34 Adam X.

Rosalie Guay

On est tous des fils d’Adam et d’Ève, alors on est tous des frères et sœurs…

 Faire le choix de l’immigration

Adam vivait dans la ville de Tunis avec toute sa famille et ses amis. Un jour, il choisit d’effectuer un changement pour améliorer son niveau de vie. C’est donc dans l’optique de trouver un meilleur travail et une meilleure qualité de vie qu’Adam quitta son pays d’origine et se lança dans la périlleuse aventure de l’immigration.

J’ai bien étudié la situation d’immigration à travers le monde et surtout l’Europe, le Canada, les États-Unis et l’Australie.

Adam avait une préférence pour une destination francophone, puisqu’en Tunisie, la seconde langue parlée est le français. La France n’était pas une option pour lui puisque le taux de chômage y est aussi élevé qu’en Tunisie et l’intégration des immigrants n’y est pas favorable.

Le Québec semblait être la meilleure destination. Il fit sa demande d’immigration, mais le processus pour obtenir un visa canadien était trop long et il ne voulait pas attendre. Il s’essaya donc pour l’Australie. Après avoir obtenu l’approbation pour le visa et passé tous les tests, il décida d’annuler par manque d’argent. « Ils demandaient beaucoup d’argent pour commencer à vivre là-bas et je n’en avais pas ». Aux États-Unis, il avait obtenu la green card, mais n’eut pas de chance pour un visa et, encore une fois, il n’avait pas les moyens financiers. Entre chaque démarche, le temps passait et une fois toutes ses options essayées, déjà deux années et demie avaient passé. C’était le temps nécessaire pour que les démarches du Québec se finalisent et, contre toute attente, le Québec accepta finalement sa demande de visa. Il était « très heureux de la situation ».

L’arrivée à Québec

En arrivant en septembre, Adam eut droit à un court temps d’adaptation au climat du Québec. Il se souvient que c’était un beau mois de septembre, chaud. « C’était agréable parce que la Tunisie, c’était trop chaud pour moi ». C’était d’ailleurs une des raisons de son départ. Adam avait quelques connaissances qui habitaient déjà à Québec. Ils l’ont aidé dans les démarches et les papiers pour les premières semaines, mais lui aussi expliquer les manières de fonctionner d’ici, les règles de conduite, « par exemple, ici les gens respectent les files d’attente. Savoir cela empêche de faire bien des bêtises ».

Adam arriva donc au Québec en septembre 2011, avec seulement 2 500 $ en poche pour combler le temps d’adaptation et de recherche d’emploi.

Il est difficile d’imaginer partir avec si peu et devoir tout recommencer à zéro. C’était très difficile au début. C’était stressant et j’étais obligé d’accepter des emplois même s’ils n’étaient pas dans mon domaine. Je ne voulais pas être sur l’aide sociale.

Pendant trois mois, Adam eut de médiocres conditions de travail et il ne savait jamais s’il serait capable de payer à la fin du mois.

Les emplois n’étaient pas motivants à cause du très petit salaire et des longs trajets d’autobus qu’ils exigeaient. Les employeurs exploitaient mon manque d’expérience aux yeux des normes du Québec.

Il n’a donc pas tardé à faire ce qu’on appelle une évaluation comparative des diplômes hors Québec. Cela lui a permis d’obtenir la certification pour travailler dans son domaine. Il reçut finalement une offre d’emploi plus intéressante dans son domaine, ce qui lui a permis d’améliorer son niveau de vie tranquillement. Il eut plusieurs emplois avant de trouver son emploi actuel, celui qui le comble vraiment.

En arrivant à Québec, Adam était célibataire et avait « un fort sentiment de solitude », car il avait laissé toute sa famille en Tunisie et qu’il n’avait pas de compagne de vie. Après un an, il voulut donc trouver quelqu’un ici avec qui partager sa vie. Il voulait « quelqu’un avec qui partager les hauts et les bas de la vie et fonder une famille à Québec ».

Religion

Se définissant comme musulman croyant et pratiquant, Adam doit faire ses cinq prières durant la journée. Au début, il eut de la difficulté à pratiquer les prières pendant la journée. Comme il ne voulait pas avoir de problèmes avec ses employeurs, il ne demanda pas à prier sur son lieu de travail. Après un moment, il devint plus confiant et il demanda la permission de prier pendant les pauses. À son premier emploi, il n’y eut pas de problème. Par contre, à son deuxième emploi, il n’obtint pas l’accord.

Mon employeur n’était pas accommodant et cela était dur pour moi.

Valeurs

Tout au long des démarches pour venir vivre à Québec, Adam apprit beaucoup sur la ville et la province, mais l’apprentissage fut réellement tangible dans le quotidien. Pour Adam, une des plus belles valeurs du Québec fait référence à la justice et à l’égalité.

Comparé à la Tunisie, ici on respecte et on fait appliquer la loi. C’est drôle d’ailleurs, parce que dans la religion musulmane, la justice est très importante et les Québécois la respectent plus que nous-mêmes.

Lors des premiers mois, Adam trouvait que les Québécois étaient très gentils : « On m’offrait beaucoup d’aide matérielle, mais surtout de l’aide morale ».

Habitation

Adam fut surpris par l’architecture du Québec qui est complètement différente de celle de son pays d’origine.

On se prépare, on étudie, on regarde des photos, mais ce n’est pas pareil. La première journée j’étais saturé, bloqué par la différence, mais on finit par s’habituer.

Il était conscient que la Tunisie avait un peu de retard par rapport au Québec, mais « la surprise était grande par rapport au confort du Québec : le chauffage, la climatisation et l’espace dans les logements et les transports en commun. Ici, presque tout le monde a un siège pour s’asseoir. Il y a aussi beaucoup de feux de circulation comparativement à la Tunisie ».

Racisme caché

Vivre le racisme, même si on veut l’oublier, ça fait mal et ça reste.

Adam a été confronté au racisme.

Je ne veux pas généraliser, tout le monde n’est pas raciste. C’est quelques personnes, quelques moments.

Adam constate quand même que le racisme prend une forme différente ici. Contrairement à l’Europe où le racisme est exprimé clairement dans la rue, au Québec le racisme est caché. Être raciste, c’est un tabou et ce n’est pas accepté, mais certaines personnes le sont quand même. Il l’a subi à de nombreuses reprises pendant qu’il recherchait un emploi : « Ce n’est pas dit clairement, mais nous sommes exclus silencieusement ».

Le pire moment pour Adam fut lors d’une confrontation avec le propriétaire de son deuxième logement. Il y avait des problèmes dans l’appartement avec le robinet et l’eau chaude, mais, lorsqu’il appela le propriétaire, celui-ci l’insulta et lui dit de retourner dans son pays, que tout le monde s’en porterait mieux. Adam se résolut à le confronter à nouveau en menaçant d’appeler la police, mais le propriétaire resta ferme. Par crainte d’avoir un mauvais dossier de locataire, il n’a rien fait. Ce fut pour lui une expérience douloureuse et difficile à partager.

Selon Adam, les médias ont une grande part de responsabilité dans la lutte contre l’islamophobie. Le manque d’information ou la qualité de l’information sont souvent responsables de ce type de comportement.

C’est dommage, car peu de gens sont conscients qu’il y a une différence entre les Arabes et les musulmans, peu de gens savent ce qu’est réellement la religion musulmane.

Le Québec aujourd’hui

Malgré le fait qu’il soit impossible d’oublier notre origine et nos souvenirs, il est possible de s’adapter à la vie québécoise.

Je ne veux pas changer mon accent. Je suis bien avec qui je suis. Je respecte les règles, les normes et j’aime ce pays. Je me sens impliqué dans l’avenir du Québec, du Canada. J’y élève mes enfants, je participe à la vie économique et au développement de la société. J’ai même commencé les démarches pour obtenir ma citoyenneté, car je veux participer aux élections et avoir le droit de voter.

La vie d’Adam à Québec est bien remplie.

Je suis comblé avec ma famille, mes amis, ma voiture, des assurances, un travail, une vie de qualité. Ce sont plusieurs choses que je n’avais pas dans mon pays d’origine.

Entre les prières le soir à la mosquée où il socialise avec des amis, il trouve toujours le temps de revenir à la maison écouter son émission préférée : « Génial ». Il a d’ailleurs constaté qu’il « passe plus de temps avec les amis québécois qu’avec sa femme à la maison ». L’adaptation s’est bien faite et il désire continuer à la bonifier. Il a pris récemment la décision de retourner à l’école. « J’ai débuté des études pour améliorer mon expérience et mes compétences pour mieux m’installer ici ».

Recommandations

Il faut faire attention aux diplômes et aux équivalences de diplômes.

Selon lui, « pour avoir plus de chance, il faut étudier et demander la reconnaissance de ses diplômes ».

Selon Adam, lorsque tu immigres, « il ne faut pas mentir, ne pas se forcer à changer. Si tu n’es pas à l’aise, il ne faut pas rester ». Il croit profondément qu’il n’y a pas de honte à repartir ou changer de destination. Il connaît des personnes qui ne sont pas reparties alors qu’elles ne se sentaient pas bien. Elles n’ont pas trouvé d’emploi et, maintenant, elles vivent de l’assistance sociale. « Ce n’est pas une expérience réussie, parce qu’ils ne se développent pas et ne contribuent pas à la société ».

Ville de Tunis. Source : https://location-vacances-tunisie.jimdo.com/la-tunisie

 

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