’au Canada, il y a une certaine proximité entre les employés de différents corps d’emploi. Cette proximité fut un choc culturel au début, mais elle apprécie maintenant ce fonctionnement et se sent beaucoup plus à l’aise au travail.
Une recommandation
Elle recommande aux nouveaux immigrants africains d’être conscients de la différence de culture et du fait qu’ils arrivent dans une société plus individualiste que collectiviste. Contrairement au Canada, les valeurs familiales sont très fortes en Afrique. Aussi, le Togo est une société patriarcale, il faut donc se préparer au changement. Généralement, au Togo l’homme subvient aux besoins financiers de la famille et laisse la majeure partie de l’éducation des enfants à la mère. Cependant, au Canada, l’homme et la femme sont considérés comme égaux et peuvent gagner tous les deux de l’argent pour subvenir aux besoins de la famille. Souvent, en arrivant dans ce genre de système, l’homme togolais peut se sentir délaissé et inutile et devenir complètement absent au sein du cocon familial. Béatrice recommande alors d’en parler ouvertement au sein du couple et d’impliquer l’homme dans les décisions concernant l’éducation des enfants, car cela pourrait causer des problèmes si les parents ne sont pas sur la même longueur d’onde.
L’avenir
Malgré le fait que Béatrice se sente chez elle au Québec et qu’elle rende souvent visite à sa famille restée au Ghana et au Togo, son pays natal lui manque, en particulier les plages le long du golfe de Guinée. Lorsqu’elle prendra sa retraite, elle désire retourner vivre au Togo, auprès de sa famille. Béatrice termine sur ce dicton : « La poule n’a jamais honte de son poulailler », car malgré le fait d’habiter dans un autre pays et de s’y sentir bien, on n’oublie jamais ses origines, d’où on vient.
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Commentaires/Errata