Cameroun
21 Adelle Simo et Florent Tchatchoua Liale
Claudia Bolduc
Adelle Simo et Florent Tchatchoua Liale ont quitté leur pays natal pour venir étudier et travailler au Québec en 2011. Ils ont surmonté bien des obstacles pour s’adapter à leur nouvelle vie. Voici leur histoire.
Du Cameroun au Québec, en passant par la France
Adelle et Florent sont originaires du Cameroun, mais plus spécifiquement de la province de Douala. Ils expliquent qu’au Cameroun, chaque ville, chaque région a ses propres coutumes et mœurs et que celles-ci diffèrent d’un bout à l’autre du pays. Au total, plus de 250 langues différentes coexistent au Cameroun. Ces nombreuses langues rendent parfois la conversation difficile entre les habitants qui ne viennent pas des mêmes régions.
La principale raison de leur départ du Cameroun fut leur désir d’étudier à l’extérieur du pays pour obtenir un diplôme qui serait reconnu internationalement. Florent quitta l’Afrique dans les années 1990 pour étudier en Méditerranée, aux États-Unis et finalement en France, en Hotel Management Marketing et Computer science, tandis qu’Adelle quitta le continent en 2002 pour aller étudier en France. Elle y passa un peu plus de huit ans et y fit tout son cursus universitaire, jusqu’au doctorat en sociologie du travail à l’Université de Strasbourg où elle fut codirigée par une professeure de l’Université Laval. Celle-ci joua un rôle déterminant dans son parcours et demeure une personne très significative pour elle, une référence, un mentor. L’engouement de Florent et d’Adelle pour l’aventure influença également leur décision de quitter leur pays d’origine. Au fil des années passées en Europe, ils réalisèrent qu’ils se plaisaient bien en Occident et que la perspective de revenir habiter au Cameroun leur convenait de moins en moins. Leurs habitudes de vie avaient changé et un éventuel retour dans leur ville natale les obligerait à devoir se réadapter à leur culture d’origine.
Installés en France depuis plusieurs années, leur goût de l’aventure les stimula à vouloir à nouveau changer de pays, changer d’environnement. Adelle vint d’abord au Québec en 2009 en tant que touriste et elle eut un coup de foudre. Elle convainquit rapidement Florent et toute la famille de faire le grand saut. Ce qui lui avait particulièrement donné envie de s’établir au Québec, c’était la possibilité de voir ses rêves se réaliser : le marché du travail de la Belle Province lui semblait plus ouvert qu’en France où les nombreuses barrières structurelles ralentissaient son avancement.
De l’arrivée à Québec à l’intégration
Le couple prépara son départ un peu plus d’un an à l’avance et immigra officiellement au Québec à l’hiver 2011. Déménager en famille leur permit de s’adapter plus facilement.
Parmi les facteurs qui aidèrent Adelle et Florent à bien s’installer à Québec, le programme de prêts et bourses aux étudiants, réservé aux résidents permanents et aux citoyens constitue, est l’un des plus importants. Selon Adelle, il constitue une aide non négligeable pour ceux et celles qui souhaitent reprendre des études mais qui n’ont pas de grandes réserves financières. Comme elle voulait retourner à l’université pour obtenir les qualifications qui l’aideraient à s’intégrer professionnellement, elle s’inscrivit à la maîtrise en sciences de l’orientation de l’Université Laval. Florent retourna aussi aux études dans le but d’obtenir un diplôme en informatique, car ses diplômes n’avaient malheureusement pas été reconnus. Féru de communication et de TI, il se familiarisa rapidement avec le monde des événements socioculturels et est actuellement responsable des communications du Conseil panafricain de Québec.
Florent et Adelle expliquent qu’ils n’eurent pas de difficulté à comprendre les expressions québécoises. En effet, rappelons que la codirectrice de thèse d’Adelle en France était d’origine québécoise, et Florent se dit avoir toujours été très à l’aise avec les langues et les expressions. Toute la famille put donc s’adapter très rapidement grâce aux cercles d’amis et au travail.
Parmi les éléments plus difficiles, Adelle mentionne le climat : elle n’est pas fan de l’hiver et Florent se décrit comme « l’être le plus frileux de l’univers ». Ils sont arrivés au Québec en plein hiver et ne s’attendaient pas du tout à des températures aussi extrêmes.
Aussi, Adelle fut déçue de constater que certains Québécois semblaient fermés sur eux-mêmes, plutôt réticents, froids et réservés dans leurs contacts avec autrui. Elle associe ce type de comportement à la peur de l’inconnu. Elle trouve particulièrement navrant de saluer les gens sans que la pareille lui soit rendue. Elle espère que la situation changera avec l’arrivée de davantage d’immigrants. Florent, quant à lui, a parfois été surpris de découvrir une tendance à l’hypocrisie chez certains, mais il apprécie la chaleur générale des relations.
Du côté des valeurs québécoises qu’elle chérit, Adelle mentionne le respect de l’autre. Elle affirme que les Québécois sont un peuple pour qui le respect des autres est très important. Cette valeur s’observe dans de nombreuses sphères de la vie, ce qu’elle considère comme une bonne chose.
Leur vie aujourd’hui
Le parcours surprenant d’Adelle lui a permis d’acquérir de nombreux diplômes universitaires. À ce jour, elle possède un doctorat, trois maîtrises et deux baccalauréats (licences). On peut également dire qu’Adelle est très bien installée à Québec. Elle et son mari ont acheté un jumelé à Ste-Foy et comptent y rester longtemps. Florent, grâce à son diplôme en technologies de l’information, a un très bon emploi au gouvernement du Québec, plus précisément au ministère de l’Environnement, en tant qu’informaticien. Il est bien intégré dans son équipe de travail. Vice-président et chargé des communications du COPAQ, très engagé dans la communauté, il est aussi promoteur et maître de cérémonie lors d’événements culturels et corporatifs. Il a animé pendant plusieurs saisons des émissions de radio à CKRL et à CKIA. Pour sa part, Adelle est chargée de cours et professionnelle de recherche à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, plus précisément en sciences de l’orientation. Dans ses recherches, elle s’ intéresse à l’insertion socioprofessionnelle de différentes clientèles : jeunes, femmes, immigrants, etc.
Pour le moment, Adelle et Florent ne pensent pas retourner habiter un jour au Cameroun. Ils souhaitent continuer à avancer dans la vie et ne pas revenir en arrière. Ils conservent toutefois de nombreux contacts avec leur pays natal, puisque la plupart de leurs frères et sœurs habitent toujours là-bas. Certains membres de la famille d’Adelle sont déjà venus lui rendre visite à Québec, telle que sa mère en novembre dernier. Adelle n’est toutefois pas retournée au Cameroun depuis quatre ans, et Florent depuis six ans.
En ce qui concerne les relations d’amitié, Florent a beaucoup plus de temps que sa femme pour socialiser, il est très connu et apprécié non seulement par la communauté québécoise, mais aussi par toutes les autres communautés grâce aux services qu’il rend et à son éternelle disponibilité. Adelle travaille beaucoup, ce qui ne lui laisse pas beaucoup de temps pour entretenir des relations interpersonnelles.
Bref, ils considèrent avoir réussi leur intégration principalement parce qu’Adelle a obtenu un emploi qui est en lien avec ses qualifications et parce que Florent est complètement épanoui entre ses engagements dans la communauté et son travail au ministère. Adelle soutient qu’un immigrant qui n’a toujours pas décroché d’emploi après cinq ans n’a pas réussi à s’intégrer correctement.
Fausses perceptions de l’Afrique
Au sujet de la vision qu’ont les Québécois de l’Afrique, Adelle et Florent soutiennent que le problème vient de ce que les médias montrent seulement le mauvais côté de ce continent, l’envers du décor. Ils expliquent qu’on représente souvent l’Afrique avec des cabanes, des huttes et des gens qui n’ont même pas de vêtements. On ne montre jamais l’Afrique sous son beau jour. Pourtant, l’Afrique est un continent bien plus développé qu’on le croit. Il y a de nombreuses universités et plusieurs intellectuels également. Adelle et Florent soutiennent aussi qu’il est tout à fait possible de préférer vivre en Afrique qu’en Occident. Ainsi, il faut arrêter de voir l’Afrique simplement comme un continent pauvre. Ils soulignent également que la plus belle richesse de l’Afrique réside dans la solidarité humaine. En effet, pour les Africains, l’être humain est plus important que l’argent et c’est quelque chose qu’on ne pourra jamais leur enlever.
Adelle et Florent mentionnent qu’il est parfois difficile de distinguer si les Québécois qui se ferment à eux sont simplement craintifs ou s’ils sont réellement racistes, parce qu’ils ne le disent pas ouvertement. Adelle ne se souvient pas d’avoir vécu une situation de racisme, mais c’est arrivé à sa fille : quand elle travaillait dans des magasins ou chez Macdonald, certains clients n’étaient pas gentils avec elle, d’autres évitaient de toucher sa main lorsqu’elle redonnait la monnaie et certains disaient qu’ils voulaient être servis par une Québécoise et non par elle.
Elle croit qu’au Québec, les gens ont souvent peur de l’inconnu si bien que, dès qu’un problème survient, certains n’hésitent pas à pointer du doigt les immigrants.
Recommandations
À ceux et celles qui voudraient venir étudier au Québec, Adelle et Florent recommandent d’être très bien préparés. Les études au Québec, c’est sérieux, c’est un travail à temps plein qui est très exigeant. Ayant étudié dans trois pays différents, Adelle affirme qu’étudier au Québec demande plus de rigueur qu’ailleurs et est très formateur. Il faut donc y être bien préparé pour ne pas échouer. Adelle explique qu’il y a très peu d’Africains qui partent directement d’Afrique pour venir étudier au Québec parce que les études y coûtent très cher. La plupart des Africains vont étudier en France parce que ça ne coûte presque rien, les immigrants payant le même montant que les Français. Donc, pour venir étudier ici, les immigrants doivent être issus d’une famille aisée ou avoir de bonnes bourses. Adelle et Florent considèrent qu’il est plus avantageux d’être résident permanent que de détenir un visa étudiant parce qu’il y a plus d’avantages et que l’accès aux programmes gouvernementaux comme les prêts et bourses est alors possible.
Aux Québécois et Québécoises qui s’inquiètent de l’arrivée d’immigrants, Adelle et Florent répondent qu’au Canada, un long et sérieux processus de sélection précède l’autorisation de l’immigration d’une personne ou d’une famille. Les dossiers sont analysés sur de longues périodes de temps, si bien que la plupart des immigrants qui arrivent ici sont sûrement de bonnes personnes.
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