Cameroun

18 Marianne Lamère

Alexandra Pérez

Marianne Lamère est née au Cameroun, plus précisément dans le royaume bamoun de la province de l’Ouest. C’est en 1990 qu’elle est venue retrouver son mari installé au Québec depuis l’année précédente, dans le cadre d’un regroupement familial. La famille est maintenant composée de trois enfants.  Le premier est arrivé à l’âge de 2 ans au Québec et les deux filles sont nées au Québec. Leur fils Olivier-Edgar a étudié aux HEC à Montréal et travaille en marketing et vente. Leur fille aînée, Ornella-Wendy, a obtenu une double licence en droit et en développement international et mondialisation à l’Université d’Ottawa. Elle vient tout juste de réussir son examen du Barreau et continue avec le programme de Juris Doctor (Common law). La plus jeune, Arlène-Audrey, étudie en kinésiologie, option Ergonomie à la Faculté de médecine de l’Université Laval. Voici l’histoire d’une femme énergique et bonne, engagée au service de la communauté.

Culture camerounaise

La région de Bamoun d’où vient Marianne Lamère est réputée pour sa culture, son artisanat et ses traditions séculaires. Elle nous a montré de très beaux tissus provenant de la culture bamoun qui présentent les 18 dynasties royales. Nous avons pu ressentir la fierté et le sentiment d’appartenance de Marianne Lamère envers sa culture, c’était très touchant. Elle nous a parlé d’un grand événement qui se produit tous les deux ans et qui se nomme Nguon. Cette tradition, qui en était à sa 546e édition en décembre 2016, regroupe toute la population bamoun, ainsi que de nombreux touristes et amis des arts locaux et internationaux pendant trois jours pour célébrer la culture et les traditions bamoun. Chaque journée est remplie d’activités telles que des danses traditionnelles, des cérémonies rituelles, des soirées récréatives et des expositions de trésors artistiques du peuple bamoun.

Son mari Victor ne vient pas du même royaume, même s’il est aussi de l’Ouest du Cameroun. C’est pourquoi ils n’ont pas la même langue maternelle.

Du Cameroun au Québec

Après ses cinq années d’université au Cameroun, Marianne Lamère avait obtenu ses diplômes de professeur des collèges, puis de professeur des Lycées d’enseignement technique. Pourquoi quitter le Cameroun et s’installer à Québec en 1990? Ses raisons de partir étaient doubles : la poursuite de ses études, mais aussi le regroupement familial. Son mari, Victor Dzomo, était en effet arrivé le premier au Québec en 1989 pour ses études doctorales, comme c’était habituel de faire à l’époque. Elle l’a rejoint l’année suivante, accompagnée de leur fils aîné âgé de deux ans. Son mari avait alors pris la décision de quitter le campus et de louer un appartement afin d’avoir assez de place pour la famille.

Ce qui l’a vraiment convaincue d’embarquer dans cette aventure vers le Québec, c’est lorsque le Canada a conclu une entente avec le Cameroun en formation professionnelle, visant à expérimenter le programme canadien d’enseignement et de formation professionnels dans quelques établissements techniques : le programme d’assistance en enseignement technique (PAET). Dès son arrivée au Canada, elle a obtenu la lettre d’admissibilité lui permettant d’enseigner du ministère québécois de l’Éducation, des loisirs et des sports. Cependant, afin d’enrichir son parcours académique, elle a décidé de s’inscrire à une maîtrise en sciences de l’éducation (technologie éducative) à l’Université Laval qu’elle a obtenue en 1994.

Après l’obtention de cette maîtrise, Marianne a fondé un organisme qu’elle a dirigé et dirigé pendant une dizaine d’années. Il regroupait des services intégrés pour soutenir les familles ayant des jeunes enfants et leur permettre d’avoir du répit, d’intégrer le marché de l’emploi et de concilier travail-études-famille. Par la suite, elle a œuvré à titre de chargée de projet à l’Université Laval avant d’intégrer le monde de l’entrepreneuriat qui la passionne au fil des jours. Son parcours professionnel depuis son arrivée au Québec est coloré par son grand désir social de venir en aide aux autres, de même que sa passion pour l’organisation et la gestion d’événements dans un contexte d’échanges interculturels. C’est une vocation chez elle.

L’accueil des Québécois et l’adaptation

Quand Marianne est arrivée à Québec, ce fut très facile pour elle de s’adapter, car son mari était là pour elle. Un de ses atouts était sa maîtrise du français, ce qui facilita la communication et les relations avec les Québécois. En effet, même s’il existe plusieurs langues au Cameroun, les deux langues officielles sont le français et l’anglais. Madame Lamère et monsieur Dzomo se sont créés des amitiés très fortes. À titre d’exemple, ils ont rencontré un couple de Québécois, Réal et Sylvie, sur le Chemin des Quatre-Bourgeois, durant l’été 1990. Depuis, ils sont devenus de très bons amis et se voient régulièrement.

Les Québécois sont des gens très ouverts, quand on arrive quelque part, au début il peut y avoir de la méfiance, mais aussitôt qu’on se parle et s’ouvre à l’autre, on se comprend et les relations deviennent fluides et sincères.

Évidemment, lorsqu’on arrive dans un nouveau continent, un nouveau pays, on doit s’adapter au mode de vie local. même si Marianne avait un excellent français parlé et écrit, ce n’était pas toujours facile, au début, de suivre et comprendre ses cours en raison du français québécois. Elle se souvient par exemple avoir entendu dire « ou bedon » [déformation de « ou bien, donc, »] dans l’un de ses premiers cours. Elle n’avait bien sûr aucune idée de ce que cela signifiait!

« Notre politique c’est la porte ouverte »

La famille de madame Lamère n’a jamais subi d’acte flagrant de racisme au Québec, ni les parents, ni les enfants. Pour ces derniers, le sport a joué un rôle notable dans leur intégration. « Nos enfants sont des sportifs, ils ont toujours fait du sport tout en excellant dans leurs études, sans négliger celles-ci. Nous avons déjà été sportifs nous aussi, j’ai joué au handball collégial et universitaire, quant à Victor, il était dans l’équipe de basketball de son université. » Pour le couple, il est important d’être présents dans la vie de leurs enfants et de les encourager à faire du sport. Ils font aussi toujours preuve d’ouverture, une valeur importante pour eux et qui leur a permis d’avoir de bonnes relations avec les Québécois. « Les enfants ont des amis, des camarades, et si on veut apprendre à les connaître et les comprendre, on les invite à la maison, ils sont les bienvenus. » Pour eux, c’est très important de créer de bonnes amitiés. Leurs voisins, leurs amis, leurs connaissances sont toujours les bienvenus chez eux et la dégustation de mets africains est toujours au rendez-vous. Dans la communauté africaine de Québec, madame Lamère est considérée comme une personne ressource pour les nouveaux arrivants qui ont besoin de références et de conseils. On l’appelle souvent « Maman Marianne ».

Valeurs québécoises

Marianne apprécie beaucoup l’ouverture d’esprit des citoyens québécois, qu’elle trouve chaleureux, accueillants et très généreux. « La société telle qu’elle est faite, l’organisation municipale, etc., tout est organisé pour que les gens vivent bien ». Elle mentionne notamment les comptoirs alimentaires et vestimentaires pour les étudiants qui n’ont pas assez d’argent ou les personnes dans le besoin. Elle trouve formidable de voir une société prendre ainsi soin des gens qui ont besoin de soutien. Au fil des années, elle a remarqué l’importance du réseautage entre les personnes.

Il y a beaucoup d’occasion de réseautage, c’est vraiment bien au Québec. Quand les personnes ne s’enferment pas chez elles et vont vers les autres, ça crée du réseautage et ça crée des liens.

Il n’y a pas vraiment de valeurs québécoises qu’elle n’aime pas. Elle se sent bien au Québec. Cependant, il y a des habitudes qui la rendent triste. Dans certaines familles, elle a observé des comportements irrespectueux des jeunes à l’égard de leurs parents. Marianne explique que le respect entre parents et enfants est important dans sa culture. De plus, elle trouve difficile de voir des familles placer les aînés dans des résidences pour personnes âgées alors qu’elles pourraient s’en occuper.

Je trouve cela difficile, c’est triste, car ces personnes âgées ne méritent pas ça. Ce n’est pas généralisé, mais puisque le système est fait ainsi, puisque le rythme de vie ne permet pas à certaines familles de s’en occuper, c’est comme ça, ça se comprend. Il devrait y avoir beaucoup plus de visites de leurs proches. Je remarque qu’entre les membres d’une famille proche, ça peut faire beaucoup de temps qu’ils ne se sont pas vus, quand bien même il n’y a pas de problème entre eux.

Pour elle, il est très important de prendre soin des relations familiales. Même si madame Lamère ne va pas au Cameroun chaque année, elle garde un contact étroit avec sa famille et lui parle très régulièrement. Lorsqu’elle, son mari et ses enfants rendent visite à leur parenté au Cameroun, leurs familles sont toujours heureuses de les recevoir et font tout en leur pouvoir pour rendre leur séjour le plus agréable possible.

Comment les habitants de Québec perçoivent-ils l’Afrique en général?

Selon Marianne, les Québécois ne sont pas toujours bien informés sur les pays étrangers, en particulier le Cameroun. Plusieurs personnes lui disent : « Vous venez de l’Afrique? », alors elle doit expliquer que l’Afrique est un continent et non un pays. Souvent, les gens croient qu’en Afrique, il y a tout le temps des catastrophes, des guerres, le sida, etc. C’est évidemment l’image qui est donnée par les médias aux Québécois qui n’ont pas d’autres référents, ce qu’elle trouve bien dommage.

Toutefois, les malentendus se font aussi dans le sens inverse. Madame Lamère donne comme exemple la première fois où sa mère est venue les visiter et a eu pitié d’elle et de son rythme de vie accéléré : « Vous faites comment pour passer à travers toutes les tâches quotidiennes, vaisselle, jardin, maison, courses? Vous ne vous reposez pas? ». Au Cameroun, explique Marianne, les familles aisées ont souvent des nounous, des employés qui font le ménage, le jardin, les repas, etc. Au Québec, les gens ont rarement les moyens d’engager quelqu’un pour s’occuper des tâches ménagères, de l’entretien du jardin ou pour préparer les repas!

Recommandations pour faciliter l’arrivée au Québec

Selon Marianne, les gens du Cameroun qui arrivent au Québec ne sont pas toujours assez sensibilisés à la réalité de la Belle Province.

Les services d’immigration font ce qu’il faut, ils donnent l’information, mais avant de quitter, il faut que les immigrants soient mis au courant de la réalité : ce n’est pas facile, il faut chercher, il faut avoir l’expérience. Certains pensent qu’avec juste leur diplôme, ils vont réussir à trouver un travail. Mais non, ce n’est pas ça, la réalité.

De plus, elle insiste sur le fait que lorsque les Africains arrivent au Québec, ils doivent aller vers les autres. Il faut qu’ils s’ouvrent aux Québécois. Elle les encourage à ne pas rester chez eux et à participer à des activités pour s’intégrer.

La plupart ne participent pas assez aux activités, organisées dans la ville, pourtant il y en a tellement, et la plupart sont gratuites.

Mieux vivre ensemble

Nous avons demandé à Marianne Lamère si elle avait un message pour les Québécois qui s’inquiètent de l’arrivée d’immigrants. Elle nous a répondu :

Il faudrait qu’ils abattent les préjugés. Il y a beaucoup de préjugés. Quand on parle d’un Africain, l’image qu’on a souvent, c’est qu’il est pauvre, qu’il vient chercher de l’aide, etc., alors qu’il a aussi des valeurs et compétences à partager avec la communauté d’accueil.

De plus, elle trouve très important d’aborder l’autre et de discuter avec lui, pour apprendre à le connaître et le comprendre : la communication, c’est la clé des bonnes relations. Elle nous laisse avec un mot de la fin très touchant : « Il faut abattre les préjugés pour pouvoir vivre mieux ensemble pour que tous contribuent à l’avancement de la société ».

Alexandra Perez, Marianne Lamère, Victor Dzomo et Anne-Renée Turcotte
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Palais royal de Foumban
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Musée royal de Foumban

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