Burkina Faso
5 Adama Konseiga
Emie Pelletier
Adama Konseiga est né dans la ville de Bobo Dioulasso au Burkina Faso. En 1993, il quitta son pays d’origine pour visiter le continent voisin, l’Europe, afin d’étudier au Centre d’Études et de Recherches sur le Développement International (CERDI). En 2000, passionné par la recherche, il démarra un doctorat chapeauté par la collaboration entre l’Université d’Auvergne en France et l’Université de Bonn en Allemagne. En 2004, ses efforts portèrent fruit et il reçut son diplôme de doctorat en sciences économiques. Entre temps, Adama Konseiga et sa femme eurent leur première fille qui naquit en France.
Une période sud-africaine
Pour la suite de sa carrière, Adama Konseiga hésita entre le Canada et l’Afrique du Sud. Son choix s’arrêta sur ce dernier pays. En effet, l’image stéréotypée qu’il avait alors des immigrants au Canada était celle de conducteurs de taxi, ce qui ne l’intéressait pas du tout. Il quitta alors l’Europe avec sa famille afin de s’installer en Afrique du Sud. Bon nombre d’ethnies cohabitaient dans ce pays, un défi qui fascinait Adama. En 2005, il obtint un contrat de chercheur au Département des sciences économiques et de gestion de l’Université de Pretoria. Parallèlement, il occupa un poste de chercheur postdoctoral jusqu’en avril 2007 au Centre de recherche sur la population africaine et la santé (Kenya). Toutefois, en raison du climat social tendu en Afrique du Sud, il décida de repartir et, cette fois, d’immigrer au Canada. Cette décision fut un choix personnel et assumé. Ce pays fascinait Adama Konseiga en raison de ses deux langues officielles, le français et l’anglais.
L’immigration au Canada
Adama arriva d’abord au Canada avec sa fille de trois ans pour découvrir le pays et sa culture. C’est le 27 mars 2007 qu’il atterrit à Montréal où il eut son premier contact avec la neige : « Nulle part ailleurs au monde, je n’avais vu ça ». Il passa le premier mois seul avec sa fille, découvrant les difficultés de lui trouver une garderie. Même s’il était seul et grandement occupé à prendre soin de son enfant, il suivit le processus d’immigration qui dura six semaines au total. Le personnel mandaté pour aider les immigrés accueillit Adama et lui offrit les formations nécessaires. Par exemple, il apprit à mettre en valeur son curriculum vitae pour augmenter la possibilité d’être embauché. Il adora passer du temps à la bibliothèque centrale de la ville de Montréal afin de se rapprocher de la culture de son nouveau pays. Les formations se déroulèrent bien : « Au bout de six semaines, je reçus un drapeau québécois et j’en suis toujours fier ». En mai 2007, M. Konseiga obtint un poste d’assistant de recherche au sein d’un groupe de recherche affilié à l’Université de Sherbrooke dans le domaine de l’économie et du développement international. Il eut également un contrat à la Faculté d’administration en tant que chargé de cours.
En septembre 2007, Adama obtint un poste à Québec, à l’Institut pour le Développement en Économie et en Administration (IDEA), et s’installa dans cette ville avec sa petite fille. Quelques mois plus tard, sa femme entama son processus d’immigration pour les rejoindre. Les retrouvailles furent appréciées après cette longue séparation! Malgré le froid, « nous avons fait nos chemins et on s’est bien intégré ». En effet, l’intégration de la famille se déroula particulièrement bien, car le fait d’avoir vécu en Europe leur avait permis de se familiariser avec le mode de vie occidental.
Culture et valeurs québécoises
Aujourd’hui, Adama Konseiga souligne la spécificité qui démarque les Québécois du reste du monde occidental : « les gens tiennent vraiment à leur but ». Mais parfois, ils se renferment un peu sur eux-mêmes… En effet, la famille habite dans une maison où elle côtoie le même voisin depuis plus de trois ans. Malheureusement, Adama sait qu’il ne franchira jamais la porte de la maison de son voisin en raison des valeurs culturelles qui les distinguent, alors qu’en France, un voisin l’aurait invité à prendre un café chez lui. Pourtant, pendant l’hiver 2009, alors qu’Adama voyagea à plusieurs reprises en raison de son travail à l’IDEA, le voisin rendit plusieurs services à sa femme qui était enceinte de leur deuxième enfant, par exemple en déneigeant la cour. À son retour, Adama offrit au bienfaiteur une bouteille de vin en guise de remerciement. Mais le voisin n’accepta pas ce cadeau, car il ne voulait rien en échange de ses services. En Afrique, le partage est une valeur essentielle qu’Adama partage avec sa famille et ses voisins. Ne pas être en mesure de « franchir des portes » dans son entourage est difficile et crée parfois des frictions.
Adama est épanoui dans la ville de Québec. Il souligne se sentir protégé par les droits dont les citoyens bénéficient : « Je trouve que, même avant d’avoir un passeport, on te fait comprendre que tu as les mêmes droits que les autres ». Son travail à l’IDEA lui a donné l’occasion de réaliser des missions au nord du Québec et dans le reste du Canada. Depuis qu’il a quitté son pays d’origine, c’est au Québec qu’il s’est senti le mieux accueilli. Les membres québécois de son entourage professionnel et amical aiment bien l’intégrer dans diverses activités. Lorsqu’on lui dit « nous sommes tous des immigrants », cela le rassure, car il sait qu’il n’est pas le seul à vivre cette expérience.
Musulman, Adama Konseiga célèbre parfois les grandes fêtes occidentales qu’il a connues et adoptées au moment où il vivait en Europe. Ses enfants sont imprégnés de la culture québécoise et de ses fêtes. À cet effet, la famille décore la maison pour l’Halloween et célèbre la tradition avec les enfants du quartier.
Lorsqu’il travaillait à l’IDEA, Adama devait voyager souvent, ce qui devenait exigeant. Pour cette raison, il occupe depuis juin 2012 un poste de conseiller en planification stratégique au ministère du Tourisme de Québec. De plus, il partage la gestion du restaurant africain La Calebasse avec son amie Agathe Aphoué. Bon nombre d’individus les aident dans ce projet entrepreneurial en leur offrant de leur temps, car le domaine de la restauration n’est pas simple à Québec. Les activités de promotion du restaurant ont permis à Adama de se rapprocher de la communauté africaine de Québec et de nouer de nombreux liens avec plusieurs immigrants. Sa collègue et lui ont réussi à faire leur place au sein de la communauté et à faire de ce restaurant un lieu de rencontre convivial incontournable.
Combattre les préjugés
Selon Adama, les Québécois construisent leur perception de l’Afrique subsaharienne à partir de ce que racontent les médias qui mettent surtout l’accent sur la pauvreté et la misère de l’Afrique et accentuent ainsi les préjugés. Il est difficile pour les membres de la communauté africaine d’atténuer l’image que les Québécois ont d’eux. Mais l’inverse est aussi vrai : des images déformées circulent en Afrique à propos de l’Occident. Adama Konseiga raconte que, lorsqu’il a quitté son pays en 1993 pour s’installer en France, des amis lui disaient : « ça va être facile pour toi, alors dès que tu arrives, envoie-nous 100 francs français ». En effet, ceux qui restent au pays bénéficient du départ de l’autre. Cependant, une fois arrivé dans le pays d’accueil, Adama s’est rapidement aperçu que 100 francs français équivalaient à une grosse journée de travail et même plus…
Adama hésite à toujours conseiller à des personnes d’immigrer au Canada. Déménager n’est pas toujours la meilleure solution pour amasser le plus d’argent. Certains sont mieux là où ils vivent. Tout de même, le Québec peut assurer un avenir stable aux familles immigrantes. Adama Konseiga sait que ses enfants seront dans une situation intéressante dans l’avenir, car ils seront plus intégrés que lui. « Ce n’est pas matériel, ce que l’on vient chercher ici, c’est un avenir visible ».
Afin d’atténuer les inquiétudes des Québécois au sujet de l’immigration, Adama Konseiga leur suggère d’aller sur le terrain, en Afrique, et de découvrir de nouvelles cultures. Il est important de demeurer ouvert d’esprit et d’aller à la rencontre des autres. Il ne faut pas avoir peur.
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