29 Zied X.
Elizabeth Brassard
Le défi était immense. Les étapes à franchir avant d’obtenir son billet d’avion vers le Canada furent longues et coûteuses. Mais pourquoi ici plutôt qu’ailleurs? À cause de la langue française qu’il parlait déjà. Aussi, d’après son expérience, le Canada était l’un des pays avec une politique d’immigration les plus sélectives. Il félicite le gouvernement pour ses efforts pour promouvoir cette destination. Les images auxquelles il avait accès sur Internet l’ont séduit. Une chose est sûre, les défis et nouvelles aventures ne faisaient pas peur à Zied! Originaire de Soliman, il a choisi le Canada dans le but de s’assurer un meilleur avenir, d’améliorer sa situation et ses conditions de vie.
De la Tunisie à Québec
Alors qu’il était encore à l’étape des démarches et des procédures officielles d’immigration canadiennes, il fit la connaissance sur Internet d’une Québécoise qu’il trouva très attachante. Il n’était même pas arrivé qu’une histoire d’amour l’attendait déjà…
C’est finalement en 2012 que Zied mit les pieds à Montréal pour la première fois. C’était un de ses amis qui vivait au Québec depuis déjà quatre ans qui l’attendait à l’aéroport les bras ouverts. Il resta avec lui dans la métropole pendant quelque temps, afin de s’adapter à son nouvel environnement, puis se déplaça ensuite vers la Capitale-Nationale. « C’est d’abord le climat qui m’a surpris à mon arrivée », dit-il sans aucune hésitation. Difficile de comparer un mois d’octobre au Québec à un mois d’octobre en Tunisie. La première neige ne tarda pas et il fut impressionné, ainsi que par les infrastructures en général, les signalisations routières et les « grosses » voitures américaines. Même si tous les membres de sa famille, ainsi que ses amis, sont restés au pays, il dit s’être bien acclimaté et aime sa nouvelle vie. Cependant, il ne cache pas avoir vécu quelques difficultés au début de sa transition.
Transition dans la persévérance
Zied est doté d’une forte expérience professionnelle en hôtellerie. En Tunisie, il travaillait à la réception dans des hôtels de luxe. Il aimait son travail. Il a reçu une très bonne éducation, et fit des études en anglais, en français et en allemand, ce qui est un énorme atout pour lui. Mais malgré ses fortes qualifications, il passa deux mois sans pouvoir décrocher un emploi et dut se résoudre à faire des « jobines » depuis maintenant un peu plus de trois ans. Tout d’abord, il a travaillé dans une usine. Aujourd’hui, il œuvre à l’hôtel Clarendon, dans le vieux Québec, où il occupe un poste dans le service à la clientèle. Heureusement, il se rapproche tranquillement de son domaine et de ses intérêts. La persévérance est un ingrédient nécessaire pour lui, car le chemin est périlleux jusqu’à l’obtention de la « reconnaissance de ses acquis » au Québec. Zied est toujours dans la démarche d’« évaluation comparative » pour que ses expériences soient enfin reconnues et qu’il puisse obtenir un emploi en hôtellerie.
S’adapter malgré les différences
Selon lui, les aliments québécois semblent être moins nutritifs que ceux de son pays d’origine, mais il s’y est accoutumé. Dans son pays, les quantités servies aux invités sont immenses. On force pratiquement la personne à manger plus même si elle n’a pas faim. Il souligne que dans la culture tunisienne, même si une personne a soif, elle n’osera pas le demander à la personne qui reçoit, par pudeur. C’est pourquoi les hôtes servent de grosses portions et s’assurent que l’invité ne manque de rien. En Tunisie, demander est vu comme un acte d’impolitesse, contrairement au Québec où il n’y a aucune gêne en ce sens.
Il souligne aussi que son français et le français québécois sont différents, notamment au niveau du jargon. Petite anecdote, il dit avoir trouvé difficile de faire le lien entre le mot « char » et le terme commun « voiture » quand quelqu’un l’a prononcé devant lui pour la première fois. Bien qu’il parle très bien le français depuis longtemps, il dut s’habituer à l’accent québécois et à nos expressions qui ne sont pas toujours évidentes à comprendre.
Des difficultés à surmonter
Zied a trouvé le peuple québécois très enclin au jugement. À maintes reprises, il s’est fait lancer des insultes et a souvent fait l’objet des regards méprisants.
Ils te jugent dans leur tête même s’ils ne te le disent pas. Les Québécois sont aux deux extrêmes, ils sont super souriants avec toi ou super froids.
Selon lui, le racisme envers les Arabes se fait davantage sentir dans les banlieues de la ville de Québec. Après presque cinq ans ici, il est convaincu que les médias manipulent la société par leur façon de couvrir l’actualité en lien avec la religion musulmane.
Aujourd’hui épanoui
Zied a une très bonne vie sociale, bien qu’il constate que la diversité culturelle inquiète encore les Québécois. Il trouve ardu de faire bonne impression auprès des personnes qu’il rencontre pour la première fois.
Il éprouve de la difficulté à obtenir un emploi dans le secteur de l’hôtellerie, mais garde toutefois l’espoir d’y arriver tôt ou tard. D’après lui, il est important de faire reconnaître ses acquis et d’obtenir une reconnaissance des diplômes dès l’arrivée. Il a connu plusieurs personnes qui ont trouvé des emplois avant d’avoir la reconnaissance de leurs acquis, mais qui ne peuvent malheureusement pas obtenir d’autres emplois.
À trente ans sonnés, après toutes les démarches qu’il a effectuées, il est très fier d’être ici. Il a travaillé fort pour être sélectionné parmi tous ceux qui tentaient de franchir la frontière canadienne. Il en est fier, car le processus d’immigration du Canada est l’un des plus difficiles du monde. La sélection est minutieuse et rigoureuse.
Ils ne prennent que les meilleurs diplômés, les personnes qui travaillent dans un domaine où il y a de la demande, nous sommes notés sur la langue et sélectionnés en fonction de notre âge.
Son frère est venu le visiter dernièrement. Il y a maintenant des vols directs avec la Tunisie, ce qui facilite la tâche à ceux qui souhaitent venir le voir dans son nouvel environnement.
Cri du cœur
Les Québécois devraient ouvrir les bras devant les étrangers et casser le mur qui existe entre les différentes ethnies et religions.
Il est arrivé que Zied se fasse crier des insultes et que certains lui manquent de respect à cause de ses origines. Selon lui, les Québécois devraient s’éduquer et tenter de connaître les différentes nations : « Nous sommes de bonnes personnes ». Bien qu’il ne porte pas une attention particulière à la politique, il remercie le parti libéral pour son ouverture sur le monde et les immigrants.