Bénin

2 Appoline Fonton

Amélie Houle

Établie il y a à peine six ans au Québec pour poursuivre ses études supérieures, Appoline Fonton a vu son parcours de vie se modifier quelque peu en cours de route. La jeune femme de 34 ans, mère d’un garçon de 16 mois, est devenue résidente permanente du Canada en août dernier avec son mari. Voici la petite histoire d’une jeune femme du Bénin qui a choisi le Québec comme terre d’accueil.

Le choix du Québec pour les études

Déjà mariée, avec une maîtrise en droit des affaires en main, Appoline a reçu une bourse de trois ans de la part de l’Agence universitaire de la francophonie pour quitter le Bénin et compléter un doctorat dans un pays francophone. Loin d’être seule dans ce processus, la jeune femme a eu la chance de pouvoir sauter à pieds joints dans l’expérience avec son mari, qui lui aussi a bénéficié d’une aide financière.

Mais pourquoi avoir choisi le Québec comme endroit alors que la France était à quelques heures seulement du continent africain? La question ne fut pas très difficile à répondre pour Appoline et son mari. Le Québec leur a semblé être le meilleur endroit pour leur permettre de poursuivre leurs études et, par le fait même, découvrir un nouveau continent. « On a choisi la ville de Québec puisqu’on voulait aller voir ce qui se passait ailleurs et il faut dire que l’Université Laval était bien cotée. »

L’expérience aurait toutefois été totalement différente si son mari n’avait pas été à ses côtés lors de ce périple. « Je ne peux pas prévoir ce qui se serait passé s’il n’était pas venu, mais ça aurait été différent du parcours que l’on a aujourd’hui. »

L’arrivée au Québec

Leur arrivée au Québec, en plein mois de décembre, ne fut pas de tout repos. Dès les premiers jours en sol québécois, Appoline et son mari réalisèrent que leurs vêtements n’étaient pas adaptés aux conditions météorologiques du Québec. Trouver un logement a aussi été problématique pour le jeune couple « C’était un cercle vicieux, c’était difficile de trouver un logement, car on devait faire une enquête de crédit même si on n’avait jamais vécu ici. Donc sans logement, tu ne peux pas avoir de compte bancaire et sans compte, tu ne peux pas avoir de téléphone », précise-t-elle. L’hôtel s’est révélé être le meilleur choix pour le couple pendant la recherche de logement.

Appoline n’a jamais cessé d’y croire et le couple a tout de même réussi à se trouver un logement à l’extérieur du campus universitaire après quelque temps. « On s’en est sorti, car la résilience fait partie de ce qu’on a toujours vécu. On sait que pour avoir ce qu’on veut, il faut faire des efforts. »

Dès son arrivée au Québec, elle reçut l’aide d’une compatriote. C’est donc une dame travaillant avec le directeur de thèse d’Appoline qui lui est venue en aide dans plusieurs aspects de la réalité québécoise, notamment pour l’habillement et la nourriture. « En tant que nouveau, on cherche toujours à comprendre l’environnement dans lequel on vit. Il faut beaucoup chercher et il faut aller vers l’information, car elle ne vient pas à toi facilement. »

Choc culturel

Plusieurs diront que se préparer avant d’arriver dans un autre pays est la clé du succès. Une chose est certaine, les véritables chocs culturels se constatent seulement sur place. Appoline en sait quelque chose. À peine sortie de l’avion, la jeune femme a vécu un véritable choc en ce qui a trait au climat. La neige était présente en quantité monstre et ses vêtements ne convenaient pas du tout. « Souvent, on demande quand on arrive à des amis africains de nous aider avec certaines informations qu’on ne connaît pas. »

Deuxième constat, la langue. Savoir lire et écrire le français est une chose, mais apprendre à bien comprendre l’accent québécois en est une autre. Même si Appoline et son mari avaient pris l’initiative d’écouter des émissions francophones et québécoises avant leur arrivée, la réalité fut différente en sol québécois. « La langue pour les études, je n’ai pas eu de problèmes, mais l’accent dans la rue, ce n’est pas le même. »

Après quelque temps passé avec les Québécois, Appoline a constaté que la manière d’entrer en relation avec les autres et la salutation d’une personne à l’autre étaient différentes de ce à quoi elle était habituée au Bénin. « Ici, on n’a pas besoin de dire bonjour alors que dans mon pays, c’est obligatoire pour entrer en relation avec des personnes qu’on ne connaît pas du tout. C’est très différent. »

Même à des kilomètres de sa famille, Appoline s’est rapidement aperçue que les Québécois ont des habitudes différentes en ce qui concerne les habitudes familiales. Même si elle avait déjà vécu seule avec son mari quelque temps après ses études à la maîtrise au Bénin, habiter au Québec ne les empêcha pas de garder un contact régulier avec sa famille. « Ce qu’il faut comprendre c’est qu’en Afrique, il n’y a pas de prêts et bourses, ce sont tes parents qui financent tes études. En dehors des standards de l’éducation familiale, cela renforce les interactions avec eux et on garde toujours des liens, même si nous sommes loin », mentionne-t-elle.

Après quelques années passées en sol québécois, Appoline a remarqué une valeur chère aux Québécois qu’elle adore, leur simplicité. « Si on compare les Québécois aux cousins français, j’adore leur simplicité. S’ils souhaitent manger avec leurs doigts, personne ne s’en préoccupe. »

Les préjugés subsistent

Malgré l’attachement qu’elle a pour le Québec, Appoline a rapidement constaté que certains préjugés subsistent concernant la communauté africaine. Même s’il ne faut pas généraliser, Appoline s’aperçut que les gens ne sont pas toujours aussi ouverts qu’ils le prétendent. « Je ne peux pas dire que j’ai des amis, mais des connaissances. C’est comme si la place réservée à l’amitié est saturée. Mais ça ne me gêne pas, je comprends que chaque culture a ses réalités. »

Faire des études supérieures lorsqu’on est africain, c’est une chose tout à fait plausible, mais Appoline a remarqué que les Québécois étaient sceptiques lorsqu’elle leur racontait son parcours de vie. « Pour certains Québécois, un Africain qui va longtemps à l’école, ça ne se peut pas. J’ai aussi découvert que c’est comme si on n’avait pas le droit d’être plus riche et que notre vocation, c’est être pauvre à jamais. Donc quand on vient au Québec, plusieurs croient que le gouvernement nous fait venir pour nous nourrir et nous donner une vie meilleure. »

Se trouver un emploi peut aussi être complexe. Même si se trouver un emploi sur le campus pour un étudiant étranger peut être facile, la jeune femme a entamé des démarches après sa grossesse pour se trouver un emploi à l’extérieur des murs universitaires, mais rien ne s’est encore présenté.

Avec tous les moyens qui sont à la disposition des Québécois pour s’informer, Appoline est d’avis que plusieurs ont tendance à juger sans s’informer. « Ne vient pas ici qui veut, mais qui peut financièrement. Il faut un minimum de 6 000 $ et le prix du vol n’est pas inclus. Avec tout le matériel à leur disposition, il serait intéressant que les Québécois s’informent sur ces réalités avant de nous juger. »

Fière de son parcours de vie

Signe que la vie nous réserve parfois des surprises, et malgré les heures de sommeil qui ne sont pas toujours au rendez-vous avec un enfant de 16 mois et un doctorat à compléter, Appoline Fonton estime que la résilience et le courage peuvent mener une personne à aller loin dans la vie. Après six années passées au Québec, elle commence peu à peu à se sentir intégrée et a foi en la bonté de l’humain.

Le Québec reste une province où il fait bon vivre. À preuve, visiter plusieurs villes et régions du Québec ne fait pas peur à Appoline et son mari. De Gaspé à Québec et encore plus de découvertes pour les années à venir, qui sait où la vie les mènera.

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Amélie Houle et Appoline Fonton

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