44 Nesrine X.
Marie-Claude Rhéaume
Nesrine est originaire de Tunis. Âgée dans la trentaine et mère de deux jeunes enfants nés à Québec, elle y vit en compagnie de son mari depuis près de sept ans, soit depuis 2010, et travaille actuellement au gouvernement du Québec. Avant d’immigrer, elle a obtenu une maîtrise en administration dans son pays d’origine.
Pourquoi le Québec?
Nesrine prit la décision de quitter la Tunisie principalement en raison des études de son mari à l’Université Laval. En effet, ayant entrepris des études universitaires en administration des affaires en 2006, ce dernier pouvait l’accueillir dans la capitale nationale. Son intégration fut d’ailleurs facilitée par le fait que son mari habitait le Québec depuis quatre ans. Nesrine se trouvait alors à la recherche de nouveaux défis; s’établir au Québec et y bâtir sa carrière lui permettaient d’offrir une meilleure qualité de vie à sa progéniture. Elle choisit également le Québec parce qu’elle y avait déjà de la famille, tant de son côté que de celui de son conjoint. Ceux-ci leur recommandèrent fortement le Canada, mais elle précise : « Nous avons choisi le Québec parce qu’il s’agissait d’une province francophone ». Le français étant la deuxième langue de la Tunisie, cela facilitait davantage leur immersion.
Les deux côtés de la médaille
Lors des premiers mois de sa vie québécoise, plusieurs éléments vinrent faciliter son intégration tandis que d’autres la rendirent parfois plus difficile.
D’un côté, elle fut beaucoup aidée par le programme d’intégration à l’emploi offert par Exportech Québec. Cette expérience « très formatrice » permit à Nesrine non seulement d’intégrer le marché du travail plus rapidement, mais aussi de s’adapter aux codes culturels québécois. Par ailleurs, le fait d’avoir trouvé un emploi au gouvernement dans son domaine d’étude dès la première année fut d’un grand soulagement. « C’est la reconnaissance de mes diplômes et de mes équivalences de travail par le Canada qui m’a permis de décrocher ce poste », précise-t-elle. Enfin, grâce à sa famille qui demeurait déjà au Québec, dont son mari, elle reçut tout le support nécessaire pour s’adapter à cette nouvelle culture.
De l’autre côté, le climat fut très déstabilisant. Venant d’un pays où la chaleur est au rendez-vous, le froid du mois d’octobre et de l’hiver qui s’ensuivit fut bien pénible pour Nesrine. Elle mit un certain temps à s’habituer aux températures glaciales québécoises. En outre, même si elle maitrisait très bien la langue française avant son arrivée au Québec, il lui fut parfois ardu de comprendre le dialecte québécois au quotidien : l’accent et les différentes expressions typiquement québécoises lui demandèrent quelques mois d’adaptation.
Les valeurs québécoises
Qui dit différents pay dit différentes valeurs, et c’est ce que Nesrine dit avoir observé depuis son arrivée au Québec.
Pour elle, le service des Québécois est généralement « très courtois ». Que ce soit au supermarché, à la pharmacie ou encore au centre d’achat, le service à la clientèle semble être une valeur bien spécifique et importante dans la culture. Elle a aussi remarqué que les gens sont très organisés et qu’ils deviennent donc autonomes plus rapidement, c’est-à-dire à partir d’un plus jeune âge. Selon elle, le « respect des individus » est également très valorisé par les Québécois.
C’est une valeur qui me rejoint particulièrement!
Dans un autre ordre d’idée, elle remarque que les liens familiaux semblent moins importants dans la culture québécoise, comparativement à la sienne. Les valeurs familiales étant très précieuses pour les Tunisiens, elle observe une distinction dans la façon dont nous entretenons nos relations avec les membres de notre famille, particulièrement avec les aînés. Aussi, selon elle, certains Québécois semblent moins ouverts à l’égard des immigrants, « mais ils ne forment pas la majorité », précise-t-elle.
La vie à Québec
À ce jour, en tant que Canadienne, Nesrine vit très bien à Québec. Elle a un emploi stable qui lui permet de s’épanouir professionnellement, des amis et de la famille au Québec, mais également son mari et ses deux enfants qui la comblent. Elle se considère « fière d’être Canadienne », mais reste tout aussi fière d’être Tunisienne. En effet, elle garde un lien fort avec son pays d’origine et le visite chaque année afin de revoir sa famille et de conserver son sentiment d’appartenance à la Tunisie. Elle et son mari reçoivent d’ailleurs souvent les membres de leur famille qui y demeurent toujours. Quant à ses amis, collègues et connaissances, ces derniers s’intéressent grandement à ses origines et à la Tunisie, espérant un jour s’y rendre pour en connaître davantage.
Pour faciliter l’immigration
Afin de faciliter le processus d’immigration, mais aussi l’adaptation et l’intégration dans un nouveau pays, elle recommande à tout immigrant de « respecter les différences », mais surtout, de « demeurer fier de ses origines, quelles qu’elles soient ». Rappelons le fait qu’intégrer le marché du travail dès son arrivée au Québec a grandement facilité son adaptation en plus de renforcer son estime personnelle. Elle suggère donc à tout nouvel arrivant dans le pays de « ne pas s’isoler » et d’intégrer le marché du travail le plus rapidement possible afin de se donner les meilleures chances pour une intégration réussie.
Message pour les Québécois
En tant qu’immigrante, Nesrine souhaite transmettre comme message aux Québécois pouvant se montrer craintifs devant l’arrivée d’immigrants qu’ils ne doivent pas porter de jugement à leur égard. En effet, ces gens viennent habiter le Québec afin d’améliorer leurs conditions de vie, en plus de donner une chance à leurs enfants d’avoir une vie heureuse et épanouie. De plus, pour immigrer, principalement au Québec, les immigrants doivent répondre à plusieurs critères. Ils arrivent donc avec une bonne maîtrise de la langue française, mais aussi avec leurs diplômes. « Il s’agit de gens qui arrivent avec leurs études, leurs expériences; ce sont des personnes éduquées qui peuvent apporter du bien au Québec ». Il est donc important de « ne pas les sous-estimer » puisqu’ils représentent une « grande richesse » pour notre pays et notre province.
Nesrine ajoute que, si un immigrant ne doit pas effacer son passé et oublier ses origines, c’est tout de même son rôle de « s’ouvrir, de s’adapter et d’aimer le pays d’accueil et les gens qui y habitent ».
Malheureusement, depuis l’attentat du 29 janvier 2017 survenu à la grande mosquée de Québec, sa vision du Québec et de ses habitants est teintée d’inquiétude : « Il faut savoir qu’à partir de la tragédie du 29 janvier 2017, c’est moi l’immigrante qui s’inquiète de la capacité du Québec et de ses habitants à être ouverts et à accepter l’autre ».