Burundi

13 Athanase Rwamo

Catherine Heppell

Athanase Rwamo grandit au sein d’une famille chrétienne de douze enfants dont le père était proche des missionnaires, ce qui lui permit d’envoyer ses enfants à l’école. Tout au long de son enfance, Athanase fut témoin de conditions de vie misérables au Burundi et de conflits incessants.

La vie avant de quitter le pays

Le Burundi d’Athanase Rwamo, petit pays de 27 834 km2 et dont 93 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour, est classé parmi les pays les plus pauvres d’Afrique. Depuis l’indépendance, il a été marqué par des guerres ethniques qui ont laissé beaucoup d’orphelins, abandonnés à eux-mêmes et ne pouvant pas aller à l’école. Athanase évolua dans un pays où la liberté de s’exprimer était impossible, seule la liberté de penser était possible… S’opposer au pouvoir pouvait conduire à la peine de mort. Les Burundais et Burundaises étaient donc obligés de conserver leurs opinions pour eux-mêmes.

On a la liberté de penser, mais on ne peut pas l’exprimer. Si on n’est pas pour le pouvoir, on vous tue. On garde tout à l’intérieur et cela tue mentalement quand on n’arrive pas à dégager ce qu’il se cache à l’intérieur.

Athanase Rwamo poursuivit ses études à l’Université nationale du Zaïre (République démocratique du Congo) en sciences politiques et administratives et occupa d’abord un emploi au sein du ministère de l’Intérieur avant de s’impliquer dans la grande et noble cause des enfants de la rue. M. Rwamo a eu quatre enfants, soit trois garçons et une fille.

Du Burundi vers le Québec

Athanase Rwamo vint en sol québécois à plusieurs reprises pour suivre des formations ou encore assister à des conférences avant de s’établir officiellement au Québec. « Le Burundi était dans une situation de quasi guerre. Nous, la société civile, étions les plus menacés, donc certains sont partis en Europe, certains sont venus ici », explique-t-il. Ce n’est toutefois pas seulement la violence au Burundi qui le fit partir. Il souhaitait aussi rejoindre ses deux fils déjà installés à Québec pour leurs études. La langue française l’incita également à choisir le Québec plutôt que l’Europe.

Athanase m’a confié que quitter son pays d’origine fut une épreuve très difficile, même en sachant que c’était pour le mieux.

Aucun n’immigrant n’éprouve de la joie à quitter son pays, car il doit le faire malgré lui, à cause d’une contrainte comme la guerre. En quittant notre pays, on laisse nos familles, nos biens dont nous ne savons pas ce que l’avenir leur réserve. Peut-être qu’ils seront détruits. Si on réussit à s’échapper, c’est déjà beaucoup. Il faudrait que l’autre aille l’amabilité de nous accueillir.

Arrivée au Québec

Athanase Rwamo réside dans la Ville de Québec depuis maintenant trois ans. M. Rwamo dit, somme toute, ne pas avoir eu de problèmes majeurs d’intégration. Il a d’abord été accueilli par la communauté du quartier Maizerets, dans le secteur de Limoilou où il s’est établi. Étant catholique pratiquant, ses premiers échanges avec la population québécoise se firent d’abord dans la paroisse. Des prêtres et religieuses lui ont confié certaines tâches diverses, dont celle de donner des cours de français aux allophones.

Ce premier contact m’a permis de m’intégrer et de faire connaissance avec certaines réalités québécoises. En enseignant le français, je devais beaucoup lire et enseigner aux gens la culture québécoise. Donc je n’avais pas le choix de lire et de m’informer pour connaître moi-même cette culture.

Environ six mois plus tard, on lui a demandé de siéger au Conseil de quartier de Limoilou. C’est grâce à ces expériences bénévoles qu’il put ensuite décrocher son premier travail rémunéré à Québec au sein d’Entraide Agape, un organisme soutenu par Centraide. Son mandat consistait à développer une base de données ainsi qu’un bulletin d’information. Il bénéficia d’une prolongation de ce contrat pour six mois additionnels et œuvra pour un programme qui expédiait des vêtements dans des pays défavorisés et pour un autre qui s’occupait des personnes âgées. Finalement, Athanase Rwamo travailla pendant trois mois pour La Maison Dauphine de Québec qui vient en aide aux enfants de la rue. Ayant atteint l’âge normal de la retraite au Québec, il devint ensuite beaucoup plus difficile à Athanase de se trouver du travail.

C’est dur, la situation financière, mais ma femme et mon fils ont des emplois, alors nous nous soutenons à trois. Je travaille à la mise sur pied d’un travail autonome, car malgré mon âge, je suis encore en santé et en forme et j’aimerais être consultant pour les enfants en difficulté.

La vie à Québec

« Le plus difficile, c’est l’hiver! Le plus froid chez moi était 15 degrés », s’exclame Athanase Rwamo. En effet, la température semble avoir été le plus grand choc auquel M. Rwamo a dû faire face au Québec.

Athanase Rwamo trouve que les gens sont très gentils, mais que la culture québécoise est très différente de la sienne. Même si la religion principale au Québec est le catholicisme tout comme dans son pays d’origine, il soutient que le Québec est surtout catholique « par les noms ». Il fait notamment référence aux noms donnés aux institutions, villes, villages, tels que Saint-Hubert ou Saint-Jean-Sur-Richelieu, dont les noms font référence à la sainteté. « Quand on arrive, on pense qu’on va trouver la même ferveur religieuse qu’au Burundi, mais pas du tout », dit-il.

Athanase Rwamo mentionne qu’un des avantages de vivre au Québec est la démocratie. Ici, les immigrants ont le droit de parler, de s’exprimer et de dévoiler leurs opinions. De plus, au Québec il y a une classe moyenne, ce qui est une différence majeure en comparaison de son pays d’origine. Dans son pays, il y a les pauvres ou les riches, sans juste milieu, tandis qu’au Québec, la grande majorité de la population fait partie de la classe moyenne. « Autant les riches et les pauvres ont accès aux marchés ici. Dans mon pays, on vit surtout de ce qu’on produit ». D’ailleurs, M. Rwamo dit qu’au Burundi, il n’est tout simplement pas possible de vivre du salaire minimum tandis qu’au Québec, c’est possible même si ce n’est pas nécessairement facile. Au Burundi, une personne ayant un salaire minimum pratique toujours une deuxième activité : soit elle cultive la terre, soit elle a une petite boutique pour subvenir à ses besoins.

Athanase Rwamo ne semble pas avoir vécu d’expériences de racisme ou de préjugés, même s’il a été quelquefois confronté à des personnes tenant des propos peu flatteurs envers les immigrants. M. Rwamo cite d’ailleurs quelques-uns de ces propos tels que « moi j’aime les étrangers, mais chez eux, pas ici » ou encore « toi je te tolère, mais je n’aime pas voir les arabes ».

Un regard vers l’avenir

Pour être heureux, il faut rendre l’autre heureux. En aidant les immigrants, on se fait également un cadeau en tant que québécois. Il faut être solidaires, soutient-il en s’adressant aux Québécois.

Pour Athanase Rwamo, devoir vivre dans un autre pays par contrainte est une triste réalité à laquelle sa famille et lui doivent faire face.

Mon pays me manque bien sûr, mais j’essaie de m’intégrer ici pour ne pas avoir le cœur en l’air. Je dois penser à mes enfants, me stabiliser. Si les enfants voient un père instable ou inquiet, ils ressentiront la même chose. Il faut mener la lutte au quotidien.

En écoutant les propos de M. Rwamo, on réalise à quel point le processus d’immigration est difficile. Plusieurs se découragent et demeurent sur l’aide sociale. Pour faciliter le processus, Athanase Rwamo conseille avant tout aux futurs immigrants de se laisser accompagner.

Il faut absolument que l’immigrant passe par ces structures sinon il sera désorienté. En fait, il y a tout ici pour les immigrants. L’État a mis sur pieds beaucoup de structures pour accueillir les immigrants.

Les réseaux sociaux permettent d’ailleurs aux immigrants de garder le contact avec leur famille, selon lui. On ne peut jamais être seul, à moins qu’on le veuille vraiment.

Quel message Athanase Rwamo donnerait aux Québécois à propos de leurs inquiétudes éventuelles face aux immigrants? Il explique « qu’à un certain moment, ils ont aussi raison d’être inquiets. Avec l’immigration massive, on donne beaucoup d’argent, tandis que les autochtones continuent de souffrir ou que nous devons toujours vivre avec le salaire minimum. Il faut absolument être ouvert et aider les autres! ».

En concluant sur ces sages paroles, voici une photo de la famille de celui qui a su éveiller en nous un mélange d’émotions teinté de tristesse, d’espoir, de joie. D’ailleurs, je tiens à souligner que son engagement au service de la communauté lui a valu plusieurs prix de reconnaissance, dont le Prix des Nations Unies pour la lutte contre la pauvreté remis à New York le 9 septembre 1999 et le Prix des Nations Unies pour la Société civile remis le 8 décembre 2001 à Vienne. Vous pouvez d’ailleurs en savoir plus en lisant son livre « LA RUE, refuge et calvaire », dont il a eu la délicatesse de nous offrir un exemplaire.

Athanase Rwamo et sa famille

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